Tirer sa révérence : définition et origine de l’expression
Sommaire
Si la « révérence » est au départ un geste de politesse, traditionnellement employé dans les plus hautes sphères de la société, l’expression « tirer sa révérence » s’est quant à elle parée de différentes interprétations au gré des siècles et des usages.
Que signifie « tirer sa révérence », et depuis quand utilise-t-on cette formule dans la langue française ? Cet article vous propose de le découvrir, en explorant la définition et l’origine de l’expression « tirer sa révérence ».
Définition de l’expression « tirer sa révérence »
Au sens premier, « tirer sa révérence » désigne l’acte de saluer avec déférence — un geste de respect généralement réservé aux individus de haute condition, symbolisant la reconnaissance et l’hommage.
Cependant, au fil du temps, la locution « tirer sa révérence » a acquis plusieurs définitions figurées, que nous détaillons ci-dessous.
- Prendre congé, quitter un lieu : puisque « tirer sa révérence » revêt le sens de « saluer », l’expression s’emploie lorsqu’on présente ses adieux. L’usage de cette formule colore ce départ d’une certaine solennité, voire d’une véritable théâtralité, accentuant à la fois l’impact et l’irrévocabilité de cette absence.
- Mourir : par extension de cette idée d’adieu sans retour possible, mêlée à l’image d’un salut, l’expression « tirer sa révérence » est parfois utilisée comme euphémisme pour évoquer le décès d’un individu, particulièrement si ce dernier est une personnalité publique (un acteur ou une figure politique, par exemple).
- Refuser, renoncer : enfin, l’expression peut également traduire un acte d’abandon ou de retrait ; elle s’emploie lorsque, face à une proposition ou un défi, on choisit de « se dégonfler », « se dérober » ou encore « se rétracter » au lieu de passer à l’action, souvent après mûre réflexion. Par exemple, une personnalité politique, après un échec électoral, décide de « tirer sa révérence ».
Origine de l’expression « tirer sa révérence »
L’expression « tirer sa révérence » nous ramène plusieurs siècles en arrière, à une époque où la révérence était avant tout un signe de profond respect, parfois teinté de crainte. Dès le XIIe siècle, ce terme désigne en effet une attitude de considération, voire d’adoration envers une personne de rang supérieur — généralement membre du clergé ou de la noblesse.
Au milieu du XIVe siècle, le mot « révérence » dénomme plus précisément une forme de salut cérémonieux, devenu un geste de civilité incontournable dans les interactions sociales, notamment à la cour. Ce geste diffère selon le genre et le statut social, allant de l’inclinaison pour les hommes à la génuflexion pour les femmes.
C’est au début du XVIIIe siècle que l’expression « tirer sa révérence » s’emploie de façon plus imagée, pour signifier le départ littéral ou figuré d’une personne, quelle que soit sa condition ou sa catégorie sociale.
Quant au verbe « tirer », utilisé plutôt que « saluer » ou « faire », par exemple, il s’explique par la manière dont on exécute ce salut traditionnel ; il s’accompagne généralement d’un mouvement du pied, que l’on « tire » vers l’arrière pour marquer le début de la révérence.
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L’analyse de l’usage de l’expression « tirer sa révérence » montre une popularité croissante au fil du temps :
Exemples de l’usage de l’expression « tirer sa révérence »
De surcroît, pour ranimer votre courage, elle vous donne toutes les raisons de croire que l’aile de l’abbaye que vous habitez est sans aucun doute hantée et vous informe qu’il n’y aura pas un seul domestique à portée de voix. Sur ces paroles rassurantes, elle s’en va après avoir tiré sa révérence. Vous écoutez décroître le bruit de ses pas tant que le dernier écho résonne à vos oreilles et quand, le cœur défaillant, vous essayez de fermer votre porte, vous vous apercevez, plus inquiète que jamais, qu’elle n’a pas de verrou.
Jane Austen, L’Abbaye de Northanger
Elle avait encore l’air d’une écolière ; son sarrau était repassé avec soin, bien froncé sur les épaules, la coiffure montait très haut, et on était un peu surpris, quand les yeux quittaient ces détails, de voir à la jeune fille un visage si sérieux. Elle tira sa révérence à la cuisinière, puis à Karl, et s’éloigna tandis que le jeune homme adressait involontairement à la cuisinière un regard d’interrogation.
Franz Kafka, L’Amérique
Son père amena un galant. Il était d’un château, il montrait sa belle jambe. Et il clamait « La belle est mon étoile. » Elle, en se riant, elle se dit qu’il avait donc perdu le nord et là-dessus elle lui demanda ce qu’il voulait faire pour elle ? « Mademoiselle, pour vous, je veux me jeter du haut de ce clocher. » « Tout ce qui est exagéré ne compte pas », pensa-t-elle, et elle lui tira sa révérence.
Henri Pourrat, Le trésor des contes
Ce n’était pas bien présenté. Je n’ai jamais su taper à la machine, et la secrétaire avait fini par tirer sa révérence. Mais c’était la vérité, bon sang, la vérité claire et nette.
Camille Laurens, Index
SIMONE
Nathalie Sarraute, Le Mensonge
Cette fois, mes amis, je vous tire ma révérence.
YVONNE
Je trouve aussi que la farce a assez duré. On a été patient. Très patient.