Montrer patte blanche : définition et origine de l’expression
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Admettons que vous vous apprêtez à sortir pour la soirée. Vous avez revêtu vos plus beaux atours et avez rejoint vos camarades. Vous êtes invités à un événement très privé, auquel ne sont conviés que quelques privilégiés. Vous arrivez à la porte : il vous faut prouver que vous êtes bien attendu et espéré à cette réception sélective, sans quoi, vous resterez sur le pas. Il s’agit alors pour vous de « montrer patte blanche ». Non, pas littéralement, ne faites pas le corniaud, la formule est, de toute évidence, à prendre au sens figuré. Nous vous expliquons ici d’où nous vient cette enfantine expression. Bonne lecture !
Définition de l’expression « montrer patte blanche »
La locution verbale « montrer patte blanche » renvoie au fait de démontrer que l’on ne trompe pas, que l’on est capable de prouver son identité et, par extension, que l’on est recommandable ou que l’on correspond aux exigences ou aux critères demandés. Ainsi, « montrer patte blanche », c’est faire preuve de bonne foi et d’honnêteté.
Origine de l’expression « montrer patte blanche »
L’expression « montrer patte blanche » tire son origine d’une des fables de La Fontaine (1621-1695), intitulée « Le Loup, la chèvre et le chevreau » (fable XV, livre IV, 1668) : il raconte l’histoire d’une chèvre qui, avant de quitter son logis en y laissant son petit, lui laisse ses recommandations :
Gardez-vous, sur votre vie,
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du loup et de sa race !
Mais le loup, passant par là, entend les mises en garde de la mère et, malin, tente de tromper le chevreau. Voici la fin de la fable :
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
Jean de la Fontaine, Fables, « Le Loup, la chèvre et le chevreau »
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre en disant : « Foin du loup ! »
Et croyant entrer tout d’un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point, »
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune
Notre loup avait entendu ?
Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
L’expression est par la suite rapidement tombée dans le langage courant pour désigner le fait de présenter un signe de reconnaissance. On peut par ailleurs y voir une forme de symbolique dans l’opposition entre la patte blanche (et donc pure) de la chèvre et la patte noire (et donc mal intentionnée) du loup.
Pour aller plus loin : la fable de La Fontaine est elle-même inspirée d’une fable d’Ésope, « Le Loup et la vieille », et les frères Grimm se sont inspirés de cette fable pour écrire leur conte Le Loup et les sept chevreaux (dans Les Contes de l’enfance et du foyer, 1812).
Exemples d’usage de l’expression « montrer patte blanche »
Il y avait aussi quelques personnes qui, avant d’entrer dans la cour, avaient dû montrer patte blanche, c’est-à-dire exhiber une carte contrôlée avec soin car la plupart de ces spectateurs prenaient des notes avec beaucoup d’activités c’étaient des reporters.
Victor Tissot, De Paris à Berlin, mes vacances en Allemagne
Dans les foules où j’essayais de passer inaperçu, noyé dans la couleur locale comme un roi qui se promène incognito dans son royaume, jusqu’à ce que trois mots de français prononcés dans mon dos mettent fin à l’illusion, et me ramènent brutalement à ma condition de touriste mais aussi dans des groupes plus restreints, des cercles fermés où j’avais l’impression d’être admis par privilège, après avoir montré patte blanche.
Gérard Macé, Illusions sur mesure
Albert et Léo doivent montrer patte blanche, avant de gagner l’asile de leur hôtel, au cœur du 5e arrondissement, pas très loin du sommet de la butte où se dressait autrefois la coupole du Panthéon.
Johan Heliot, La Lune n’est pas pour nous
Ces amateurs et ces curieux, ils doivent montrer patte blanche. N’entre pas qui veut au Palais-Royal. Des Suisses, à la livrée du roi, veillent aux portes et interdisent rigoureusement le passage aux soldats, aux laquais, aux servantes , aux personnes qui ont une veste ou un bonnet, aux écoliers, aux polissons, grooms ou petits pâtissiers ou marchands d’oubliés, aux gens sans aveu, à ceux du moins qui ne paient pas de mine, aux ouvriers et aux chiens. Le plus honnête homme du monde, s’il se présente en costume trop négligé, ne sera pas admis dans cet immense salon en plein vent où abondent d’ailleurs les escrocs bien vêtus.
Restif de La Bretonne, Le Palais-Royal
Les responsables avaient instauré un service de sécurité musclé et nul n’était autorisé à franchir le palier du neuvième sans montrer patte blanche…
Marie Nimier, Celui qui court derrière l’oiseau
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