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Emile Zola : vie et œuvre

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« All is true », affirme le narrateur du Père Goriot, publié par Honoré de Balzac en 1835. Dans la même veine et le même désir d’authenticité, Gustave Flaubert,  affirme quant à lui la nécessité d’associer l’exigence du « Beau » à celle du « Vrai ». Stendhal, enfin, parle du roman comme d’un miroir, reflet fidèle et complet du réel.  Émile Zola, cadet des de ces grands écrivains réalistes du XIXe siècle, a porté à son paroxysme ces trois idées. 

L’auteur des Rougon-Macquart, chef de file des naturalistes, adepte du roman expérimental, fondé sur la documentation et l’observation, a livré au travers de son oeuvre – mais aussi de ses travaux de journaliste – une étude sociale, révolutionnaire dans le milieu de la littérature et jusqu’ici inégalée, de personnages de la France du second Empire. 

Dans une lettre à Henry Céard, datée du 22 mars 1885, il définit son art littéraire : « Nous mentons tous plus ou moins, mais quelle est la mécanique et la mentalité de notre mensonge ? Or – c’est ici que je m’abuse peut-être – je crois encore que je mens pour mon compte dans le sens de la vérité. J’ai l’hypertrophie du détail vrai, le saut dans les étoiles sur le tremplin de l’observation exacte. La vérité monte d’un coup d’ailes jusqu’au symbole. Il y aurait là beaucoup à dire ». 

Qui est Emile Zola ?

Né le 2 avril 1840, à Paris, Émile Zola est le fils d’un Italien naturalisé. Il passe son enfance à Aix-en-Provence où il fait aussi ses études, qu’il termine par la suite à la capitale. Après avoir échoué au baccalauréat (1859), il décroche un travail à la librairie Hachette où son unique tâche est de ficeler les paquets. Mais le jeune garçon se fait rapidement remarquer par son intelligence et sa finesse d’esprit et se voit confier le service de la publicité. 

Ses premiers écrits sont d’inspiration romantique. Ils ne lui procurent pas un grand succès à proprement parler, mais lui permettent de se faire une place dans le milieu du journalisme. Il y publie des feuilletons et articles virulents. 

Son œuvre critique, Mes haines, publiée en 1865, donne une idée du ton rebelle adopté par l’écrivain et expose les prémices théoriques du naturalisme : il se veut moderne et révolutionnaire et rejette le romantisme qu’il considère comme démodé. On y trouve une phrase restée célèbre : « Une œuvre d’art est un coin de la création vu à travers un tempérament ». C’est aussi à cette époque qu’il se lie d’amitié avec les impressionnistes dont il est un grand admirateur. Il rencontre Edouard Manet, Pissarro, Renoir, Sisley, puis, par leur entremise, Stéphane Mallarmé

Le chef de file du naturalisme

Grand admirateur de Goncourt, de Taine et de Claude Bernard, il se défait rapidement de ses influences romantiques ou symbolistes pour s’orienter vers le réalisme et le porter à ses nues en devenant le chef de file du naturalisme. 

Dès la publication de Thérèse Raquin, en 1867, et de Madeleine Férat, en 1868, deux romans qui tranchent avec le style du moment, la tendance naturaliste de Zola se fait sentir. 

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En 1868, toujours, il trace la première ébauche de ce qui deviendra par la suite sa grande fresque romanesque, le cycle des Rougon-Macquart, « histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire », dont il publie, à partir de 1871 et au prix d’un labeur rigoureux et acharné, un roman par an (le cycle en comporte 19). Le succès – et le scandale – provoqué par le septième volume, L’Assommoir, publié en 1877, projette Zola sur le devant de la scène littéraire. 

A partir de 1877, Zola devient alors le père spirituel d’un mouvement dont la radicalité marque durablement l’histoire littéraire française. Les écrivains se regroupent autour de lui et forment l’école naturaliste. Ces penseurs et praticiens d’un nouveau mouvement littéraire se rassemblent régulièrement dans la villa de Zola, à Médan, non loin de Paris. Ils publient ensemble Les Soirées de Médan,  en 1880, un recueil de six nouvelles écrites par les disciples du naturalisme : Paul Alexis, Marius Roux, Léon Hennique, Henri Céard, Huysmans et Maupassant.  

Pour exposer sa doctrine, le « maître » publie plusieurs ouvrages de théorie critique : Le Roman expérimental, en 1880 ; Le Naturalisme au théâtre, en 1881 ; et Les Romanciers naturalistes, la même année. 

Emile Zola est désormais un homme de renom et aucune de ses publications ne passe inaperçue. Après l’événement littéraire et l’apogée de sa carrière que fut la publication de Germinal, en 1885, et sans se laisser atteindre par les remontrances de certains de ses anciens fidèles qui se rebiffent contre une certaine « outrance du naturalisme » (notamment avec le Manifeste des Cinq en 1888), Zola met le point final à la série des Rougon-Macquart en 1893, avec Le Docteur Pascal. Dans la foulée, il publie Les Trois Villes : Lourdes (1894), Rome (1896) et Paris (1897). 

Un écrivain engagé 

Au fur et à mesure de ses enquêtes menées sur le monde du travail et qui lui servent à étayer la trame de ses romans et à servir la cause du naturalisme, Zola se trouve des affinités avec le socialisme, et s’engage dès lors, surtout en tant que journaliste (il était davantage porté sur la critique littéraire jusqu’ici) sur les sujets politiques et sociaux. 

Lors de l’affaire Dreyfus, en 1898, il publie un article retentissant dans L’Aurore, encore très connu aujourd’hui, « J’accuse… ! », qui se veut une lettre ouverte au président de la République française, Félix Faure. Zola y prend la défense de l’officier Alfred Dreyfus et accuse le commandant Walsin Esterhazy d’être le véritable traître. 

La publication de l’article entraîne la condamnation de l’écrivain à un an de prison et à sa radiation de la Légion d’honneur. Il s’exile alors en Angleterre, de 1898 à 1899. À son retour, Emile Zola n’a pas oublié ses préoccupations humanitaires et entreprend un nouveau cycle de romans intitulé Les Quatre Evangiles, composé de Fécondité (1899), Travail (1901), Vérité (publié à titre posthume en 1903) et Justice, qui ne sera jamais achevé. 

En effet, Emile Zola meurt prématurément d’une asphyxie accidentelle (certains explorent la thèse du meurtre, tant Zola s’était fait d’ennemis parmi les anti-dreyfusards) le 29 septembre 1902. Son épouse, Alexandrine (avec qui il s’est marié en 1870) survit à l’intoxication (qui provenait de la combustion du feu couvert de leur chambre). Un hommage international est rendu à l’écrivain et Anatole France, lors des obsèques, déclare : « Il fut un moment de la conscience humaine ! »

L’œuvre d’Emile Zola

Comme Flaubert, Émile Zola est pris de passion pour le document, dans la mesure où chacun de ses romans est précédé de longues recherches, d’une enquête sociologique, aux prétentions quasi-scientifiques. 

C’est cette inclination pour un réalisme de l’extrême qui pousse Zola à fonder sa pensée naturaliste dans laquelle sont forgés tous ses grands romans. Le génie de Zola tient en ce que cette méthode étroite, héritée de Taine et du positivisme, ainsi qu’inspirée de Claude Bernard (et ses idées sur la biologie, la science ou l’expérimentation), n’a pas bridé le tempérament de l’écrivain. 

La doctrine naturaliste

Le naturalisme se veut précis, détaillé, proche de la réalité. Si l’écrivain réaliste Stendhal (1783-1842) disait à propos du roman qu’il doit être « un miroir qui se promène sur une grande route », l’esthétique zolienne va plus loin et affirme qu’il faut une loupe qui puisse scruter les moindre plis du visage humain et un scalpel pour disséquer tout ce que l’homme et la société portent en eux. 

La méthode de travail de Zola est donc celle d’un chercheur, que l’on peut presque assimiler à du journalisme ou à de l’enquête. Il confie lui-même, dans une lettre à son ami Jules Héricourt, datée du 17 juin 1889 : 

Ma façon de procéder est toujours celle-ci : d’abord, je me renseigne par moi-même, par ce que j’ai vu et entendu ; ensuite, je me renseigne par les documents écrits, les livres sur la matière, les notes que me donnent mes amis ; et enfin, l’imagination, l’intuition plutôt, fait le reste. Cette part de l’intuition est chez moi très grande, plus grande, je crois, que vous ne la faites. Comme le disait Flaubert, prendre des notes, c’est être simplement honnête ; mais les notes prises, il faut savoir les mépriser.

Les personnages de Zola

Zola est un fervent adepte de la subordination de la psychologie à la physiologie, ainsi qu’il l’exprime lui-même : 

Notre héros, n’est plus le pur esprit, l’homme abstrait du XVIIIème siècle. Il est le sujet physiologique de notre science actuelle, un être qui est composé d’organes et qui trempe dans un milieu dont il est pénétré à chaque heure. Tous les sens vont agir sur l’âme. Dans chacun de ses mouvements, l’âme sera précipitée ou ralentie par la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût, le toucher. La conception d’une âme isolée, fonctionnant toute seule dans le vide, devient fausse. C’est de la mécanique psychologique, ce n’est plus de la vie.

Pour autant, tout en portant à son paroxysme la recherche esthétique, Zola est resté fidèle à son credo, qu’il exposait dès août 1864 à son ami Valabrègue, à qui il recommandait de « donner toute son expansion à son tempérament ». 

Les personnages du romancier n’échappent pas cependant à une certaine systématisation. L’influence des milieux et des circonstances est capitale, mais cela n’empêche pas Zola de donner à ses héros une âme impulsive, rendue à ses instincts de « bête sauvage » et de nature fruste.

Il en découle que les personnages de Zola, dont le pan psychologique est peu élaboré, relèvent du registre de l’épique. On pense par exemple à l’évocation des foules en mouvement, des visages, des vêtements et des attitudes qui les composent (la cohue des ouvriers dans L’Assommoir)  on pense aussi à la dimension donnée aux objets, presque pourvus d’une volonté propre, auxquels Zola prête une sorte de vie mystérieuse (tel l’Alambic de L’Assommoir). 

C’est par ce souffle romantique, qui l’apparente à Victor Hugo que Zola, écrivain naturaliste, a dégagé son originalité et enrichi le roman de pages puissamment épiques

Lagarde et Michard

Les Rougon-Macquart 

Dans sa série de romans Rougon-Macquart, publiés entre 1870 et 1893, Emile Zola met en place de façon spectaculaire et inédite les lois scientifiques supposées dominer cinq générations successives. L’écrivain s’est ainsi donné pour but de suivre « le travail secret qui donne aux enfants d’un même père des passions et des caractères différents à la suite des croisements et des façons particulières de vivre ». 

Dans cette immense fresque, Emile Zola explore tous les milieux sociaux, différents paysages et un grand nombre de corps de métier : une petite ville de Provence (dans La Fortune des Rougon, en 1871), le monde de la finance (La Curée, en 1872 ; L’Argent, en 1891), les milieux ecclésiastiques (avec par exemple La faute de l’abbé Mouret en 1875), les Halles (dans Le Ventre de Paris, en 1873), sans oublier les politiciens, les ouvriers parisiens (L’Assommoir, 1877), le monde des viveurs, les bourgeois les grands magasins (Au bonheur des dames, 1883), les mineurs (Germinal, 1885), les artistes, les paysans, les brodeuses, les chemins de fer, la guerre, le médecin hanté par les lois de l’hérédité. 

Il n’est aucun doute que le cycle monumental que représentent ces romans est devenu une encyclopédie pour qui veut explorer le quotidien, souvent miséreux et noir, du « peuple » sous le second Empire. 

Dans la Préface de son roman-phare, L’Assommoir, qui fut tant attaqué par la critique, Zola explique ses intentions :

J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté des faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis comme dénouement la honte et la mort. C’est la morale en action, simplement.

Il poursuit :

C’est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple. Et il ne faut point conclure que le peuple tout entier est mauvais, car mes personnages ne sont pas mauvais, ils ne sont qu’ignorants et gâtés par le milieu de rude besogne et de misère où ils vivent

Le quiz

Quelle phrase célèbre a été écrite par Émile Zola ?

  • Une œuvre d’art est un coin de la création vu à travers un tempérament
  • L'amitié est plus forte que tout
  • Le romantisme est démodé

Quel est le septième volume du cycle des Rougon-Macquart ?

  • Germinal
  • L'Assommoir
  • Le Ventre de Paris

Quel est le titre du recueil de nouvelles publié par les disciples du naturalisme en 1880 ?

  • Le Roman expérimental
  • Le Naturalisme au théâtre
  • Les Soirées de Médan

Quelle est la conséquence de la publication de l'article « J'accuse… ! » de Zola ?

  • L'exil de Zola en Angleterre et sa radiation de la Légion d'honneur
  • La condamnation de l'officier Alfred Dreyfus

Quelle est la méthode étroite héritée de Taine et du positivisme et inspirée de Claude Bernard qui a forgé les grands romans d'Émile Zola ?

  • Le romantisme
  • Le réalisme
  • Le naturalisme

Quelle est la méthode de travail de Zola ?

  • Une méthode de naturalisme
  • Une méthode de chercheur, proche du journalisme et de l'enquête
  • Une méthode de réalisme

Quelle est la devise de Zola ?

  • Donner toute son expansion à son tempérament
  • Subordonner la psychologie à la physiologie
  • Toujours rester fidèle à ses convictions

Quelle est la caractéristique principale des personnages de Zola ?

  • Ils sont reliés à la dimension épique
  • Ils sont très élaborés psychologiquement
  • Ils sont dotés d'une volonté propre

Quel est le but d'Emile Zola dans sa série de romans Rougon-Macquart ?

  • Faire passer des messages politiques
  • Explorer les milieux sociaux, les paysages et les corps de métier

Quelle était l'intention de Zola dans la Préface de L'Assommoir ?

  • Explorer le quotidien des gens sous le second Empire
  • Décrire la misère des gens
  • Attaquer la critique

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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Commentaires

matoucalin

Vous avez écrit : Les "Quatres" Évangiles"... vraiment?
La publication de l’article entraîne la condamnation de l’écrivain à un an de prison et à sa radiation de la Légion d’honneur. Il s’exile alors en Angleterre, de 1898 à 1899. À son retour, Emile Zola n’a pas oublié ses préoccupations humanitaires et entreprend un nouveau cycle de romans intitulé Les Quatres Evangiles, composé de Fécondité (1899), Travail (1901), Vérité (publié à titre posthume en 1903) et Justice, qui ne sera jamais achevé.
SVP, un peu d'éclairage. Merci

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Oups, bien vu, c'est une coquille ! Je viens de corriger l'article.

Merci et à bientôt,
Nicolas

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