Le théâtre
Qu’est que le théâtre ?
Le théâtre est un genre littéraire dont l’histoire est destinée à être interprétée sur une scène, devant un public. Rédigés sous forme de dialogues, les textes des personnages sont prononcés par des comédiens qui utilisent également la gestuelle et la mise en scène pour rythmer la représentation.
Aucun narrateur ne figure dans les œuvres théâtrales, qu’elles soient classiques ou modernes.
Dans le théâtre classique, qui est soumis à des règles strictes, la structure de la pièce est organisée en actes puis en scènes. Traditionnellement, cinq actes composent la pièce et chaque acte correspond à un moment et à un lieu, tandis que les scènes représentent les entrées et sorties des personnages.
Le théâtre au fil des siècles
Considéré comme un genre ancien, le théâtre est né en Grèce antique au Ve siècle avant J.-C. Les débuts du théâtre sont marqués par des célébrations religieuses, chants rituels et danses, organisées par les Grecs en l’honneur de Dionysos, dieu du vin et du théâtre. Le théâtre de Dionysos est d’ailleurs le premier et le plus grand théâtre de la Grèce antique, un des monuments d’Athènes les plus visités aujourd’hui.
Sophocle, Eschyde et Euripide sont les principaux auteurs de tragédies grecques et mettent en scène les histoires des dieux et de leurs mythes. Œdipe roi est une des tragédies les plus connues de Sophocle, dans laquelle le jeune Œdipe, roi de Thèbes, doit faire face à sa terrible destinée.
ŒDIPE — […] Est-il homme plus abhorré des dieux ? Étranger, citoyen, personne ne peut plus me recevoir chez lui, m'adresser la parole, chacun me doit écarter de son seuil. Bien plus, c'est moi-même qui me trouve aujourd'hui avoir lancé contre moi-même les imprécations que tu sais. A l'épouse du mort j'inflige une souillure, quand je la prends entre ces bras qui ont fait périr Laïos ! Suis-je donc pas un criminel ? suis-je pas tout impureté ? puisqu'il faut que je m'exile, et qu'exilé je renonce à revoir les miens, à fouler de mon pied le sol de ma patrie ; sinon, je devrais tout ensemble entrer dans le lit de ma mère et devenir l'assassin de mon père, ce Polybe qui m'a engendré et nourri. Est-ce donc pas un dieu cruel qui m'a réservé ce destin ? On peut le dire, et sans erreur.
Sophocle, Œdipe-roi
Au fil des siècles, le théâtre a évolué vers d’autres registres comme la farce et le mime, plus présents au Moyen-Âge et repris plus tard par Molière qui intègre des éléments comme le comique de gestes dans ses pièces.
C’est à partir du XVIIe siècle que le théâtre classique français voit émerger des grands auteurs comme Corneille, Racine et Molière. Deux genres théâtraux se distinguent : la tragédie et la comédie. Molière, illustre représentant de la comédie, cherche à distraire le spectateur avec ses personnages stéréotypés comme l’avare ou le valet rusé. Quant à la tragédie, elle s’inspire de la mythologie grecque.
Le romantisme se développe au théâtre au XIXe siècle, avec un théâtre libre et naturel. C’est la naissance du drame romantique, qui mêle tragédie et comédie. Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alfred de Musset, et bien évidemment William Shakespeare sont les auteurs dramaturges qui ont marqué l’histoire du théâtre.
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Roméo et Juliette met en scène deux amants qui vont se heurter à un horrible destin en raison de la haine que se portent leurs familles respectives. Il s’agit d’une histoire d’amour tragique dont les adaptations cinématographiques ont été nombreuses. La fameuse scène du balcon reflète à la fois l’amour et le désespoir des deux amants.
JULIETTE. – Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
William Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II, Scène 2
ROMÉO, à part. – Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?
JULIETTE. – Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague3, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
ROMÉO. – Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.
JULIETTE. – Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?
ROMÉO. – Je ne sais par quel nom t’indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m’est odieux à moi-même, parce qu’il est pour toi un ennemi : si je l’avais écrit là, j’en déchirerais les lettres.
JULIETTE. – Mon oreille n’a pas encore aspiré cent paroles proférées5 par cette voix, et pourtant j’en reconnais le son. N’es-tu pas Roméo et un Montague ?
ROMÉO. – Ni l’un ni l’autre, belle vierge, si tu détestes l’un et l’autre.
JULIETTE. — Comment es-tu arrivé jusqu’ici, dis-le moi, et qu’y viens-tu faire? Les murs du verger sont élevés et difficiles à escalader. Songe qui tu es; ces lieux sont pour toi la mort si quelqu’un de mes parents vient à t’y rencontrer.
ROMÉO. — Des ailes légères de l’amour j’ai volé sur le haut de ces murailles; car des barrières de pierre ne peuvent exclure l’amour; et tout ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter: tes parents ne sont donc point pour moi un obstacle.
JULIETTE. — S’ils te voient, ils te tueront.
D’autres genres de théâtre, plus modernes, se sont développées à partir du XIXe siècle : théâtre de l’absurde, vaudeville, théâtre engagé, théâtre naturaliste, théâtre symboliste. Le théâtre aujourd’hui se caractérise par l’art de la mise en scène et la forte présence des acteurs.
Les sous-genres du théâtre
Tragédie, comédie, farce, drame font partie des sous-genres théâtraux les plus représentés.
S’inspirant de la Grèce antique, la tragédie met en scène des personnages, ou héros mythologiques, de rang noble affrontant leur terrible destin. Devant le dénouement malheureux de l’histoire, qui compte souvent un ou plusieurs morts, le spectateur éprouve des sentiments de terreur et de pitié à l’égard des personnages.
La comédie, quant à elle, est sous l’influence du Moyen-Âge, période où la farce fut inventée. Pour faire rire le spectateur, l’auteur use de divers procédés comiques : comique de situation, comique de gestes, comique de mots, comique de répétition, comique de mœurs…
Molière est un auteur clé de nombreuses comédies du XVIIe siècle : Les Précieuses Ridicules, Le Tartuffe, Dom Juan, L’Avare, Les Fourberies de Scapin…
La farce est une pièce de théâtre comique assez courte, en un seul acte et écrite en vers, dont l’origine remonte au Moyen-Âge. Le but de la farce est souvent satirique, les personnages y sont ridiculisés. Comme les fabliaux, l’objectif est de faire rire avec un comique peu subtil, voire grossier. Par exemple, La Farce de Maître Pathelin ou Le Pâté et la Tarte sont des célèbres farces datant du Moyen-Âge.
LE JUGE, à Thibaut.
Viens-çà, donc, et dis-nous ta cause.
THIBAUT
Bée.
LE JUGE
Allons, voici du nouveau.
Bé… me prends-tu pour une chèvre ?
Au lieu de faire le chevreau,
Parle-moi.
THIBAUT
Bé.
LE JUGE
La chaude fièvre
Te prenne, allons, te moques-tu ?
PATELIN
Croyez qu’il est fol ou têtu,
Ou se suppose entre ses bêtes.
GUILLAUME
Or, que je meure, si vous n’êtes
Mon homme même, et vous avez Eu mon drap.
Ah ! vous ne savez, Monseigneur, par quelle malice.
La Farce de Maître Pathelin
Le drame, comme nous l’avons décrit précédemment, s’oppose au théâtre classique par l’absence de codes et de principes rigoureux. Dans le drame romantique, le héros est un être marginal et sensible, souvent incompris, qui agit sous l’emprise d’une passion. Les personnages sont réunis dans le malheur qui les frappe. Écrit en vers ou en prose, il se situe entre le comique et le tragique. Contrairement à la tragédie, le personnage qui vit un drame n’est pas soumis à la fatalité de son destin.
Les caractéristiques du théâtre
Le genre théâtral est soumis à des contraintes d’ordre matérielles mais aussi culturelles, qui peuvent différer selon le sous-genre représenté. Découvrons ensemble le vocabulaire et le déroulement des actions au théâtre.
Le vocabulaire du théâtre
Pour comprendre et analyser une scène de théâtre, il est essentiel de connaître le lexique théâtral.
Les principaux termes caractérisant un texte issu du genre théâtral à connaître :
- Quand un personnage parle seul sur scène, il s’agit d’un monologue.
- Une réplique est une prise de parole d’un personnage. Le nom du personnage qui prononce la réplique est à chaque fois précisé.
- Une longue réplique prononcée par un même acteur sans interruption est une tirade. Par exemple, la tirade du nez dans laquelle se lance Cyrano de Bergerac, avec humour et autodérision, est composée de 53 vers.
- Les didascalies représentent les indications scéniques données par l’auteur sur le jeu des comédiens. Elles apparaissent en italique pour préciser des éléments de représentation théâtrale (décors, déplacements, tons, costumes, gestuelles) et ne sont pas prononcées sur scène. Dans l’extrait qui suit, Molière indique les accessoires portés par le médecin Sganarelle.
GERONTE - Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous avons grand besoin de vous.
Molière, Le Médecin malgré lui
SGANARELLE, en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus. - Hippocrate dit... que nous nous couvrions tous deux.
GERONTE - Hippocrate dit cela ?
SGANARELLE - Oui.
- Quand un personnage s’adresse au public sans que les autres personnages présents sur scène n’entendent ses paroles, il s’agit d’un aparté.
Le Comte. — (À part.) Quel homme ! (Haut.) Un mal subit qui le force à garder le lit…
Bartholo. — Garder le lit ! Basile ! Il a bien fait d’envoyer : je vais le voir à l’instant.
Le Comte. — (À part.) Oh ! diable ! (Haut.) Quand je dis le lit, monsieur, c’est… la chambre que j’entends.
Beaumarchais, Le Barbier de Séville
L’action au théâtre classique
Traditionnellement, dans une pièce de théâtre classique, certains principes doivent être respectés :
- La règle des trois unités : l’action doit se dérouler en un lieu unique, en un jour et ne comprendre qu’une seule intrigue. Il s’agit des unités de lieu, de temps et d’action.
- La vraisemblance : l’action représentée sur scène doit être crédible.
- La bienséance : la pièce doit être conforme à la morale du public de l’époque. Duels, suicides ont lieu en coulisses par exemple et sont rapportés par un personnage.
Ces principes sont communs aux deux genres théâtraux que sont la comédie et la tragédie.
Dans une tragédie classique, la structure de la pièce est toujours en cinq actes, tandis que la comédie classique est structurée de manière plus libre (un à cinq actes).
Les éléments de la tragédie classique
L’intrigue d’une tragédie classique est fondée sur un problème insoluble, un dilemme. Le contexte et les personnages sont présentés dès le premier acte. Les trois actes qui suivent constituent le cœur de l’histoire avec les péripéties, imprévus et conflits. S’en suivent les derniers actes où le spectateur comprend qu’il n’y aucune issue, jusqu’au dénouement final qui s’achève souvent par la mort d’un ou plusieurs personnages.
Dans une tragédie classique où les personnages ont un statut élevé, la langue est soutenue et la forme des textes est en vers (souvent des alexandrins). L’intrigue se déroule souvent dans l’Antiquité gréco-romaine, dans un palais ou une pièce de celui-ci.
Les éléments de la comédie classique
L’intrigue de la comédie classique est essentiellement amoureuse, souvent liée à la question du mariage. Le dénouement, heureux, se termine souvent par l’union des deux jeunes amoureux. Plus proches des spectateurs, les personnages sont issus du peuple et de la bourgeoisie et utilisent un langage courant ou familier. Sans grande personnalité, leurs préoccupations sont ordinaires et leurs traits exagérés. Valets, barbons et maîtres font partie des personnages jouant des rôles importants dans les comédies classiques de Molière.
La tragi- comédie
La tragi-comédie réunit toutes les caractéristiques de la tragédie mais le dénouement est heureux. Citons comme exemple Le Cid de Corneille, où Chimène finira par épouser Rodrigue malgré la querelle de leurs pères respectifs.
Exemples de pièces de théâtre
Une petite sélection d’extraits de pièces de théâtre classique.
On ne badine pas avec l’amour est un drame romantique en trois actes écrit par Alfred de Musset au XIXe siècle. Un très grand classique sur le thème du cheminement amoureux des deux personnages principaux : Camille et Perdican. De cette pièce, on retient la magnifique tirade de Perdican :
Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.
Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, Acte II, scène 5
L’Avare est une comédie de Molière en cinq actes et en prose, dans laquelle le personnage Harpagon, riche bourgeois et veuf, se caractérise par son avarice. Comique de mots, de gestes, de caractère et de situation, sont les procédés utilisés dans cette pièce, qui met également en avant le mariage et l’amour et la famille. Harpagon, obsédé par son argent, en devient ridicule, surtout dans la dernière scène, où il découvre que sa fortune a été volé.
Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. (À lui-même, se prenant par le bras.) Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? de celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.
Molière, L’Avare, Acte IV, scène 7