Il faut rendre à César ce qui est à César
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Qui n’a jamais entendu cette formule, souvent proférée avec une pointe de solennité ou un soupçon d’ironie ? L’expression « il faut rendre à César ce qui est à César » est solidement ancrée dans la langue française et souvent utilisée en rhétorique. Elle suggère un appel à l’honnêteté intellectuelle et au respect de la paternité d’une idée ou d’une action. Mais d’où vient cette expression ? Quel sens revêt-elle exactement ? Voyons cela d’un peu plus près dans cet article.
Définition de l’expression « il faut rendre à César ce qui est à César »
L’expression « il faut rendre à César ce qui est à César » signifie qu’il convient d’attribuer à chacun ce qui lui revient de droit, que ce soit en termes de mérite, de reconnaissance, de responsabilité ou de propriété. Elle est utilisée pour insister sur l’importance de ne pas s’attribuer indûment les actions, les œuvres ou les idées d’autrui, et de reconnaître explicitement les contributions réelles des personnes concernées.
Dans la vie courante, l’expression « il faut rendre à César ce qui est à César » est utilisée dans une grande variété de situations. Elle agit comme un rappel à la justice, à l’honnêteté intellectuelle et au respect du travail d’autrui :
- Dans le monde professionnel, elle permet de remettre les pendules à l’heure lorsque le mérite d’un projet ou d’un succès revient en réalité à un collaborateur oublié ou éclipsé. Par exemple, si un manager reçoit les éloges pour une stratégie de communication performante imaginée par son équipe, un collègue intègre pourra dire : « Rendons à César ce qui est à César : cette campagne, c’est l’idée de Julie. »
- En politique ou dans les médias, on s’en sert pour rétablir les faits lorsqu’un homme ou une femme politique s’approprie une initiative qui ne vient pas d’eux. Ainsi, un journaliste peut rappeler que « le plafonnement des loyers, attribué au ministre actuel, avait été amorcé par la majorité précédente. Il faut rendre à César ce qui est à César. »
- Dans le domaine de la recherche ou de l’histoire, l’expression est précieuse pour reconnaître la véritable origine d’une découverte ou d’une citation. Par exemple, quand une célèbre phrase comme « Le style, c’est l’homme même » est attribuée à tort à Victor Hugo, un professeur averti corrige : « En réalité, c’est de Buffon. Il faut rendre à César ce qui est à César. »
- Dans les relations personnelles, l’expression est utile pour valoriser les efforts ou les qualités de quelqu’un souvent sous-estimé. Par exemple, lorsqu’un couple reçoit des compliments pour un dîner réussi, l’un peut dire avec humour : « C’est Léa qui a tout préparé, moi j’ai juste mis la table. Il faut rendre à César ce qui est à César. »
Cette formule traverse ainsi les sphères privées comme publiques, et s’impose comme un marqueur de rigueur morale et de reconnaissance équitable.
Origine de l’expression « il faut rendre à César ce qui est à César »
L’origine de cette expression est biblique. Elle apparaît dans les Évangiles du Nouveau Testament, plus précisément dans l’Évangile selon Matthieu (22, 15-22), mais on la retrouve également dans Marc (12, 13-17) et Luc (20, 20-26). L’épisode relaté est celui où les pharisiens, désireux de piéger Jésus, lui posent une question sur la légitimité de payer l’impôt à l’empereur romain :
En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler.
Évangile (Mt 22, 15-21)
Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode :
« Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.
Alors, donne-nous ton avis :
Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? »
Connaissant leur perversité, Jésus dit :
« Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’un denier.
Il leur dit :
« Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? »
Ils répondirent :
« De César. »
Alors il leur dit :
« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Dans ce passage, Jésus, en tenant une pièce de monnaie romaine frappée à l’effigie de l’empereur, élude habilement la question tendancieuse. Il ne condamne ni n’approuve directement l’impôt, mais sépare le domaine de l’État (symbolisé par César) de celui de la foi (symbolisé par Dieu). Ce verset est souvent cité comme un exemple de la distinction entre pouvoir temporel et autorité spirituelle.
Le nom « César », dans l’expression, renvoie à Jules César, figure emblématique du pouvoir impérial romain. À noter que César était Tibère à l’époque de Jésus.

Avec le temps, cette phrase a quitté son registre religieux initial pour entrer dans le langage courant, où elle est désormais utilisée dans un sens plus général, souvent vidé de son contenu spirituel. Elle est devenue une maxime morale sur la reconnaissance du mérite et la justice dans l’attribution des responsabilités ou des biens.
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Exemples d’usage de « Rendre à César à ce qui est à César »
[…] le présentateur l’avait promis mais vous savez comme le temps est changeant et, si vous voulez mon avis, ils se trompent aussi souvent qu’ils prévoient correctement, mais j’écoute la météo tout de même et pour rendre à César ce qui est à César, au printemps dernier, ils ont bien prévenu les gens qu’il y aurait des vents violents et des inondations, et c’était tant mieux parce que la tempête a éventré Pittsburgh, de grands arbres ont été arrachés…
John Edgar Wideman, Le projet Fanon
— J’ai lu récemment, dit-il, un article intéressant dans le New York Times d’un excellent éditorialiste, David Brooks. Il faut rendre à César ce qui est à César, donc je cite mes sources.
Philippe Labro, Les gens
Car il faut rendre à César ce qui est à César ; si on se rappelle le début de l’histoire, il est certain que l’initiative est surtout venue de Danila. Le maître d’oeuvre, c’est lui.
Dmitri Bavilski, Les Mangeurs de pommes de terre
Ne crois pas que je sois de l’APRA, mais il faut rendre à César ce qui est à César. Je suis socialiste, mon vieux, même si l’on dit que militaire et socialiste, ça ne va pas ensemble. Militaire ? a sursauté Mayta. Sous-lieutenant, a acquiescé Vallejos.
Mario Vargas Llosa, Histoire de Mayta