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Se mettre martel en tête : définition et origine de l’expression

« Ne vous mettez pas martel en tête ! Il n’y a rien de grave ! » Avez-vous déjà entendu ou prononcé cette curieuse expression « se mettre martel en tête » sans en connaître véritablement son origine ?

Le martel est une ancienne forme du nom marteau mais utilisé au sens figuré dans la locution « martel en tête ». Se mettre des marteaux dans la tête ? Faut-il y voir une métaphore évidente ou un autre symbole ? 

C’est ce que vous allez découvrir dans cet article, où nous vous expliquons la signification, les origines et l’évolution de cette expression au fil des siècles. Bonne lecture !

Définition de l’expression « se mettre martel en tête »

Une personne qui se met « martel en tête » signifie qu’elle s’inquiète fortement, sous forme d’interrogations ininterrompues et parfois de manière quasi obsessionnelle. 

Ces préoccupations peuvent concerner un évènement, une situation ou une personne en particulier (maladie, insécurité, mal-être …).

La personne soucieuse se tourmente, allant même jusqu’à manifester un état de panique quand la crainte tourne à l’obsession. Morte d’inquiétude, elle se martèle le cerveau avec ces angoisses permanentes. 

L’expression « marteler le cerveau » est également utilisée pour désigner le fait que l’on se tourmente soi-même ou quelqu’un.

Origine de l’expression « se mettre martel en tête »

Maintenant, intéressons nous à l’origine de l’expression « se mettre martel en tête » et son évolution au fil des années.

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L’expression « se mettre martel en tête » s’est construite autour du nom commun martel.

Forme ancienne du marteau, le mot martel est aujourd’hui uniquement utilisé dans l’expression « se mettre martel en tête », alors qu’on pouvait encore le trouver seul dans des écrits littéraires du XVIe siècle :

Afin de ne pas être pris par derrière, il s’accula contre le portail d’une maison d’apparence quasi princière, et là, ramassé sur lui-même, il présentait aux glaives son bouclier humain, dont il usait aussi parfois, à l’instar d’un martel, pour assommer les troupiers soûls de fureur

Léon Cladel, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs

Aller de nuit en masque, en masque deviser,
Se feindre à tous propos être d’amour saisie,
Siffler toute la nuit par une jalousie,
Et par
martel de l’un, l’autre favoriser

Joachim du Bellay, En mille crespillons les cheveux se friser

À partir du XVIe siècle, le mot martel est utilisé au sens figuré, à savoir « le souci, l’inquiétude » ; à l’origine, ce sont des locutions telles que « donner martel » ou « avoir martel » signifiant « avoir du souci » qui commenceront à apparaître. 

C’est au XVIIIe siècle que l’expression apparaît sous la forme que nous étudions dans cet article, soit « se mettre martel en tête », avec une métaphore évidente. L’inquiétude obsédante est symbolisée par les coups de marteau portés à la tête.

Le verbe « marteler » est ainsi régulièrement employé pour évoquer ces questionnements répétés et insistants, à l’image de l’outil qui bat dans la tête. 

Dans son lit même, au cours de cette nuit d’été.
Ce souvenir peut-être encore la martèle.

Georges Docquois, Le poème sans nom

L’expression « marteler le cerveau » est apparu au même moment.

Et, une heure durant, il s’ingénia à marteler le cerveau de Mapouhi, pour en chasser l’obsession qui le hantait.

Jack London, La Maison de Mahoupi

Il faut savoir qu’à l’origine, l’expression « se mettre martel en tête » était plutôt réservée au désarroi que pouvait ressentir une femme ou un homme qui soupçonnait l’infidélité de son conjoint et avait pour signification « être jaloux ».

D’ailleurs, la jalousie est bête.
D’abord, elle ne sert de rien
Malgré tout son martel en tête.

Paul Verlaine, D’ailleurs, la jalousie est bête

Aujourd’hui, le sens de cette expression englobe tous les tourments possibles pouvant tourner à l’obsession, de manière générale.

Exemples d’usage de l’expression « se mettre martel en tête »

Je ne vois point encore, ou je suis une bête,
Sur quoi vous avez pu prendre martel en tête.
Lucile, à mon avis, vous montre assez d’amour 

Molière, Le Dépit amoureux

Dernièrement, Charlus a dîné chez la princesse de Guermantes ; je ne sais pas comment on a parlé de vous. M. de Norpois leur aurait dit — c’est inepte, n’allez pas vous mettre martel en tête pour cela, personne n’y a attaché d’importance, on savait trop de quelle bouche cela tombait.

Marcel Proust, À la recherche du temps perdu

Moi, j’aurais martel en tête ! 
Le chagrin est trop lourd
Ah ! chantons jour et nuit,
Le voyage est si court ! 

Eugène Manuel, Les ouvriers

Il me frictionne brièvement la nuque, me donne l’impression de rêver — Ne te mets donc pas martel en tête. Concentre-toi. Je suis là. Et puis il se tourne vers l’horizon, vigilant. Fin de la communication. Je luis sais gré de ne pas attendre une réponse ou un commentaire de ma part. Il est là, à mes côtés, j’avais remarqué, c’est à cette heure mon plus grand tourment. Que je ne me mette pas martel en tête ; j’aimerais bien. Mais « martel en tête » est en la circonstance une expression sous-dimensionnée. Je fais mine de faire comme Louis, mon père. Je considère le panorama. Silencieux et inquiet.

Michel Drouard, Micron noir

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Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

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