Le supplice de Tantale : définition et origine de l’expression
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Nous avons hérité du bas Moyen Âge ou d’époques plus reculées des techniques de torture toutes plus originales et barbares les unes que les autres (le supplice du chevalet, l’aigle de sang ou le séparateur de genoux, pour ne citer que ceux-là…). C’est oublier que les mythes grecs, s’ils sont moins « sanglants », ont tout de même été une grande source d’inspiration et, en matière d’originalité, mènent la danse. Il suffit de citer le mythe de Sisyphe : condamné à rouler un gigantesque rocher en haut d’une montagne pour l’éternité – puisque ce dernier ne cessait de rouler au pied de la montagne dès son arrivée au sommet.
Le « supplice de Tantale », aujourd’hui devenu une expression de la langue française, fait partie de ces châtiments mythologiques imposés par les dieux, qui avaient l’art de si bien allier torture physique et torture psychologique. Nous vous expliquons tout dans cet article. Bonne lecture !
Définition de l’expression « supplice de Tantale »
L’expression « supplice de Tantale » est une locution nominale qui est le plus souvent utilisée au sens figuré, désignant la déception causée par une promesse non tenue ou un espoir déçu. L’expression exprime aussi la « souffrance de quelqu’un qui a à sa portée de main ce qu’il désire et qui ne peut l’atteindre » (TLFi).
L’expression existe également au sens propre, mais les occasions de l’utiliser sont rares : il s’agit d’une situation précise – directement inspirée du mythe dont est tirée l’expression – où l’on présente à un individu affamé de la nourriture pour la lui retirer au moment où il pense pouvoir enfin assouvir sa faim.
Origine de l’expression « supplice de Tantale »
L’expression « supplice de Tantale » est un « châtiment infligé à Tantale, consistant à souffrir éternellement de la faim et de la soif auprès d’arbres chargés de fruits et d’un cours d’eau qui se dérobent dès qu’il s’en approche », explique le TLFi. L’histoire nous vient directement de la mythologie grecque.
Tantale était le fils de Zeus et de la nymphe Plota ou Plouto selon les traductions. Dans le dictionnaire d’Anatole Bailly, voici la définition qui est donnée pour son nom : « Tantale, criminel, hôte du Tartare, aux Enfers ». La légende raconte qu’il est l’auteur d’un crime à l’encontre des dieux, dont la nature diffère selon les légendes : selon le poète Pindare, il aurait volé de l’ambroisie et du nectar divin pour le donner à des mortels ; selon Pausanias, géographe et voyageur grec du IIème siècle, il aurait volé le chien d’or sacré de Zeus et aurait nié être l’auteur du forfait ; enfin, selon le poète latin Ovide, il aurait donné son fils Pélops à manger aux dieux lors d’un banquet afin de mettre à l’épreuve leur clairvoyance. Bref, Tantale n’est pas un ange.
Pour le punir, les dieux mettent au point un supplice tout particulier : Tantale est jeté dans le Tartare, un endroit des Enfers dans la mythologie grecque. Dans l’Odyssée, Homère raconte qu’il sera soumis à une double torture : il sera condamné à rester au milieu d’un fleuve, sous un arbre fruitier. Mais dès qu’il se penchera pour boire l’eau du fleuve, celui-ci s’assèche et dès qu’il tend le bras pour saisir un fruit, le vent éloignera les branches de sa main.
Pour aller plus loin : le « supplice de Tantale » occupe une place importante dans les mythes grecs, aux côtés d’autres supplices désormais célèbres :
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- Le supplice des Danaïdes : « Châtiment infligé aux Danaïdes (filles du roi Danaos, ndlr), les condamnant à remplir éternellement un tonneau percé; au fig., souffrance de quelqu’un qui fait continuellement quelque chose d’inutile. » (TLFi)
- Le supplice de Prométhée : « Châtiment infligé à Prométhée, consistant à être éternellement enchaîné sur le mont Caucase en ayant le foie dévoré par un vautour » (TLFi)
Ces deux supplices ont la même connotation que le supplice de Tantale, c’est-à-dire qu’ils supposent une souffrance continuelle.
Exemples d’usage de l’expression « supplice de Tantale »
Il fallait − conformément aux dispositions légales − attendre trente ans cet argent qui nous demeurait destiné. Supplice de Tantale.
George Duhamel, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934
[Il était] assez près du secret, pour ainsi dire, pour en sentir l’odeur, en savoir la présence, tendre la main dans la bonne direction, mais son bras se trouvait trop court d’un centimètre pour qu’il pût poser la main dessus. C’était un supplice de Tantale. Et s’il s’obstinait, c’était pire.
Alexandre Vialatte, Le Fidèle Berger, 1942
Le pire, c’est qu’Antoinette, elle aimait le cinéma. Elle me traînait deux fois par semaine au moins au Majestic, et moi c’était le supplice de Tantale.
Michel Tournier, Le Coq de bruyère
Je n’ai jamais vu ça. Un drogué qui fait subir à un autre drogué le supplice de Tantale. Jamais je n’aurais cru ça possible. Pour la première fois, je vois un drogué rompre, et de la façon la plus sadique qui soit, le pacte tacite d’entraide et de soutien qui unit tous les drogués du monde.
Charles Duchaussois, Flash ou le Grand Voyage, 1974
Une bande de caribous d’une vingtaine d’animaux passa à portée de carabine, un supplice de Tantale. Il sentit un désir fou de les poursuivre, certain de pouvoir les atteindre.
Jack London, L’Amour de la vie
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