Faire amende honorable : définition et origine de l’expression
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Une fois n’est pas coutume, la langue française nous donne à nouveau un exemple d’homonymes à ne pas confondre : dans l’expression « faire amende honorable », il ne s’agit bien évidemment pas du fruit de l’amandier, mais de son homonyme, l’amende, terme hérité du verbe latin « emendo, emendare », qui signifie réparer une faute, corriger, remédier.
Mais, même avec cette information en main, nous vous le concédons, le sens de l’expression n’est pas limpide. Nous vous expliquons dans cet article ses origines et sa signification. Bonne lecture !
Définition de l’expression « faire amende honorable »
Dans la locution verbale « faire amende honorable », le mot « amende » est à comprendre au sens de la « peine morale » et non en tant que « peine pécuniaire infligée pour une infraction ». Selon le TLFi, l’amende honorable était une « peine infamante qui, sous l’Ancien Régime, obligeait le coupable à reconnaître publiquement son crime et à en demander pardon ». Ainsi, « faire amende honorable », par extension, signifie aujourd’hui faire « l’aveu public d’une faute dans l’intention de se faire pardonner ».
On retrouve le terme « amende » dans différentes expressions à ne pas confondre entre elles : « mettre une amende » n’est pas l’équivalent de « mettre à l’amende ». Le premier consiste à infliger une réparation pécuniaire, la seconde signifie sanctionner, voire dominer.
Origine de l’expression « faire amende honorable »
La reconnaissance publique de ses fautes était une peine encourue sous l’Ancien Régime. Elle portait un nom en termes de droit : l’amende honorable. Déjà, au XIIe siècle, le terme « emmende » signifiait « réparation ». Cette pratique des cours judiciaires, apparue au Moyen Âge, précédait « des supplices plus rigoureux exercés sur le corps du criminel » ou n’était prononcée qu’en cas « d’infractions très bénignes (…) afin que l’honneur blessé de la victime soit tout de même réparé », explique Camille Couderc dans « Pénitence publique et amende honorable » (Revue historique, 1997). L’amende honorable est donc avant tout un moyen de « satisfaction et de réconciliation ».
« Un exemple célèbre me paraît constitué par la demande de réparation pour le meurtre du duc Louis d’Orléans commis à l’instigation du duc de Bourgogne Jean sans Peur, telle qu’elle est formulée par Valentine Visconti et les Orléans le 11 septembre 1408 devant le roi. Pour réparer son crime, le duc de Bourgogne devra accomplir une amende honorable : sans ceinture ni chaperon, les deux genoux à terre devant l’ensemble de la cour royale, il avouera publiquement son crime et en demandera pardon aux victimes, c’est-à-dire à la duchesse d’Orléans et à son fils », raconte encore Camille Couderc.
Le terme « amende honorable » semble s’être répandu au cours des XIVe et XVe siècles, et fera par la suite partie du langage courant, pris au sens figuré, à l’image de nombreuses expressions françaises.
Nous pouvons analyser les occurrences de l’expression depuis le XVIe siècle :
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Pour aller plus loin : l’expression « faire amende honorable » a pour expression équivalente « aller à Canossa », qui signifie « être humilié par quelque chose ou quelqu’un » : « La pénitence de Canossa de janvier 1077 est un moment clef du conflit médiéval entre la papauté et le souverain germanique, au cours duquel le roi des Romains Henri IV vient s’agenouiller devant le pape Grégoire VII afin que celui-ci lève l’excommunication prononcée contre lui » (Wikipédia). Ces deux expressions sont à peu près semblables à l’expression « passer sous les fourches caudines », dont vous trouverez l’explication détaillée sur notre site.
Exemples d’usage de l’expression « faire amende honorable »
Or donc, cette préface est pour prier les personnes qui liront l’ouvrage ci-contre, de ne pas croire, d’après certains passages, que c’est une amende honorable que j’ai faite en le composant : ces passages et les sentiments que je donne à mes personnages sont nécessaires à l’intérêt du roman, comme les incidents et les aventures que l’on a trouvés condamnables dans le vicaire, l’étaient à l’intérêt de ce roman en lui-même.
Honoré de Balzac, Annette et le criminel, 1824
L’aînée qui épouse, contre le gré de ses parents (elle se fait enlever) un être vain, sans valeur, mais d’assez de vernis pour séduire la famille après avoir séduit la jeune fille. Celle-ci, cependant, tandis que la famille lui donne raison et fait amende honorable, reconnaissant dans le gendre des tas de vertus dont il n’a que l’apparence, celle-ci découvre peu à peu la médiocrité foncière de cet être auquel elle a lié sa vie.
André Gide, Journal des faux-monnayeurs
Donc voilà pour commencer vous allez faire amende honorable. Vous allez faire votre mea culpa.
Nathalie Sarraute, Elle est là
Je fais ici amende honorable à la mer dont j’avais parlé irrévérencieusement, n’ayant vu que la mer d’Ostende qui n’est autre chose que l’Escaut canalisé, comme le soutenait si spirituellement mon cher ami Fritz.
Théophile Gautier, Voyage en Espagne, 1859
Voilà ce que je nomme une amende honorable, faire amende honorable. M’infliger un désaveu. C’est ce que je nomme être timoré. C’est ma manière d’être timoré. C’est comme ça que je porte la chemise longue, et la corde au cou, la corde de chanvre. C’est comme ça que je tiens mon cierge.
Charles Péguy, Notre jeunesse
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