Fleur bleue : définition et origine de l’expression
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La botanique a elle aussi sa place dans le grand dictionnaire des expressions. L’expression être « fleur bleue » a, comme vous le devinez, un rapport avec le registre de l’amour et du romantisme. Mais bien qu’empreinte de poésie, l’expression ne fait pourtant pas office de compliment… Et notre article vous en donne la raison !
On vous explique tout sur cette expression. Bonne lecture !
Définition de l’expression « fleur bleue »
L’expression « fleur bleue » est un adjectif composé emprunté à la locution « cultiver / aimer la petite fleur bleue. » Elle est employée pour désigner, de manière élégante, le caractère sentimental – allant jusqu’à la naïveté – d’une personne en proie à un ardent romantisme. En effet, dans le langage des fleurs, le bleu pâle exprime la tendresse idéalisée, discrète et timide.
Le Wiktionnaire en donne la définition suivante : « très sentimental ; naïvement romantique ».
L’adjectif est souvent utilisé de manière péjorative, pour moquer le caractère doucereux d’un comparse. Ainsi, malgré la délicatesse de l’expression et de l’image à laquelle elle se réfère, évitez de l’utiliser pour déclamer votre flamme, vous risquez de ne pas obtenir le résultat escompté…
On retrouve aujourd’hui l’expression « fleur bleue » dans la culture populaire, comme, par exemple, la chanson de Charles Trenet intitulée « Fleur bleue », dont voici le début des paroles :
Un doux parfum qu’on respire
Fleur Bleue par Charles Trenet
C’est fleur bleue
Un regard qui vous attire
C’est fleur bleue
Des mots difficiles à dire
C’est fleur bleue
C’est fleur bleue
Une chanson qu’on fredonne
C’est fleur bleue
Un jeune amour qui se donne
Deux grands yeux qui s’abandonnent
C’est fleur bleue
Evolution historique de l’usage de l’expression « fleur bleue »
L’étude des occurrences dans les ouvrages publiés montre l’évolution de l’usage de l’expression « fleur bleue » au fil du temps (source : Google Ngram) :
Origine de l’expression « fleur bleue ».
A l’origine l’expression « fleur bleue » n’a pas directement à voir avec le monde de l’amour. Elle est issue du courant romantique du XIXe siècle et apparaît d’abord en Allemagne, dans le roman inachevé du baron Friedrich von Hardenberg, connu sous le nom de Novalis, écrit en 1802. Au cœur de l’âge d’or romantique, le baron rédige Henri d’Oftringen, qu’il ne pourra pas achever (il meurt à l’âge de 29 ans). C’est dans cet ouvrage que l’on trouve la première occurrence de l’expression, en allemand : « die blaue Blume ».
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Le roman raconte la légende d’un troubadour médiéval parti à la recherche d’un idéal. Il découvre alors la fleur bleue qui devient non seulement symbole du monde spirituel dans lequel l’artiste trouve un refuge mais aussi l’amour qu’Henri (le trouvère) porte à Mathilde (son aimée).
Henri cueille la Fleur Bleue et délivre Mathilde de son enchantement, mais il va de nouveau la perdre tout engourdi dans sa douleur, il est métamorphosé en pierre.
Novalis, Henri d’Oftringen, page 231, Gallimard.
La fleur bleue deviendra donc le symbole de l’idéal et de la poésie. D’ailleurs, les Allemands parleront par la suite de la « fleur bleue du romantisme ». Avec le temps, l’expression a perdu sa seule référence au mouvement littéraire pour s’élargir au registre de l’amour et du sentimentalisme. En passant dans la langue française, elle a conservé cette idée d’idéalisme amoureux, sans oublier néanmoins le caractère mièvre du héros au cœur de cette quête irréaliste…
Pour aller plus loin : Le monde de la botanique, et de la nature en générale, se prête parfaitement à la fougue amoureuse et a longtemps été une source d’inspiration privilégiée pour le romantisme, en Allemagne comme ailleurs. La nature y est étudiée sous toutes ses formes dans la mesure où elle est considérée comme le miroir des états d’âmes humains. Par ailleurs, elle est aussi le refuge du poète, loin du chaos mondain de ceux qui ne le comprennent pas. Le lyrisme étant de mise, les romantiques ont emprunté de nombreuses expressions mais surtout métaphores et comparaisons au vocabulaire bucolique.
Alphonse de Lamartine en est un parfait exemple (du romantique et de le fleur bleue…) : amoureux irrattrapable de la nature, il nous a transmis ses plus belles odes élégiaques. Voici un court extrait de son poème, « Le Lac », tiré des Méditations Poétiques (1820) :
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !(…)
Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.(…)
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos,
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Alphonse de Lamartine, « Le Lac », Méditations Poétiques, 1820.
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! »
Exemples d’usage de l’expression « fleur bleue ».
Il vous faisait à volonté une missive qui, transmise à un graphologue, trahissait un homme d’affaires, riche, volontaire, mais au fond un cœur d’or, généreux avec les dames, ou un timide employé de banque, sentimental, prêt à tout croire, épris de petite fleur bleue.
Louis Aragon, les Beaux Quartiers, 1936
… tout secoué par son besoin de cultiver la petite fleur bleue des romances.
Emile Zola, Pot Bouille, 1882
C’est banal / Un peu fleur bleue, pas très original / Mais je l’aime plus fort que j’l’ai jamais aimée.
Robert Charlebois, les Ondes, 2001
Soyez donc fleur bleue… Vous vous faites cueillir !
Henri Jeanson, Maxime
Nous n’aimons de façon sentimentale que les femmes de nos rêves, de nos sommeils, celles qui déposent dans notre coeur une petite fleur bleue qui vit encore une heure, une matinée après notre réveil.
Jules Renard, Journal 1893 – 1898
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