La nouvelle
Qu’est-ce qu’une nouvelle ?
Une nouvelle est un genre littéraire qui appartient à la catégorie du genre narratif. Il s’agit d’un récit court qui comporte en principe une action unique et intense, avec moins de personnages que dans un roman, où le lecteur est rapidement immergé au cœur du récit.
Contrairement au conte dans lequel les récits merveilleux se terminent toujours avec la formule « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », la nouvelle se termine de manière plutôt inattendue. Cette fin, appelée la chute, se veut surprenante pour le lecteur.
Apparu au Moyen-Âge, la nouvelle se développe tout particulièrement au XIXe siècle, où s’illustrent des auteurs comme Edgar Allan Poe, Prosper Mérimée, Robert Louis Stevenson, et bien évidemment Guy de Maupassant, qui est une référence dans l’art de la nouvelle.
Son récit Le Horla, nous plonge dans un univers angoissant, où le personnage, qui n’est autre que le narrateur, est hanté par un être invisible effrayant. Tout au long de la nouvelle, l’existence de ce personnage reste une incertitude. Cette nouvelle de Maupassant, entre rationnel et irrationnel, est un récit fantastique.
12 mai. - J'ai un peu de fièvre depuis quelques jours ; je me sens souffrant, ou plutôt je me sens triste.
D'où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l'air, l'air invisible est plein d'inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m'éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. - Pourquoi ? - Je descends le long de l'eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m'attendait chez moi. - Pourquoi ? - Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frôlons sans le connaître, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes et, par eux, sur nos idées, sur notre cœur lui-même, des effets rapides, surprenants et inexplicables.
Guy de Maupassant, Le Horla
La forme brève de la nouvelle littéraire a inspiré de nombreux romanciers qui apprécient cette forme courte de récits, souvent publiés en recueil. Émile Zola, par exemple, connu pour ses nombreux romans, a proposé Nouvelles roses, suivi de Nouvelles noires. Ces deux volumes regroupent des nouvelles et des personnages issus de la société contemporaine, avec l’approche réaliste qui caractérise l’auteur.
Citons par exemple la nouvelle intitulée Les Parisiens en villégiature, qui décrit de manière caricaturale le personnage Gobichon, un bonnetier, commerçant parisien, qui possède une villa à la campagne.
Pendant trente ans il a caressé le rêve insensé de vivre aux champs, de posséder des terres où il ferait bâtir le château de ses songes. Rien ne lui a coûté pour contenter son caprice de grand seigneur ; il s’est imposé les plus dures privations : on l’a vu, pendant trente ans, se refuser une prise de tabac et une tasse de café, empilant gros sous sur gros sous. Aujourd’hui, il a assouvi sa passion. Il vit un jour sur sept dans l’intimité de la poussière et des cailloux. Il mourra content.
Émile Zola, Les Parisiens en villégiature
En général, les nouvellistes s’inspirent de faits réels, donnant naissance à des nouvelles policières ou de science-fiction. Cependant, quand les personnages, les lieux et les évènements sont fictifs, le lecteur doit avoir l’impression de se plonger dans une histoire réelle.
Par exemple, la nouvelle Double assassinat dans la rue Morgue, écrit par Edgar Poe est le récit d’une enquête liée à une série d’horribles crimes, avec un dénouement surprenant. Tous les éléments sont nés de l’imagination de l’auteur qui raconte cette fiction dans un univers étrange mais réaliste.
Inscrivez-vous à notre lettre d'information
Chaque vendredi, on vous envoie un récapitulatif de tous les articles publiés sur La langue française au cours de la semaine.
Après un examen minutieux de chaque partie de la maison, qui n’amena aucune découverte nouvelle, les voisins s’introduisirent dans une petite cour pavée, située sur le derrière du bâtiment. Là gisait le cadavre de la vieille dame, avec la gorge si parfaitement coupée, que, quand on essaya de le relever, la tête se détacha du tronc. Le corps, aussi bien que la tête, était terriblement mutilé, et celui-ci à ce point qu’il gardait à peine une apparence humaine.
Toute cette affaire resta un horrible mystère, et jusqu’à présent on n’a pas encore découvert, que nous sachions, le moindre fil conducteur.
Edgar Allan Poe, Double assassinat dans la rue Morgue
Les caractéristiques de la nouvelle
La nouvelle revêt une forme particulière, avec des caractéristiques propres à ce genre narratif. Un récit court et vraisemblable, pouvant être lu d’un trait, dans lequel les personnages, les lieux et les évènements sont peu nombreux.
Découvrons ensemble les éléments qui caractérisent la nouvelle.
Un récit court avec une intrigue simple et unique
Après avoir rédigé l’incipit, l’auteur pose rapidement le cadre spatio-temporel du récit. Il met en scène le personnage central et parfois d’autres personnages, beaucoup moins nombreux que dans un roman traditionnel. Tous évoluent dans un univers très condensé, pour une courte durée.
L’intrigue d’une nouvelle se caractérise par sa simplicité et sa rapidité. Contrairement au roman où plusieurs évènements peuvent s’enchaîner ou s’entremêler, une seule action (ou deux au maximum) est narrée au cœur de la nouvelle. Elle se termine par une chute, implicite ou explicite, et généralement aussi surprenante et brève que le déroulé du récit.
Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d’Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé.
Marcel Aymé, La Passe-Muraille
La syntaxe particulière de la nouvelle
La narration de la nouvelle se fait à la première ou à la troisième personne. La nouvelle suit toujours le schéma narratif classique qui contient 5 étapes autour d’une action principale :
- la situation initiale ;
- l’élément modificateur qui déclenche l’action ;
- l’action ;
- l’élément de résolution ;
- la situation finale sous forme de chute pour la nouvelle.
Grâce à ces éléments, le lecteur peut dégager les principaux points essentiels du texte pour en résumer l’histoire.
Les nouvellistes maîtrisent la langue française et usent de nombreux procédés littéraires pour produire des effets et fasciner le lecteur. L’objectif étant que ce dernier se plonge rapidement au cœur de l’intrigue pour la lire d’un seul trait.
Exemples de nouvelles
Voici une sélection d’extraits de nouvelles issus de différents recueils littéraires des XIXe et XXe siècles.
Un soir, étant entré au casino, le narrateur du présent récit entend, avec surprise, un bruit singulier, celui d'un craquement ou d'un claquement de doigts qui se brisent. Il s'approche de la table d'où lui parvient ce bruit. Zweig réussit merveilleusement bien à nous rendre l'atmosphère fébrile qui règne dans le casino et la tension particulière du joueur qu'il observe.
C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles extrêmement rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, aux dessus nacrés et délicatement arrondis. Je les ai regardées toute la soirée, oui, je les ai regardées avec une surprise toujours nouvelle, ces mains extraordinaires, vraiment uniques ; mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts, pour qu'elle ne fît pas exploser son être tout entier. Et maintenant..., à la seconde où la boule tomba dans le trou avec un bruit sec et mat et où le croupier cria le numéro ..., à cette seconde les deux mains se séparèrent soudain l'une de l'autre, comme deux animaux frappés à mort d'une même balle.
Stefan Zweig, vingt-quatre heures dans la vie d’une femme
À la distance où j'étais, il m'était difficile de distinguer l'attitude de la statue ; je ne pouvais juger que de sa hauteur, qui me parut de six pieds environ. En ce moment, deux polissons de la ville passaient sur le jeu de paume, assez près de la haie, sifflant le joli air du Roussillon : Montagnes régalades. Ils s'arrêtèrent pour regarder la statue ; l'un d'eux l'apostropha même à haute voix. Il parlait catalan ; mais j'étais dans le Roussillon depuis assez longtemps pour pouvoir comprendre à peu près ce qu'il disait.
" Te voilà donc, coquine ! (Le terme catalan était plus énergique.) Te voilà ! disait-il. C'est donc toi qui as cassé la jambe à Jean Coll ! Si tu étais à moi, je te casserais le cou.
- Bah ! avec quoi ? dit l'autre. Elle est de cuivre, et si dure qu'Étienne a cassé sa lime dessus, essayant de l'entamer. C'est du cuivre du temps des païens ; c'est plus dur que je ne sais quoi.
- Si j'avais mon ciseau à froid (il paraît que c'était un apprenti serrurier), je lui ferais bientôt sauter ses grands yeux blancs, comme je tirerais une amande de sa coquille. Il y a pour plus de cent sous d'argent. ". Ils firent quelques pas en s'éloignant.
Prosper Mérimée, La Vénus d’Ille
En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs, grouillaient désespérément sous ses yeux. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien. Au-dessus de la table où était déballée une collection d’échantillons de tissus – Samsa était représentant de commerce –, on voyait accrochée 5 l’image qu’il avait récemment découpée dans un magazine et mise dans un joli cadre doré. Elle représentait une dame munie d’une toque et d’un boa tous les deux en fourrure et qui, assise bien droite, tendait vers le spectateur un lourd manchon de fourrure où tout son avant-bras avait disparu.
Franz Kafka, La métamorphose