Paris-Briançon de Philippe Besson : le roman noir de gare
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Philippe Besson est l’auteur d’une vingtaine de romans et d’une trilogie autobiographique ; il a aussi participé à l’écriture d’une dizaine de scénarios, autant pour le cinéma que pour la télévision. Et Paris-Briançon semble justement devoir autant à l’écrivain qu’au scénariste, avec son décor désuet de train de nuit, ses personnages dont les destins se croisent au hasard, et son suspens maîtrisé.
Dès la gare d’Austerlitz où nous embarquons avec les personnages dans l’Intercité n°5789 qui va « traverser la nuit française », Philippe Besson annonce la couleur :
Pour le moment, les passagers montent à bord, joyeux, épuisés, préoccupés ou rien de tout cela. Parmi eux, certains seront morts au lever du jour.
Alors que le narrateur présente ses personnages les uns après les autres à mesure de leur montée dans le train, se découvrent les raisons de leur voyage. Certains rentrent chez eux, à Briançon, certains partent en vacances, d’autres se déplacent par obligation ou pour le travail. Certains ont choisi le train de nuit plutôt que le TGV pour son charme d’un autre temps, d’autres n’ont pas eu le choix.
Dans Paris-Briançon les chapitres s’enchaînent, courts comme les trajets entre deux arrêts en gare quand on somnole sur son fauteuil. On voyage d’une interaction à une autre, comme si nous étions nous-mêmes en train de parcourir ce train de nuit – et qu’on laissait traîner nos oreilles dans tous les compartiments. Les personnages se rencontrent : les conversations entre eux s’engagent simplement, malgré leurs appréhensions et leurs différences.
Il s’approche avec pour unique ambition de lui faire comprendre que certes ils sont des étrangers mais embarqués ensemble pour quelques heures, rien ne les oblige à s’aborder mais quel mal y aurait-il à se lancer, ils se sépareront au petit matin après une nuit à coup sûr hachée et inconfortable mais là, pour le moment, ils tanguent de concert, alors pourquoi pas des mots entre eux, des mots ordinaires, sans importance véritable mais qui font passer le temps.
Quatre voyageurs jouent à la belote, « les cartes sénior contre les cartes jeune ». Un petit groupe d’étudiants partagent un joint avec Jean-Louis, dont le médecin vient justement de lui prescrire du cannabis thérapeutique. Un homme confie à un autre l’homosexualité qu’il réprime. Les personnages se montrent aussi tendres les uns avec les autres que l’est le romancier avec eux.
Mais lancé à pleine vitesse sur les rails des bons sentiments, le narrateur de Paris-Briançon ne cesse pourtant de rappeler que le voyage va mal finir. Et c’est au moment où la plupart des personnages trouvent enfin le sommeil que le pire se produit. Philippe Briançon n’hésite pas, alors, à faire subir l’horreur à ses personnages, à les faucher au hasard de la catastrophe qu’il leur impose. Si le hasard peut provoquer de jolies rencontres, il sait aussi se montrer cruel. Aussi cruel qu’un romancier.
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Paris-Briançon, de Philippe Besson, Julliard, 208 p., 19 €. En librairie le 06/01/2022.