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Serpent de mer : définition et origine de l'expression

Pour le commun des mortels, le serpent de mer évoque un animal fantastique, une créature marine fabuleuse, associée au Léviathan ou au monstre du Loch Ness. Mais pour les initiés, le « serpent de mer » est une expression, utilisée en particulier dans le domaine du journalisme et de l’information. Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Vous trouverez dans cet article tout ce qu’il faut savoir sur cette expression, de ses origines à sa signification. Bonne lecture !

Définition de l’expression « serpent de mer »

L’expression « serpent de mer » est une locution nominale qui, au sens propre, désigne une créature fantastique, un « grand animal marin, souvent considéré comme mythique, à l’allure de serpent », nous apprend le Wiktionnaire. Mais, utilisée au figuré, l’expression s’applique à un « thème rebattu et peu crédible », ou une « information généralement peu fondée, souvent à caractère sensationnel, reprise par la presse durant les périodes creuses », selon le Cnrtl. 

L’expression « serpent de mer » se rapproche d’une autre expression française : « l’Arlésienne », celle dont le nom est au cœur de toutes les conversations, mais qu’on ne voit jamais apparaître. 

Origine de l’expression « serpent de mer »

Le serpent est communément un animal terrestre, un reptile qui s’aventure rarement dans les milieux aquatiques (exception faite à la couleuvre). L’imaginaire a alors vite fait de s’emparer de cette créature pour le détourner en être fantastique marin, de l’Antiquité (on pense à l’Hydre de Lerne, serpent à plusieurs têtes combattu par Hercule lors de ses douze travaux) aux temps médiévaux (avec le Jörmungandr, serpent de mer sorti de la mythologie scandinave) en passant par le Léviathan biblique (livre de Job, livre d’Isaïe), repris par Thomas Hobbes en 1651.

Ce serpent marin s’ancre dans la culture populaire au point qu’il devient presque une réalité : les marins qui partent en mer redoutent de tomber sur ce monstre qui surgit des flots pour dévorer équipages et vaisseaux. Néanmoins, malgré de nombreux racontars sur le sujet, jamais aucune preuve n’est apportée pour attester de son existence. 

En 1837, l’équipage du navire français le Havre assure avoir aperçu le fameux serpent de mer au large des Açores : la presse nationale s’empare bien évidemment de cette actualité sensationnelle et glose sur le sujet jusqu’à ce que, faute de sources pour étayer l’information, elle ne se reprenne et désigne ledit serpent comme étant une pure invention.

Dans son Dictionnaire infernal (Henri Plon, 1863, p. 605-608), Collin de Plancy rappelle cet épisode marquant : « On se rappelle le bruit que fit en 1837 la découverte du grand serpent de mer vu par le navire le Havre à la hauteur des Açores. Tous les journaux s’en sont occupés ; et, après s’en être montrée stupéfaite, la presse, faisant volte-face, a présenté ensuite le grand serpent marin comme un être imaginaire. »

C’est donc le caractère sensationnel mais peu vérifié qui fait d’un sujet d’actualité un « serpent de mer ». « À partir de 1850, explique le linguiste Bernard Cerquiglini, [l’expression] désigne dans le vocabulaire journalistique un sujet rebattu et peu crédible auquel on recourt néanmoins dans les périodes creuses » (« Merci professeur », novembre 2019).

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Pour aller plus loin : Le glossaire du monde du journalisme compte bon nombre d’expressions particulières. Si vous vous sentez la vocation d’un gratte-papier, voici une petite sélection pour maîtriser à la perfection le vocabulaire du milieu et passer pour un vieux briscard :

  • Un « marronnier » : proche du « serpent de mer », le marronnier désigne un sujet qui revient régulièrement dans les pages des journaux (les sujets saisonniers tels que les fêtes de fin d’année, la météo, les embouteillages, etc.)
  • L’ours : encadré d’un journal sur lequel sont mentionnés les noms de l’imprimeur, de l’éditeur et de la rédaction. Honoré de Balzac en parle dans son roman Illusions perdues : « Ce Séchard était un ancien compagnon pressier que dans leur argot typographique les ouvriers chargés d’assembler les lettres appellent un Ours. Le mouvement de va-et-vient, qui ressemble assez à celui d’un ours en cage (…) leur a sans doute valu ce sobriquet. »
  • Le bouillon : « L’ensemble des invendus d’une publication (différence entre le tirage, nombre d’exemplaires imprimés, et la diffusion, nombre d’exemplaires vendus) », selon Le glossaire des termes de la presse écrite.

Exemples d’usage de l’expression « serpent de mer »

On a trop souvent annoncé l’arrivée de ce serpent de mer de la sociologie, la fin du couple, des noces, de la famille, pour qu’on y croie facilement.

Le Nouvel Observateur, 2 février 1976

Le projet de ligue fermée est le serpent de mer que les grands clubs européens agitent depuis une décennie pour pousser l’UEFA – l’instance du foot européen – à mieux valoriser les compétitions.

Les Echos, avril 2021

Comme le serpent de mer, Paris, port-de-mer, est encore un de ces sujets qui passent en première page, les jours creux, au mois d’août, quand les journaux n’ont rien à monter en vedette.

Cendrars, Bourlinguer, 1948

Sans parler du serpent de mer, démagogique autant qu’inopérant, qu’a été la dépénalisation du cannabis. Il faut bien avouer que par les temps qui courent l’idée a perdu beaucoup de son charme initial libertaire et baba cool.

François Kalfon, Que faisons-nous de leurs vingt ans ? : La génération Y désenchantée ?, 2012

Voilà quelques années encore, les grands travaux de la mer, le canal sous la Manche, le canal des Deux-Mers, n’apparaissaient dans les journaux qu’en été, dans l’absence d’autres chroniques, aux époques du grand serpent de mer.

Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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