Être brut de décoffrage : définition et origine de l’expression
Sommaire
Avez-vous déjà entendu ou utilisé l’expression « être brut de décoffrage » ? Si le sens de cette locution est généralement connu de tous, son origine est sans doute plus nébuleuse. Saviez-vous, par exemple, que le « décoffrage » est une opération courante dans le domaine du bâtiment ?
Dans cet article, nous allons nous intéresser de plus près à cette expression idiomatique de la langue française. Découvrez ci-dessous la définition et l’origine de l’expression « être brut de décoffrage » !
Définition de l’expression « être brut de décoffrage »
Au sens propre, le terme « brut de décoffrage » est issu du monde de l’architecture ; il renvoie à une surface de béton telle qu’elle est, une fois que le coffrage qui lui a donné forme a été retiré, et sans qu’aucune finition n’ait été apportée.
Dans un sens plus figuré, on emploie la formule « être brut de décoffrage » pour faire référence à toute chose – un objet matériel ou un concept métaphorique, par exemple – qui aurait été laissée dans son état d’origine, sans modification ou embellissement d’aucune sorte.
Pour illustrer cet usage, prenons un exemple culinaire : un plat « brut de décoffrage » serait un mets tout droit versé de sa casserole, ou un gâteau directement sorti du four, sans avoir été joliment démoulé, dressé ou agrémenté.
Dans le monde professionnel, un projet « brut de décoffrage » serait comparable à une ébauche, comprenant uniquement la structure et les idées majeures, sans les détails ou raffinements qui viennent avec le peaufinage.
La particularité de cette expression est qu’elle peut également s’appliquer à une personne. Un individu « brut de décoffrage » est souvent rustre, sans-gêne et sans tact : il donne généralement son opinion sans détour, sans la modérer ou la polir — on dira parfois « sans filtre ».
Pour employer d’autres expressions francophones, on pourrait dire de lui qu’il « ne mâche pas ses mots », qu’il « ne met pas les formes » ou qu’il « ne prend pas de gants », voire qu’il « n’y va pas avec le dos de la cuillère ».
Inscrivez vous au Parcours Expressions & Proverbes
Découvrez chaque mercredi la signification et l'origine d'une expression ou proverbe francophone.
À noter qu’il existe une variante, « brut de fonderie », faisant aussi écho à un objet sans fioritures ; cette dernière ne s’applique toutefois pas aux personnes. La locution « dans son jus » désigne quant à elle une bâtisse, une œuvre ou un objet conservé dans son état d’origine, sans rénovations ou travaux d’entretien.
Origine de l’expression « être brut de décoffrage »
Le mot « brut » désigne un élément à l’état naturel ou sauvage, non transformé, non altéré. Dans le monde industriel, un matériau « brut » constitue une matière première, qui n’a pas encore été travaillée, tandis qu’une pièce « brute » vient tout juste d’être produite, avant toute retouche ou finition.
Quant au terme « décoffrage », il relève plus spécifiquement de l’univers de la maçonnerie. Après avoir coulé du béton dans un moule (nommé « coffre » ou « coffrage »), le retrait de ce dernier (ou « décoffrage ») révèle un ouvrage de la même forme, avec toutes ses imperfections. Les maçons vont ensuite le polir et le retravailler afin de lui donner une apparence plus harmonieuse et esthétique.
Vers le milieu du XXe siècle, cette locution s’éloigne de son sens littéral pour désigner un objet ou un individu dans son état le plus rudimentaire et indélicat. Aujourd’hui, « être brut de décoffrage » symbolise toujours cette absence de finesse, cette rusticité qui, bien qu’elle soit souvent considérée comme un défaut, témoigne aussi d’une franchise et d’une authenticité notables.
L’analyse des occurrences de l’expression « brut de décoffrage » montre que celle-ci apparaît au cours du XXe siècle, et devient populaire récemment :
Exemples d’usage de l’expression « être brut de décoffrage »
Je vais prouver à Dieu l’existence de l’homme. Bingo. Voilà la solution. Que Joseph téléphone à cousin Razon et la rédac est faite. Cousin Samuel est le meilleur répondeur de la famille. Ses réponses écrasent toutes les réponses. Il arrive même que son silence rende les questions inutiles. Bien sûr, Joseph ne va pas lui fourguer le sujet de la rédac brut de décoffrage, mais, en l’interrogeant habilement.
Daniel Pennac, Messieurs les enfants
Mais voilà que le photographe se retrouve au centre, que le petit oiseau déchire le drap. Il nous offre son texte intérieur, brut de décoffrage, et prévient « qu’il néglige depuis quelque temps volontairement, c’est-à-dire instinctivement, ce qu’on appelle l’élégance de style et de pensée, afin de la préserver, car toute finesse s’émousse rapidement ».
Marie-Louise Audiberti, Le Vagabond immobile
Le journaliste en tire les conclusions qu’il veut. Il se croit au Brésil avec son délire sur les « Escadrons de la mort ». A partir des mêmes éléments, le Figaro dira le contraire en dissertant de manière aussi convaincante. L’important se trouve dans l’interview. Du solide, du brut de décoffrage.
Didier Daeninckx, Lumière noire
À moi, si peu brillante, si inculte, si rabougrie, il disait que ma conversation était un plaisir. Et si vous croyez que c’était manière de se payer ma tête, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Il était brut de décoffrage, Lulu, ça ne vous aura pas échappé, incapable de mentir même pour servir ses intérêts.
Cécile Philippe, Salut Lulu !
Très intéressant et bien exploité avec des exemples nombreux et précis