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Violence

Variantes Singulier Pluriel
Féminin violence violences

Définitions de « violence »

Trésor de la Langue Française informatisé

VIOLENCE, subst. fém.

A. −
1.
a) Force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu'un ou pour obtenir quelque chose. L'homme de bonne foi supporte la contradiction parce qu'elle seule fait naître l'évidence. La violence est l'argument du mensonge (Volney, Ruines, 1791, p. 112).Où commence la contrainte? Elle ne consiste pas seulement dans l'emploi direct de la violence; car la violence indirecte supprime tout aussi bien la liberté. Si l'engagement que j'ai arraché en menaçant quelqu'un de la mort, est moralement et légalement nul, comment serait-il valable si, pour l'obtenir, j'ai profité d'une situation (...) qui mettait autrui dans la nécessité de me céder ou de mourir? (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 376).
DR. CIVIL. Contrainte illicite exercée sur quelqu'un pour obtenir quelque chose avec son consentement. La violence est une cause de nullité du contrat (Code civil, 1804, art. 1113, p. 202).
DR. INTERNAT. Emploi de la force ou d'une contrainte menaçante exercée contre un État pour obtenir de lui un consentement, en rupture avec les principes du droit international. La manœuvre de dissuasion pourrait se jouer sur un clavier de violence plus étendu, mais la technique serait la même: menaces radicales, actions limitées destinées à prouver la détermination de faire plier l'adversaire et recherche constante du compromis (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 78).
DR. PÉNAL. ,,Fait d'agir sans le consentement de la personne intéressée`` (Cap. 1936). Attentat à la pudeur avec violence (Cap. 1936).
b) POL. Usage de la force dans la contestation sociale, dans la répression des conflits. Anton. non-violence.Tantôt on emploie les termes force et violence en parlant des actes de l'autorité, tantôt en parlant des actes de révolte. (...) il faudrait réserver le terme violence pour la deuxième acception; nous dirions donc que la force a pour objet d'imposer l'organisation d'un certain ordre social dans lequel une minorité gouverne, tandis que la violence tend à la destruction de cet ordre. La bourgeoisie a employé la force depuis le début des temps modernes, tandis que le prolétariat réagit maintenant contre elle et contre l'État par la violence (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 256).
2. P. méton., gén. au plur.
a) Acte(s) d'agression commis volontairement à l'encontre d'autrui, sur son corps ou sur ses biens. Violences sexuelles. Bien que le Duc eût interdit les violences contre les personnes, rien ne put arrêter la rudesse des Flamands: ils enfonçaient les portes des églises où s'étaient réfugiées les femmes; ils emportaient tout dans leurs tentes et sur leurs charrettes, emmenant même des enfans pour qu'on les rachetât (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 226).Rappart (...) était un individu sans éducation, violent, querelleur, ivrogne (...); il ne commettait que violences et cruautés (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 75).
DR. PÉNAL. ,,Acte de rudesse volontairement commis aux dépens d'une personne`` (Cap. 1936).
Violences graves. ,,Violences envers les personnes dont l'importance est suffisante pour faire une vive impression sur un individu, qui, sous l'influence de ces violences, est amené à commettre, sans la liberté d'esprit nécessaire pour agir avec réflexion, un meurtre ou des coups et blessures sur la personne du provocateur`` (Cap. 1936). Violences légères. ,,Violences volontaires envers les personnes, considérées comme trop peu graves pour être assimilées aux coups et blessures`` (Cap. 1936).
b) POL. Ensemble des actions qui témoignent d'un conflit ouvert; émeute, guerre. M. de la Fayette ne supportait pas l'idée que l'on attribuât même les violences populaires à ce qu'on pouvait appeler une conspiration (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 277).Une manifestation formidable est en préparation à Shanghaï et à Pékin pour la commémoration des violences injustes exercées par les impérialistes étrangers et l'affirmation de la liberté chinoise (Malraux, Conquér., 1928, p. 19).
c) Ensemble d'actes, d'attitudes qui manifestent l'hostilité, l'agressivité entre des individus. Elle mit ses sabots et cria dans le vent:Ah! Dieu de Dieu! en voilà une morveuse qui peut se flatter de nous faire tourner en bourrique! Chanteau resta paisible. Il était accoutumé aux violences de cette fille (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 808).Laure redoutait l'époque des vacances, préférant le couvent et son calme, car, si Pierre Malaussène supportait les violences de sa femme, Laure, qui, par maints côtés, n'était pas sans ressembler à sa mère, était toujours au bord de la rébellion (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 9).
En partic. Violences de langage, violences verbales. Excès de langage. M. Staempfli et ses collègues ont toujours été se tempérant, se calmant et tandis que M. Druey, de son côté, désavouait à demi ou expliquait ses violences de langage, le 1erjuin finissait par arriver (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 142).Ses violences verbales s'accrurent. « J'étais libre et net. Je nettoierai cette glu. » La petite déesse insultée, le regarda (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 63).
3. Expressions
Faire violence à qqn. Obtenir quelque chose de quelqu'un contre son gré, par la persuasion, la contrainte morale ou la force brutale. Il fallait lui faire violence pour lui faire prendre quelques aliments. Il voulait se laisser mourir de faim (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 700).Cette publicité (...) est certainement critiquable du point de vue de la morale dans toute la mesure où elle fait violence à la personnalité du consommateur (Univers écon. et soc., 1960, p. 12-6).
Faire violence à une femme (vieilli). Violer une femme. (Dict. xixeet xxes.).
Se faire violence. Agir, réagir en maîtrisant ses réactions spontanées. Son mari est-il présent (...), elle craint si elle est réservée, qu'il ne suppose qu'elle se fait violence pour ne pas faire connaître ses sentimens (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1805).Que de fois n'ai-je pas porté mon attention, mon étude sur telle fugue de Bach, par exemple, précisément parce que d'abord elle me rebutait; par besoin de me faire violence et guidé par cet obscur sentiment que ce qui nous contrarie (...) est aussi ce qui peut le mieux nous instruire (Gide, Journal, 1928, p. 876).
Faire une douce violence à qqn. Presser quelqu'un de consentir à quelque chose qu'il refuse faiblement, ou pour se faire prier. Véronique à merveille s'entend à me faire cette douce violence: « Causer » (Jouhandeau, M. Godeau, 1926, p. 208).Iron. (Se faire) une douce violence. Accepter quelque chose avec plaisir après une résistance de principe. Et le Christ cède à cette douce violence, et s'il se fait prier, (...) c'est qu'il veut enseigner ainsi que tout ce qu'il accorde, il ne l'accorde que par l'entremise de sa Mère (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 290).
Au fig. Faire violence à qqc. Forcer quelque chose. Je n'ai jamais fait violence à la liberté de personne et ne compte pas commencer ce soir (Green, Journal, 1934, p. 253).En partic. Faire violence à un texte, à une loi. Forcer le sens d'un texte, d'une loi. Synon. dénaturer, trahir.Que cette législation et cette prédication soient, dans la bible même, séparables d'une foi religieuse et d'une fidélité à une force surnaturelle, c'est ce qu'on ne peut admettre sans faire violence aux textes (Weill, Judaïsme, 1931, p. 152).
Souffrir violence. Exiger beaucoup d'efforts. La liberté est comme le royaume de Dieu; elle souffre violence, et les violents la ravissent (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 179).
4. Disposition d'un être humain à exprimer brutalement ses sentiments; le comportement qui la manifeste. Synon. agressivité, fougue, emportement.Violence maladive, sauvage, terrible; accès, degré, scène de violence; attaquer, battre, jeter, saisir avec violence. Beaucoup de violence dans les enfants. Ils boxent avec fureur. Un enfant bat son chien, la sœur bat sa petite sœur qu'elle porte. Population mobile, violente, minée, mais non pas gaie comme la nôtre. Il y a ici une triste ivresse pour ceux qui n'y ajoutent pas celles des liqueurs fortes (Michelet, Journal, 1834, p. 136).
Comportement brutal, emporté d'une personne. Alors, il perdit la tête, il cria, secoué de colère contenue:Eh bien! allez en face! (...) Ce fut une stupeur. La violence du patron les avait tous saisis. Il restait lui-même effaré et tremblant de ce qu'il venait de dire (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 609).Hormis sa folie antisémite, qui dénote, chez Joseph, une grande violence et le goût du sang, il est plutôt réservé sur toutes les autres choses de la vie (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 172).
P. méton. Expression de la brutalité, d'un comportement brutal. L'art assyrien est d'une violence inouïe: ce ne sont que lions égorgés, combattant et mourant les muscles bandés, les crocs en bataille, les griffes ouvertes, têtes et mains coupées, flèches volantes, vautours sur les cadavres en lambeaux (Arts et litt., 1935, p. 64-18).
P. ext.
Force et rapidité. « (...)Si tu ne peux pas supporter la vérité, ne m'oblige pas à te la dire », dit Henri en repoussant sa chaise avec violence (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 262). Une portière ne doit pas être claquée avec violence pour fermer (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 361).
Manière forte, agressive, provocante d'exprimer, de traduire. Violence d'un style, du débat. Je regarde cela [des albums d'obscénités japonaises] en dehors de l'obscénité, qui y est et qui semble ne pas y être (...). La violence des lignes, l'imprévu de la conjonction, l'arrangement des accessoires (Goncourt, Journal, 1863, p. 1334).Ce que New-York a de suprêmement beau, de vraiment unique, c'est sa violence. Elle l'ennoblit, elle l'excuse, elle fait oublier sa vulgarité (...). La violence de la ville est dans son rythme (Morand, New-York, 1930, p. 275).
SYNT. Violence antisémite, aveugle, calculée, désespérée, insurrectionnelle, légale, populaire, prolétarienne, raciale, révolutionnaire, théorique; violence d'état; haine et violence; force et violence; l'injustice et la violence; emplis de la violence; exercer, supporter la violence; recourir à la violence.
B. − Intensité d'une conviction; puissance, force d'un sentiment, d'une pulsion. Synon. véhémence.Critiquer avec violence. L'idée de me trouver seul, sans appui, sans guide dans la vie me donnait des terreurs secrètes dont la violence serait difficile à exprimer (Delécluze, Journal, 1827, p. 466).Il s'était prononcé avec violence contre toute prolongation du service militaire (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 113).
Violence de.Caractère irréversible, insurmontable de. Violence de l'amour, du désir, de la douleur, du désespoir. Il connoît Malek Adhel, l'impétuosité de son courage et la violence de ses passions (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 173).Mon corps, à la fois objet pour autrui et sujet pour moi. La violence du plaisir sexuel ne suffirait pas à expliquer la place que tient la sexualité dans la vie humaine (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 195).
C. −
1. Force excessive, brusque et impétueuse. Synon. fougue.Violence extraordinaire, inaccoutumée, naturelle, soudaine; grande violence; être d'une violence extrême; redoubler de violence. La fumée sortait avec violence par les deux fenêtres au-dessus de l'écurie, et le toit était couvert d'une fumée noire qui tourbillonnait (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 68).L'île de Pantelleria (dont le nom semble inventé par Rabelais) est tombée hier soir après un bombardement d'une violence inouïe (Green, Journal, 1943, p. 45).
[À propos d'un élément naturel] Violence de la tempête, du vent. En janvier, les froids revinrent avec violence. Puis la neige couvrit la terre (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Prem. neige, 1883, p. 417).Il y en a une [une énergie du passé] (...) qui travaille encore avec une force à peine amortie, c'est l'érosion. Exaspérée par la violence du climat et le bas niveau de la vallée, elle s'exerce surtout sur le flanc que lui oppose le Massif central (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 272).
Violence de.Caractère puissant et brutal de. Violence du choc, du coup, de la crise. Scolastique recula, incertaine. Sous la violence des gifles, sa coiffe s'était déplacée (Queffélec, Recteur, 1944, p. 61).On redoutait la violence de l'explosion produite par l'acétylène (Tinard, Automob., 1951, p. 362).
2. Caractère d'une matière qui produit un effet puissant, rapide et brutal. Violence d'un poison. Elle passait pour une effrontée courtisane, offrant son amour à tout venant. Mais malheur à qui l'écoutait! la violence de son parfum endormait ses amants sur son cœur, et pas un ne se réveillait (Murger, Nuits hiver, 1861, p. 204).
Prononc. et Orth.: [vjɔlɑ ̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1215 [ms. xiiie-xives.] « par la force » (Recueil d'actes, Tailliar, p. 50); spéc. 1446 « viol » violences de pucelles (J. Meschinot, Les Lunettes des princes, éd. Chr. Martineau-Genieys, 1446); 2. a) 1314 « action d'une force non contenue » (Chirurgie de Henri de Mondeville, éd. Ch. Bos, § 714: que les fassies puissent estre ostees sans violence); b) 1559 « acte brutal » (Amyot, Pompée, 17 ds Littré); 3. a) 1538 faire violence à qqn « le contraindre à quelque chose en abusant de sa force » (Est., s.v. vis); 1637 se faire violance pour « se contenir » (N. Peiresc, Lettres, t. 4, p. 161); b) p. ext. 1624 (J. Du Lorens, Premieres Satires, p. 24: faire violences aux lois de la nature); 1625 (G. Naudé, Apologie pour grand hommes, p. 232: ne me semblent moins faire de violence à sa doctrine); 4. a) 1600 « force irrésistible et néfaste d'une chose » (Olivier de Serres, Théatre d'agriculture, p. 756); b) 1607 violence des vices (P. de Charron, De la Sagesse, Trois livres, p. 278); c) 1609 « expression naturelle de l'expression brutale des sentiments » (Berthelot, Satires, p. 325: avec violence, l'orateur blasme l'insolence du courtisan). Empr. au lat.violentia « caractère violent, emporté », « force violence », dér. de violentus, v. violent. Fréq. abs. littér.: 4 385. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 815, b) 4 731; xxes.: a) 7 237, b) 6 798. Bbg. Faye (J.-P.). Dict. pol. portatif en cinq mots. Paris, 1982, 274 p.

Wiktionnaire

Nom commun - français

violence \vjɔ.lɑ̃s\ féminin

  1. Impétuosité, force non contenue.
    • Se venger, les tuer ! La violence naturelle à son tempérament sanguin lui dicta les pires conseils. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Les rafales d’une violence inouïe, accès de colère de Wottan ou de Thor, tombent des hauteurs en sifflant et soulèvent des tourbillons d’embruns qui sillonnent la mer. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Bien qu’il eût perdu de sa première violence, le vent soufflait encore assez fort pour rendre très dangereux l’atterrissage […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 264 de l’édition de 1921)
    • Tout n’aura été que violence. Violence contre les médias. Violence contre ses adversaires politiques. Violence contre les Français. Violence entre les Français. Le meeting de Zemmour aura montré ce qu’il est: la haine, la division, le désordre et la violence — (Meeting d’Eric Zemmour : des militants antiracistes agressés par des participants, Le Monde avec AFP, 5 décembre 2021 → lire en ligne)
  2. (Absolument) Force dont on use contre le droit commun, contre les lois, contre la liberté publique.
  3. (En particulier) (Politique) Force que l’on use dans la contestation sociale ou dans la répression des conflits sociaux.
    • La violence prolétarienne change l’aspect de tous les conflits au cours desquels on l’observe ; car elle nie la force organisée par la bourgeoisie, et prétend supprimer l’État qui en forme le noyau central. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, page 23)
    • La fonction du philosophe consiste exclusivement dans la profanation des idées. Aucune violence n’égale par ses effets la violence théorique. Plus tard, l’action vient… — (Paul Nizan, La Conspiration, 1938, page 44)
  4. (Spécialement) Action physique ou psychologique accomplie pour obliger autrui à faire ou ne pas faire quelque chose, pour exprimer sa colère ou son désaccord, ou uniquement pour faire du mal.
    • Nous entendrons ici par violence l’ensemble des actes et des attitudes hostiles et agressifs entre individus, y compris l'usage de la contrainte et de la force pour obtenir quelque chose contre le gré d'autrui ou pour porter atteinte à son intégrité physique ou mentale. La violence est souvent utilisée par les humains et les animaux pour obtenir de la nourriture, pour se reproduire, pour se défendre, pour conquérir un territoire ou le protéger, pour affirmer son autorité ou son rang hiérarchique. On peut également nuire considérablement à autrui en le torturant mentalement et en lui rendant la vie insupportable sans pour autant avoir recours à la violence physique. — (Mathieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruisme, NiL, Paris, 2013, page 389)
    • Acte de justice –
      Suite au délit de violence
      psychologique et émotionnelle
      en parole,
      vous allez verser
      un dédommagement
      à votre

      assistant personnel virtuel.

      — (Cornéliu Tocan, Chutes microscopiques. 50 micronouvelles illustrées, Créatique, Québec, 2020, pages 15-16)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

VIOLENCE. n. f.
Impétuosité, force non contenue. La violence des vents, de la tempête. La violence du mal, de la douleur. La violence de son humeur, de son caractère. La violence des passions. La violence de ses paroles, de son discours. Vous savez quelle est sa violence. Il désigne absolument la Force dont on use contre le droit commun, contre les lois, contre la liberté publique. User de violence. Agir avec violence. Il a pris mes meubles, mes papiers et les a emportés par violence. Faire violence à quelqu'un. Fig., Faire violence à la loi, Y donner un sens forcé et contraire à son véritable esprit. On dit dans un sens analogue : Faire violence à un texte. Se faire violence, Faire des efforts sur soi-même pour se contenir, pour se contraindre, pour se vaincre. Il se faisait violence pour ne pas éclater. Fam., Faire une douce violence à quelqu'un, Le presser d'accepter une chose qui lui est agréable, mais qu'il refuse par politesse.

Littré (1872-1877)

VIOLENCE (vi-o-lan-s') s. f.
  • 1Qualité de ce qui agit avec force. Comme un enfant que sa mère arrache d'entre les bras des voleurs, doit aimer, dans la peine qu'il souffre, la violence amoureuse et légitime de celle qui procure sa liberté, Pascal, Pens. XXIV, 61 ter, éd. HAVET. Sa constance [de la reine d'Angleterre] par laquelle, n'ayant pu vaincre la violence de la destinée, elle en a si noblement soutenu l'effort, Bossuet, Reine d'Anglet. Ô mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie, Bossuet, Duch. d'Orl. Hé bien ! de leur amour tu vois la violence, Racine, Brit. II, 8. Ce mal dont vous craignez, dit-il, la violence, A souvent sans péril attaqué son enfance, Racine, ib. v, 5. Un style clair, noble, simple, éloigné de l'affectation, de la violence qui caractérise aujourd'hui l'esprit du siècle, Voltaire, Lett. Brenellerie, 7 mars 1777. La violence du feu dépend presque en entier de la rapidité du courant de l'air qui l'anime, Buffon, Hist. min. introd. Œuv. VI, p. 88. La violence des désirs du roi [Philippe V] faisait la force de la reine, Duclos, Œuv. t. VI, p. 113. La ville du Cap… est composée d'environ mille maisons, toutes bâties de briques, et, à cause de la violence des vents, couvertes de chaume, Raynal, Hist. phil. II, 18.
  • 2Emportement, irascibilité. Un peu de violence M'a fait de vos raisons combattre la puissance, Racine, Andr. II, 4. Je sais quelle est sa violence : Il est fier, implacable, aigri par son malheur, Voltaire, Oreste, I, 5. Il [Socrate] eut de la peine à réprimer la violence de son caractère, soit que ce défaut paraisse le plus difficile à corriger, soit qu'on se le pardonne plus aisément, Barthélemy, Anach. ch. 67.
  • 3Force dont on use contre quelqu'un, contre les lois, contre la liberté publique, etc. La violence est juste où la douceur est vaine, Corneille, Héracl. I, 1. Je vous l'ai dit ailleurs, et je vous le redis encore, la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre, Pascal, Prov. XVIII. Qui ne sait les violences que la reine de Navarre [Jeanne d'Albret] exerça sur les prêtres et les religieux ? Bossuet, Var. x, 52. Quelque haut qu'on puisse remonter pour rechercher dans les histoires les exemples des grandes mutations, on trouve que jusqu'ici elles sont causées ou par la mollesse ou par la violence des princes, Bossuet, Reine d'Anglet. Je vous dis de ne point repousser la violence par la violence ; mais, si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore la gauche, c'est-à-dire souffrez sans bruit, sans animosité, sans fiel, Bourdaloue, Exhort. sur le soufflet don. à J. C. t. I, p. 493. Des violences dans le pouvoir, qui enfantent d'autres violences dans le peuple, Voltaire, Lett. Bastide, 1758. Je puis, je le sais trop, user de violence, Voltaire, Orphel. III, 4.

    Fig. Et la nature souffre extrême violence, Lorsqu'il [le ciel] en fait [des femmes] d'humeur à garder le silence, Corneille, le Ment. I, 4. Les violences dont l'art y opprime [à Versailles] la pauvre nature, Sévigné, 15 juin 1676. Ainsi la vérité gémissait captive sous une telle contrainte, et souffrait violence en eux [les philosophes païens], Bossuet, Panég. de sainte Cather. 2. Dans toutes les occasions où la nature souffre violence, Boisguillebert, Factum de la France, XI.

    Faire violence à une femme, la prendre de force. Un livre classique de la Chine regarde comme un prodige de vertu de se trouver seul dans un appartement reculé avec une femme sans lui faire violence, Montesquieu, Esp. XVI, 8.

    Fig. Faire violence à la loi, à un texte, y donner un sens contraire à son véritable esprit. Il [Basnage] soutient que toutes les guerres des prétendus réformés sont justes ; et en même temps il fait violence à toutes les histoires, pour nous faire accroire que la religion n'y a point de part, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 15. Il me semble que par là il fait violence à bien des passages des anciens, Condillac, Conn. hum. II, 1.

  • 4 Terme de jurisprudence. Contrainte exercée sur une personne pour la forcer à s'obliger. Violence morale. Violence indirecte.
  • 5 Au plur. Actes, paroles de violence. Un amant dédaigné ne voit pas de bon œil Ceux qui du même objet ont un plus doux accueil, Et, pour peu qu'on le pousse, il court aux violences, Corneille, Suiv. II, 13. Finissons toutes ces violences, lui ai-je dit, Letourneur, Trad. de Cl. Harl. lett. 53.
  • 6 Terme de spiritualité. Ardeur incessante de la dévotion. Les maximes crucifiantes, la violence, l'humilité, le renoncement à soi-même, Massillon, Carême, Mot. de conv. Sa grâce [du Seigneur], comme son royaume, est le prix de la seule violence, Massillon, Carême, Prière 2.
  • 7Effort qu'on fait sur soi ; combat intérieur. L'amour que j'ai pour vous a commis cette offense, Lui seul à mon devoir fait cette violence, Corneille, Nicom. II, 2.

    Se faire violence, faire des efforts pour se vaincre. La violence qu'on se fait pour demeurer fidèle à ce qu'on aime, ne vaut guère mieux qu'une infidélité, La Rochefoucauld, Réfl. mor. n° 381. Je l'ai juré, ma fille, je vais finir [ma lettre] ; je me fais une violence pour vous quitter, Sévigné, 1er juill. 1671. C'est que la vraie sévérité, la sévérité chrétienne, doit consister à se faire violence, et à contredire la nature et l'amour-propre, Bourdaloue, Sévérité évang. 2e avent, p. 447. Combien s'est-il [Ulysse] fait de violence pour ne se point découvrir [à son fils] ! Fénelon, Tél. XXIV.

    Familièrement. Une douce violence, action d'insister pour que quelqu'un accepte, fasse quelque chose qu'il refuse d'accepter, de faire, et qui pourtant lui est agréable. C'est me faire une aimable et douce violence, Boissy, Deh. tromp. I, 6.

    Faites-vous une douce violence, se dit pour faire accepter à quelqu'un une chose qu'il refuse par façon.

HISTORIQUE

XIVe s. Que les fassies [bandes] puissent estre ostées sans violence, H. de Mondeville, f° 41, verso. Le quatrieme jour le desliay [un blessé], et estoit la medecine toute seiche, et ne la povoie avoir sans violence, Lanfranc, f° 14, verso.

XVe s. Tantost furent appareillées les nourrices qui devoient les enfans garder au temple par six jours, et la chevalerie qui le temple devoit garder, lesquels n'y firent violence [ne s'y refusèrent pas], Perceforest, t. I, f° 103.

XVIe s. Estant averty que ses soudards faisoient quelques violences par les chemins, Amyot, Pomp. 17. Par l'insolidité du fondement et violence des eaux, l'artifice se deserta dans quelque temps, De Serres, 756.

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Étymologie de « violence »

Du latin violentia (« force (du vent), ardeur (du soleil), rigueur (de l’hiver), violence (de caractère), fougue, emportement »), dérivé de violens (« violent »), lui-même de vis (« vigueur, force »).
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Lat. violentia, de violentus, violent.

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Phonétique du mot « violence »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
violence vjɔlɑ̃s

Fréquence d'apparition du mot « violence » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « violence »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « violence »

  • Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser les colonisateurs, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral.
    Aimé Césaire — Discours sur le colonialisme
  • Malheureusement, il y a des moments où la violence est la seule façon dont on puisse assurer la justice sociale.
    Thomas Stearns Eliot — Meurtre dans la cathédrale
  • Mes démarches impliquaient une certitude d’avenir que je n’avais pas mais, le temps pressant, je fis violence aux craintes superstitieuses qui, toute ma vie, m’avaient retenu de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
    Roger Martin — Patron de droit divin…
  • Les femmes sont fausses dans les pays où les hommes sont tyrans. Partout la violence produit la ruse.
    Henri Bernardin de Saint-Pierre — Paul et Virginie
  • La violence aux mains du peuple n’est pas la violence, mais la justice.
    Eva Peron
  • La violence a coutume d'engendrer la violence.
    Eschyle — Agamemnon, 764 (traduction R. Bailly)
  • C'est par la violence qu'on doit établir la liberté.
    Jean-Paul Marat — L'Ami du peuple, 1792
  • La violence n'est pas le but. La violence est le moyen.
    Georges Franju
  • Condamnée à dix ans de prison pour avoir tué son mari violent, elle avait finalement été graciée par François Hollande, au terme de longs mois de combat qui avaient mis en lumière le calvaire des femmes victimes de violences.
    Libération.fr — Violences sexuelles sur mineurs : le gouvernement va lancer une commission indépendante - Libération
  • Que se passe-t-il à Bordeaux ? Depuis plusieurs mois, les attaques au couteau, agressions et violences diverses se multiplient dans la capitale girondine, notamment dans le quartier des Chartrons et à proximité. Un phénomène qui semble s'aggraver depuis le déconfinement. "On est particulièrement préoccupés", s'inquiète le nouveau maire.
    France Bleu — Délinquance et violence à Bordeaux : "Nous avons pris le sujet à bras-le-corps" assure le maire Pierre Hurmic
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Traductions du mot « violence »

Langue Traduction
Anglais violence
Espagnol violencia
Italien violenza
Allemand gewalt
Chinois 暴力
Arabe عنف
Portugais violência
Russe насилие
Japonais 暴力
Basque indarkeria
Corse viulenza
Source : Google Translate API

Synonymes de « violence »

Source : synonymes de violence sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « violence »

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Violence

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