Aller à Canossa : définition et origine de l’expression
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Envisagez-vous d’aller à Canossa pour vos prochaines vacances ? Il convient d’admettre que cette ville d’Italie, nichée dans la province de Reggio d’Émilie, offre matière à captiver autant qu’à charmer, avec d’un côté, ses paysages champêtres typiquement italiens, et de l’autre, le majestueux château de Mathilde de Toscane, la « comtesse Mathilde ».
Néanmoins, au sens figuré, l’expression française « aller à Canossa » va bien au-delà de la simple planification d’un séjour touristique, et revêt une signification très différente. Cet article vise précisément à vous donner la définition et l’origine de l’expression « aller à Canossa », en détaillant son historique et ses usages à travers les siècles.
Définition de l’expression « aller à Canossa »
« Aller à Canossa » est une expression de la langue française appartenant au registre soutenu. Elle symbolise, au sens figuré, l’expérience d’une humiliation infligée par autrui ou par un concours de circonstances, impliquant souvent un acte de contrition, au cours duquel on admet ses erreurs et l’on demande pardon, d’une manière dégradante ou avilissante.
En résumé, quand on va à Canossa, on va demander pardon ou reconnaître ses fautes de façon humiliante.
Cette expression se décline en plusieurs variantes, comme « venir à Canossa » ou « prendre le chemin de Canossa », qui véhiculent la même image d’une repentance déshonorante. Par ailleurs, cette locution trouve ses équivalents dans d’autres langues, où elle conserve une forme et un sens similaires, parmi lesquelles :
- en allemand (einen Canossagang machen) ;
- en anglais (to go to Canossa) ;
- en italien (andare a Canossa) ;
- en espagnol (ir a Canossa) ;
- en polonais (iść do Canossy) ;
- en suédois (gå till Canossa).
Synonymes d’aller à Canossa :
- s’humilier en s’avouant vaincu
- se repentir
- céder devant quelqu’un
- se prosterner
- s’abaisser
- s’avouer vaincu
- s’humilier devant quelqu’un
Origine de l’expression « aller à Canossa »
La petite ville italienne de Canossa est entrée dans la chronique historique non par ses charmes pittoresques, mais par un événement qui s’y est déroulé en 1077 : la pénitence de l’empereur Henri IV devant le pape Grégoire VII. Cet acte marqua profondément l’imaginaire collectif, et donna naissance à l’expression « aller à Canossa » dans de nombreux dialectes.
Cet événement est à replacer dans le contexte du conflit des Investitures, qui opposa la papauté au pouvoir impérial germanique du XIe siècle. L’empereur, défié par l’autorité du pape, fut excommunié par ce dernier. Voyant son autorité remise en question, Henri IV dut alors venir implorer le pardon pontifical à Canossa, ville qui se trouvait sous l’égide d’une alliée de Grégoire VII, la comtesse Mathilde.
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Délaissant ses atours royaux pour une simple tunique de laine – une tenue de pénitent – il dut attendre trois jours devant la porte du château pour implorer la miséricorde. Cet acte marqua les esprits dans tout l’Empire, symbolisant un extrême abaissement de la dignité impériale, et donnant à « la pénitence de Canossa » sa résonance historique et symbolique.
Si l’épisode resta célèbre, la formule « aller à Canossa », en tant que telle, ne fut consacrée qu’à partir de la fin du XIXe siècle, lorsque des tensions éclatèrent entre le chancelier allemand Bismarck et le Vatican — un nouvel épisode de crispation pour les pouvoirs politique et religieux, qui ne fut pas sans rappeler le conflit des Investitures.
Au terme d’un discours entré dans la postérité, qu’il prononça en 1872 devant le Reichstag, Bismarck utilisa l’expression « Nous n’irons pas à Canossa » pour affirmer fermement son refus d’abdiquer devant l’autorité ecclésiastique.
Cette déclaration donna naissance, en allemand et dans d’autres langues européennes, à l’usage courant de la formule « aller à Canossa » comme synonyme de subjugation publique et d’humiliation, et en tant que métaphore de la répugnance à plier l’échine et à s’excuser de manière indigne.
On voit ainsi l’usage de l’expression « aller à Canossa » s’étendre à partir de la fin du XIXe siècle :
Exemples de l’usage de l’expression « aller à Canossa »
Ce n’était donc pas à un parti ou à des idées abstraites qu’il entendait rester fidèle, mais à lui-même, au jeune homme plein d’idéal et d’enthousiasme qu’il avait été. Il s’était juré de ne jamais aller à Canossa et jusqu’au bout, de lutter pour échapper à la servitude.
Yvonne Escoula, L’Apatride
Mais la situation n’est pas encore mûre pour aller à Canossa ; l’affaire et la personne du stagiaire sortent du cercle d’intérêt de M. Cabirol, son attention se détourne vers d’autres objets au premier plan de l’actualité. Les communautés ont besoin de martyrs, mais aussi de guides (…)
Ladislas Dormandi, Pas si fou
Malgré toute la rime de mes raisons, si je ne puis faire ma soumission, je ne puis aller à Canossa, geignit le Raisin du très-fond de la fable-fond de sa faible espérance. Je le ferai cependant si tu le dis.
James Joyce, Finnegans Wake
Un prof de droit, un jour, nous a fait un cours sur « aller à Canossa ». En gros, ça veut dire se coucher, baisser la culotte. Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec Colmar ?
Didier Daeninckx, Mort au premier tour