Prendre / donner la clé des champs : définition et origine de l’expression
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Lorsque l’on vous dit : « demain, je prends la clé des champs », que voyez-vous ? Un tourbillon de liberté, des plantations en jachère à n’en plus finir, l’horizon qui se détache là-bas au loin, des courses effrénées dans les maïs ? Vous n’êtes pas loin.
Et pour cause, « prendre » ou « donner la clé des champs » fait partie des expressions bucoliques du glossaire français. Et nous vous en expliquons ici l’origine exacte et sa signification. Bonne lecture !
Définition de l’expression « prendre / donner la clé des champs »
On ne compte plus les fois où l’on a eu envie de claquer la porte, de prendre un billet sur un coup de tête, d’envoyer balader tout ce qui nous retient au quotidien… De « prendre la clé des champs ». L’expression est une métaphore qui traduit cette envie d’espaces et d’affranchissement ; en bref, la liberté de se déplacer, voire de tout quitter pour ne plus jamais revenir. Cette expression est ainsi synonyme de l'expression « prendre la poudre d'escampette ».
Par ailleurs, l’emploi de la locution verbale est flexible. L’on peut « prendre la clé des champs », tout comme l’on peut la « donner », la « confier », la « confisquer » ou « la céder ». Tout comme on le ferait d’une vraie clé ou de tout autre objet. Ajoutons à cela que le mot « clé » peut aussi bien s’écrire de la manière suivante : « clef ».
Evolution historique de l’usage de l’expression « prendre/donner la clé des champs »
L'étude de l'évolution du nombre d'occurrences de l'expression « prendre / donner la clé des champs » dans les textes publiés depuis 1800 montre que la forme avec « prendre » est la plus utilisée :
Origine de l’expression « la clé des champs »
L’expression « prendre la clé des champs » date du XIVe siècle. A l’origine, elle s’appliquait en particulier aux prisonniers à qui l’on rendait la liberté, et par extension, la possibilité de se rendre où bon leur semblait. Le terme « champ » désigne en principe tout « espace d'une certaine étendue et plus ou moins nettement délimité sur lequel se déroule une activité connue », selon le dictionnaire.
Ainsi, il ne faut pas entendre l’expression comme l’action de donner une clé qui permettrait d’ouvrir l’enclos d’un champ mais, au contraire, celle qui permet de quitter le lieu dans lequel on est enfermé afin de pouvoir goûter à la liberté des grands espaces.
Pour aller plus loin : Il est intéressant de remarquer que la plupart des expressions françaises exprimant ce besoin de quitter les contraintes qui nous retiennent ont puisé dans le champ lexical du voyage vers des espaces sans frontières.
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On trouve ainsi la locution « prendre le large » qui date du XVe siècle et évoque tout type de départ. Le large est, en langage maritime, ce qui est le plus éloigné des côtes. « Mettre les voiles », expression popularisée vers 1900, traduit une semblable envie à laquelle s’ajoute l’idée de la discrétion. Et une dernière pour la route : tirée d’une pièce de théâtre écrite en 1837 par les frères Gogniard et Raymond, la Fille de l’air, dans laquelle une jeune fille cède ses ailes pour l’amour d’un mortel mais se décide finalement à reprendre son envol, déçue par cette aventure. Ainsi, on dira « jouer les filles de l’air » pour traduire la fuite d’un quidam.
Exemples d’usage de l’expression « prendre / donner la clé des champs ».
Quelques-uns [des prisonniers] sont vêtus de casaques et de pantalons jaunâtres zébrés de noir : ce sont ceux à qui l'air de la liberté a manqué et qui, pour le respirer à tout prix, ont essayé de prendre cette belle clef d'or qu'on appelle la clef des champs.
Maxime du Camp - En Hollande
C’est alors que M. Patrigent, le juge d’instruction, fut le premier, je ne dirai pas à conseiller, mais à laisser entendre qu’on pourrait bien se risquer à confier la clé des champs à un de ces misérables. On suivit son avis, et trois jours plus tard l’évadé était surpris dans une carrière de champignonniste, en train de déterrer le trésor.
Émile Gaboriau, Monsieur Lecoq
Si je venais à trébucher, il prendrait la fuite dans le meilleur des cas, ou encore se précipiterait sur moi. Bien sûr, il le comprenait fort bien et m'obéissait soit parce qu'il espérait s'enfuir en cours de route soit parce qu'il avait décidé de se livrer. Dans le premier cas, raisonnais-je, il prendrait la clé des champs et dans le second, quel besoin avais-je de le tenir sous la menace de mon fusil ? Halte criai-je. Il s'arrêta et se tourna vers moi.
Léonide Borodine, Récit d’une époque étrange, Gallimard
Après son petit pousse-café, nous prenions la clef des champs... et puis toute l'après-midi, on s'en allait au petit bonheur.
Ferdinand Céline, Mort à crédit
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