Motus et bouche cousue : définition et origine de l’expression
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« Motus et bouche cousue ! » : derrière cette expression familière, souvent utilisée pour imposer le silence, semble se cacher un imaginaire macabre. L’idée de la « bouche cousue » pourrait, en effet, évoquer des scènes de supplice ou de torture.
Pourtant, la genèse de cette locution n’a rien à voir avec d’authentiques tourments ou récits de douleur. Alors, d’où vient ce dicton, et quelle est sa véritable signification ?
Cet article explore l’histoire et l’étymologie de cette expression intrigante. Découvrons ensemble la définition et l’origine de l’expression « motus et bouche cousue » !
Définition de l’expression « motus et bouche cousue »
L’expression « motus et bouche cousue » fait partie du patrimoine linguistique français. Le terme « Motus », employé comme synonyme de « chut ! », est une interjection qui sert à avertir quelqu’un de ne rien dire, ou de garder un secret.
Associé à « bouche cousue », il prend une connotation encore plus forte, symbolisant la nécessité de sceller ses lèvres, comme si elles étaient littéralement cousues, pour empêcher toute parole de s’échapper.
L’expression « motus et bouche cousue » ne se limite pas à une demande de silence. Elle implique une loyauté mutuelle et un respect de la confidence partagée. C’est un pacte de confiance et un appel à la discrétion.
Que ce soit entre amis, en famille ou dans le monde professionnel, elle peut être employée pour imposer une confidentialité totale sur un sujet particulier. Si quelqu’un révèle une information sensible, il peut ajouter « motus et bouche cousue » pour souligner l’importance de ne pas la divulguer à d’autres.
Par exemple, un ami pourrait prononcer cette phrase après vous avoir confié un projet secret, ou un chef d’équipe pourrait l’utiliser pour réclamer à ses collaborateurs de ne pas discuter d’un travail en cours avec d’autres départements.
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Origine de l’expression « motus et bouche cousue »
Pour comprendre les racines de l’expression « motus et bouche cousue », il faut plonger dans l’histoire de la langue française.
Commençons par le terme « bouche cousue ». Au XVe siècle, l’idée de broder ou de coudre les lèvres était employée pour signifier l’incapacité ou l’interdiction de parler, ou de divulguer une information.
Selon Georges Planelles, auteur des 1001 expressions préférées des Français, cette expression tient de l’imaginaire plutôt que de scènes de torture véritables. Il s’agissait d’une façon assez directe, effrayante et facilement compréhensible par tous, de demander à quelqu’un de se taire.
Le terme « motus », quant à lui, pourrait être perçu comme un héritage du latin, mais cette première impression serait trompeuse. En vérité, c’est une subtile « latinisation », une forme plaisante et faussement savante de « mot », et la contraction de la formule « pas un mot ! » signifiant « tais-toi ! ».
Il est toutefois intéressant de noter que le latin contient bel et bien la racine « muttum », qui se rapporte à un « son émis ». Utilisée majoritairement sous une forme négative, elle évoque alors l’absence de son, comme on le constate dans le nom français « mutisme » qui en est issu.
D’ailleurs, le terme « mot » lui-même se retrouve aussi dans ce genre d’expression relative au refus ou à l’incapacité de parler sur un sujet : « ne sonner mot ; ne dire mot ; ne piper mot », etc. C’est cette essence négative du « mot » qui a conduit « motus » à symboliser le silence et le secret.
La fusion de « motus » avec « bouche cousue » s’est faite naturellement dans le langage commun, dans un désir d’intensifier le commandement du silence. Avec le temps, l’effet de rime a consolidé leur union, rendant cette expression indissociable dans l’usage courant.
Un dernier clin d’œil à cette locution nous est offert par la culture populaire : elle est la devise des fameux jumeaux moustachus, Dupond et Dupont, dans Les aventures de Tintin par Hergé. Enfin, comment ne pas avoir en tête le générique de la célèbre émission télévisée Motus, et son refrain entêtant « Mo-mo-motus » ?
Exemples de l’usage de l’expression « motus et bouche cousue »
Ces joliesses me firent regretter mon insouciance passée, et de ne pas avoir « travaillé l’image » quand il en était encore temps. Saumâtre contretemps au moment des projecteurs, je devais m’éclipser ; au sommet du décri, motus et bouche cousue. Qu’importe, lorgner la grande politique par un trou de serrure suffisait à mon ravissement.
Régis Debray, Les Masques
Comme on n’avait pas pensé à temps à lui remettre son dentier, de blanches rides transversales barraient la ligne de ses lèvres, déchirure du silence reprisée à gros points, maintenant ce serait motus et bouche cousue, on voyait bien qu’elle était furieuse, pas décidée du tout à se laisser tirer les vers du nez.
Camille Laurens, Romance
Motus et bouche cousue, monsieur Pantoja, ce sera un petit secret entre vous et moi, et merci mille fois retrouve son sourire, ses grâces, ses coquetteries, descend les marches la Brésilienne. Maintenant je m’en vais, je vois que vous avez de la visite.
Mario Vargas Llosa, Pantaleón et les Visiteuses
Pour preuve les traces de dents, bien alignées sur le bout, existaient encore, dans sa tombe. Mais ça, motus et bouche cousue. Personne n’en parlait dans la famille.
Camille Guichard, Vision par une fente