Chat échaudé craint l’eau froide : définition et origine de l’expression
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Il est parfois des expressions dont le sens nous échappe. Ainsi en va-t-il parfois de la formule « chat échaudé craint l’eau froide », qui a de quoi laisser pantois : un chat qui s’est brûlé ne devrait-il pas plutôt craindre l’eau chaude ?
Il suffit en fait de recontextualiser la locution pour mieux comprendre le sens qu’elle vise à véhiculer. Et c’est justement ce que nous allons faire : découvrons dans ces lignes la définition et l’origine de l’expression « chat échaudé craint l’eau froide » !
Définition de l’expression « chat échaudé craint l’eau froide »
L’expression « chat échaudé craint l’eau froide » est une sorte de maxime ou de sagesse populaire, désignant un principe de prudence qui va parfois jusqu’à l’excès. La locution fait appel à l’image du chat qui, ayant subi les brûlures de l’eau chaude, redoutera même l’eau froide, par précaution.
L’idée clé est que l’expérience d’un traumatisme ou d’un échec peut modifier notre comportement à long terme. La formule illustre la tendance humaine à devenir plus méfiant (voire trop) après avoir traversé une expérience douloureuse ou difficile.
Nous devenons alors vigilants, et cette méfiance, si elle est trop accentuée, peut nous empêcher de saisir de nouvelles opportunités ou de vivre pleinement — tout comme le chat se prive de toute forme d’eau alors qu’il ne devrait craindre que l’eau chaude.
Ce trait d’esprit se retrouve dans d’autres langues et cultures, à travers diverses expressions. En latin, déjà, on disait que « le naufragé tremble, même devant les flots tranquilles ». La langue grecque moderne rappelle quant à elle que « qui a été brûlé par le bouillon souffle même sur le yaourt », et l’espagnol que « qui s’échaude avec du lait pleure quand il voit une vache. »
Origine de l’expression « chat échaudé craint l’eau froide »
L’expression « chat échaudé craint l’eau froide » est ancrée dans le patrimoine culturel français, et pour cause : son origine remonte au Moyen Âge. La première occurrence se trouve au XIIe siècle, dans le célèbre Roman de Renart, où elle est présentée sans référence à un animal spécifique : « l’échaudé craint l’eau » (eschaudez iaue creint).
Le XIIIe siècle marque l’ajout du mot « chat » : « chat échaudé craint l’eau » (chat eschaudez iaue creint) ; et c’est en 1584 que l’adjectif « froide » est employé par Adrien Turnèbe, consolidant ainsi la phrase que nous connaissons aujourd’hui : « Le chat une fois échaudé craint l’eau froide ».
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Le dictionnaire franco-anglais de Randle Cotgrave, en 1611, témoigne de l’acceptation officielle de l’expression, et même d’une variante impliquant un chien. Le XVIIIe siècle voit l’écrivain Moncrif résumer le sens de cette formule dans ses lettres philosophiques sur les chats, où il écrit : « l’eau chaude l’aura outragé ; c’en est assez, il craindra même la froide. »
Mais pourquoi le chat déteste-t-il tant l’eau, chaude ou froide ? Les origines de ce félin, apparu dans des régions désertiques du Moyen-Orient, ne le prédisposent pas aux milieux humides. Son pelage n’est pas hydrofuge et l’eau alourdit sa fourrure, ralentissant ses mouvements et augmentant son inconfort thermique. En outre, même si la plupart des chats savent nager, leur capacité physique limitée les prive de la liberté de mouvement qui les caractérise sur la terre ferme.
Exemples de l’usage de l’expression « chat échaudé craint l’eau froide »
COLOMBINE, arrêtant Arlequin. Un petit mot, s’il vous plaît. Oserait-on vous demander d’où vient cette férocité qui vous prend à vous et à votre maître ?
ARLEQUIN. À cause d’un proverbe qui dit que chat échaudé craint l’eau froide.
Marivaux, Arlequin poli par l’amour, La Surprise de l’amour
En un sens, j’ai fait chou blanc, dit Panici. Chat échaudé craint l’eau froide et les Croates qu’on a vus hier leur ont fait peur. Cette compagnie qui fouillait les buissons cherchait la bande d’un nommé Carmine Crocco qui tient les bois dans ces parages. C’est un paysan qui s’est dit « Pourquoi pas moi ? ».
Jean Giono, Le bonheur fou
Avec mon imperméable, col relevé, foulard, pour ma gorge. Rôles à l’envers. Mec, moi, mou, une gonzesse. Elle, la dure. Vrai mec. Se déshabille, se jette dans la houle de la Manche, Normandie le soir. Chat échaudé. Ancien tubard. Craint l’eau froide. Pneumo, chaque semaine, trois ans durant, grosse aiguille, regonflé. Je me dégonfle. Maintenant, ma laryngite. Frileux.
Serge Doubrovsky, Fils
Je ne répondais plus à aucune invitation en week-end. Ce n’était pas que ces vastes maisons à la campagne ne me faisaient pas envie, mais comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide. Une grange, une étable même m’auraient très bien convenu, mais seule, tranquille. Je grognais toujours dans mon sommeil, une fois même je dois avouer que j’ai uriné sous moi.
Marie Darrieussecq, Truismes