Pierre qui roule n'amasse pas mousse : définition et origine de l’expression
Sommaire
Il est des expressions que seules nos grand-mères utilisent encore. « Pierre qui roule n’amasse pas mousse » en fait probablement partie. Et pourtant, c’est un de ces petits dictons bien sentis qu’on aimerait remettre au goût du jour. Quel est son sens ? Notre article est là pour vous éclairer. Bonne lecture !
Définition de l’expression « Pierre qui roule n’amasse pas mousse ».
L’expression, parfois utilisée de manière elliptique : « Pierre qui roule… », signifie qu’une vie insouciante et instable ne permet pas d’amasser des biens (ou des richesses) et de construire un patrimoine consistant. Ce n’est pas en bougeant dans tous les sens, à courir le monde, qu’on va réussir à construire une vie stable et prospère.
On pourrait croire que l’expression fait référence à un certain Pierre et pourtant il n’en est rien. Ceux qui sont familiers avec l’univers de la forêt feront tout de suite le lien : vous avez déjà observé sur les troncs des arbres et les rochers qui longent les chemins, la mousse verte qui s’accumule, souvent en raison de l’humidité et de la fraîcheur qui habitent les sous-bois. Ainsi, une pierre en mouvement – charriée par les torrents, par exemple – ne peut se recouvrir de mousse… tout simplement !
Par conséquent, cette expression rentre dans la catégorie des catachrèses (figure de style qui consiste à détourner un mot ou une expression de son sens propre en étendant sa signification), dans la mesure où l’objet cité a valeur d’allégorie. La pierre qui roule, dans le cadre de ce dicton, décrit une réalité « absurde » et emprunte une dimension symbolique pour faire passer un message abstrait.
Origine de l’expression « Pierre qui roule n’amasse pas mousse ».
L’expression remonte à l’Antiquité et puise son origine dans la tradition latine : « Saxum volutum non obducitur musco », ce qui signifie littéralement : la pierre roulée ne se recouvre pas de mousse. Par la suite, c’est au XVIe siècle que l’usage de l’expression est attesté en France. Une formulation certes plus châtiée, mais le sens reste inchangé : « Pierre souvent remuée de la mousse n’est velée (revêtue) ».
Pour aller plus loin : Cette expression traduit une opinion populaire assez répandue, c’est pourquoi on trouve en latin plusieurs dictons qui expriment la même idée. La mentalité grecque et romaine mettait à l’honneur des valeurs telles que la modération, l’harmonie de l’existence et la capacité à établir un équilibre de vie (ce sont les mêmes qui prônent l’ataraxie, c’est-à-dire la tranquillité de l’âme). Ainsi, on trouve : « Saepius plantata arbor fructum profert exiguum » : « Arbre souvent transplanté n’a jamais de fruits en abondance ». Ou encore, chez le poète latin Martial : « Quisquis ubique habitat, nusquam habitat » : « Celui qui habite partout n’habite nulle part ».
Pour aller encore plus loin : c’est plus tard au tour du poète et dramaturge français, Jean-Baptiste Gresset, de composer un quatrain sur le même sujet :
Dans maint auteur de science profonde
Jean-Baptiste Gresset, Vert-Vert, ou les Voyages d’un perroquet de la Visitation de Nevers, 1734
J’ai lu qu’on perd trop à courir le monde :
Très rarement en devient-on meilleur.
Un sort errant ne conduit qu’à l’erreur.
On peut aussi compléter cette expression par la suivante, qui nous vient du XVIIe siècle : « Les voyages forment la jeunesse » et ajouter que si l’agitation et le mouvement incessant ne permettent pas d’accumuler grande fortune, les voyages, quant à eux, permettent de s’enrichir intellectuellement.
Inscrivez vous au Parcours Expressions & Proverbes
Découvrez chaque mercredi la signification et l'origine d'une expression ou proverbe francophone.
Et voici un récapitulatif en vidéo :
Exemples d’usage de l’expression « Pierre qui roule n’amasse pas mousse »
Il était tout petit enfant encore quand sa grand-mère lui disait, tout en filant sa quenouille, car il était difficile de le faire tenir en place, et l’on était sûr de le trouver précisément dans l’endroit où il n’aurait pas dû être : « Petit-Pierre, mon garçon, souviens-t’en, pierre qui roule n’amasse pas mousse ! »
Félix-Henri, « Pierre qui roule », dans La Semaine des familles : revue universelle hebdomadaire, vol. 1, p. 300, samedi 5 février 1859
Criez toujours, citoyens affamés. Les murailles des palaces vous renvoient vos cris, car vos cris sont comme des pierres qui roulent… et pierre qui roule n’amasse pas mousse.
Association de solidarité Loiret Algérie, Nous allons sauter les barrières : Lettres d’Algérie, 2000
Robespierre qui roule n’amasse pas mousse.
Mariagrazia Margarito, « Quand les mots ne cachent plus leurs jeux », Presse Universitaires de Montréal, 1989
Va mon vieux, va comme j’te pousse, à gauche, à droit’, va ça fait rien. Va pierr’ qui roule amass’ pas mousse, j’m’appell’ pas Pierre et je l’sais bien ».
Aristide Bruant, « Philosophe », Dans la rue
Les garçons de quinze ans qui vont en classe ont trop besoin de leur raison pour expliquer comment il se fait que « pierre qui roule n’amasse pas mousse » alors que « la fortune sourit aux audacieux »
Raymond Dumay, Le printemps des hommes
N’hésitez pas à compléter cet article si nécessaire et à ajouter vos réflexions sur cette expression française en commentaire.
En tout cas la bière, ça fait d’la mousse !