Tonneau des Danaïdes : définition et origine de l'expression
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Employée pour désigner une personne dépensière ou une tâche interminable, l’expression « tonneau des Danaïdes » est fondée sur le mythe antique des Danaïdes, personnages féminins de la mythologie grecque. Nous allons vous raconter la légende passionnante des Danaïdes, tragédie grecque à l’origine de l’expression. Bonne lecture !
Définition de l’expression « tonneau des Danaïdes »
L’expression « tonneau des Danaïdes » peut avoir deux sens :
- D’une part, elle désigne un individu dépensier, appelé aussi dans le langage familier un « panier percé », c’est-à-dire une personne qui dépense sans compter et dont le compte en banque est constamment vide.
- D’autre part, cette expression est également employée pour évoquer une tâche absurde sans fin, un travail à recommencer sans arrêt, une mission qui ne se termine jamais.
Elle est proche des expressions telles que « toile de pénélope » signifiant un ouvrage jamais terminé, un éternel recommencement, ou encore « rocher de Sisyphe » désignant une action répétitive et interminable.
Vous allez mieux comprendre les deux sens de cette expression après avoir lu l’histoire qui suit…
Origine de l’expression « tonneau des Danaïdes »
Pour expliquer l’origine de cette expression, apparue au XVIIIe siècle, il faut remonter assez loin et faire référence aux histoires et légendes des dieux de la mythologie grecque.
Dans la mythologie grecque, les Danaïdes (en grec ancien Δαναΐδες ) sont les cinquante filles du roi Danaos.
Deux frères, Danaos et Égyptos, ont eu chacun cinquante enfants : cinquante filles pour Danaos, les Danaïdes, et cinquante garçons pour Égyptos. Alors qu’Égyptos insiste auprès de son frère pour unir cousins et cousines, un oracle révèle à Danaos que l’intention des fils de son frère est de tuer les filles après les noces. Danaos fuit alors à Argos, en Argolide, située dans la péninsule du Péloponnèse, avec sa nombreuse progéniture, et devient Roi.
Les fils d’Égyptos les rejoignent, et sur ordre de leur père, demandent leurs cousines en mariage. Défavorable à ces unions, le roi Danaos fait semblant d’accepter et, craignant toujours que la prédiction de l’oracle se réalise, il ordonne à chacune de ses filles d’assassiner son époux lors de la première nuit de noces.
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La légende raconte que les Danaïdes ont caché dans leurs cheveux une grande épingle qu’elles ont utilisée pour percer le cœur de leurs maris pendant leur sommeil.
Toutes les filles obésissent sauf Hypermnestre, qui décide de sauver son époux Lyncée. Plus tard, ce dernier revient et se venge en tuant son beau-père, Danaos, et ses quarante-neuf cousines coupables. Lyncée et Hypermnestre règnent alors sur Argos.
Quant aux Danaïdes, compte tenu de leurs actes, elles ont été envoyées en Enfer et condamnées à remplir sans fin un tonneau au fond percé.
Ce châtiment a donc donné naissance à l’expression du « tonneau des Danaïdes », qui désigne une tâche absurde et pénible, sans fin ou impossible, tout comme l’expression « peigner la girafe ».
Exemples d’usage de l’expression « tonneau des Danaïdes »
Alors face à cela, l’État, les collectivités territoriales dépensent des budgets de plus en plus importants, et malheureusement, c’est un peu le tonneau des Danaïdes.
Jacques Froget, Pauvreté et politique
— Je ne vous parlerai pas des habitudes dépensières de M. Arthir ; c’est le tonneau des Danaïdes… Que vous dirai-je ? c’est un panier percé. Le million que vous lui laissez ne durera pas dix ans, vous le savez aussi bien que moi.
Émile Augier, Maître Guérin
L’amour-propre, bien que comblé d’éloges, n’en déborde jamais ; c’est le tonneau des Danaïdes, moins les trous.
Jean-Antoine Petit, Bluettes et boutades.
Jamais l’ambition ne voit ses vœux remplis ;
Antoine-Louis Le Brun, Fables XVII, Le Ruisseau
C’est le tonneau des Danaïdes.
Mon tonneau des Danaïdes ne cessait de se remplir de chiffres que mon cerveau percé laissait fuir. J’étais le Sisyphe de la comptabilité et, tel le héros mythique, je ne me désespérais jamais, je recommençais les opérations inexorables pour la centième fois, la millième fois.
Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements.
Pour vous, Monsieur, rien n’est encore perdu et nous vous adjurons de mettre un fond à votre tonneau des Danaïdes où, depuis plus d’un demi-siècle, vous ne cessez de jeter le meilleur de vous-même et de votre pensée dans des flots d’encre, car on a souvent comparé à ce tonneau percé que les malheureuses Danaïdes, pour un crime d’ailleurs intolérable à imaginer (sur cinquante, quarante-neuf d’entre elles avaient égorgé leurs maris le soir de leurs noces), furent condamnées à remplir éternellement ; on a comparé, dis-je, leur vain travail à celui du journaliste, et quoique vous ne soyez capable d’aucun meurtre, vous aussi vous subirez ce châtiment de travailler longtemps pour rien, votre travail au jour le jour n’étant assuré d’aucune durée. Vos amis vous demandent de rétablir cette situation.
Émile Henriot, Réponse au discours de réception de Robert Kempf, 27 mars 1958
Ces littérateurs sont comme les tonneaux des Danaïdes : ils laissent passer toute l’humanité.
Jules Renard, Journal 1887-1910
— Non. Je suis vide. Je n’ai que gestes, réflexes, habitudes. Je veux me remplir. C’est pourquoi je psychanalyse les gens. Mais mon tonneau est un tonneau des Danaïdes. Je n’assimile pas. Je leur prends leurs pensées, leurs complexes, leurs hésitations, et rien ne m’en reste. Je n’assimile pas ; ou j’assimile trop bien… c’est la même chose. Bien sûr, je conserve des mots, des contenants, des étiquettes ; je connais les termes sous lesquels on range les passions, les émotions, mais je ne les éprouve pas.
Boris Vian, L’arrache-coeur
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"percé" n'a aucune raison d'être écrit avec cédille...
comme vous le faites dans votre intro :
> D’une part, elle désigne un individu dépensier, appelé aussi dans le langage familier un « panier perçé », c’est-à-dire une personne qui dépense sans compter et dont le compte en banque est constamment vide.