Point d’orgue : définition et origine de l’expression
Sommaire
Le terme « point d’orgue » est fréquemment employé dans la langue française, pour désigner un moment culminant, le paroxysme d’une situation ou d’un événement. La formule fait désormais partie de notre langage courant, et nous l’utilisons sans interrogation particulière sur son sens ou son étymologie.
Toutefois, saviez-vous que sa genèse et sa signification première renvoyaient au champ lexical de la musique classique, apportant une richesse sémantique particulière à cette locution ? Dans cet article, nous explorons la définition, l’origine, et l’utilisation littéraire de l’expression « point d’orgue », pour mieux comprendre les multiples facettes de cette formule.
Définition de l’expression « point d’orgue »
Au sens figuré, un « point d’orgue » se réfère au moment le plus intense, le plus marquant d’une série d’événements ou d’une action. En d’autres termes, c’est l’apogée, le sommet d’une situation, qui se distingue nettement par son ampleur ou son importance.
Cette expression peut aussi suggérer une conclusion, un aboutissement, une culmination où les tensions, les émotions ou les enjeux atteignent leur acmé.
On emploie parfois le groupe verbal « mettre un point d’orgue » : cela sous-entend alors que quelqu’un ou quelque chose prend une décision, ou commet un acte ayant valeur de tournant majeur, ou de point final à une situation donnée.
Enfin, notons qu’au pluriel, l’expression s’écrit « des points d’orgue » : le mot « orgue » conserve la forme du singulier. Pour vous en souvenir, retenez qu’il y a plusieurs points, tous joués sur un seul orgue.
Origine de l’expression « point d’orgue »
Les amateurs de solfège ne sont pas sans le savoir : le terme « point d’orgue » puise ses racines dans le domaine musical où, initialement, il désigne un signe placé au-dessus d’une note, pour indiquer que celle-ci doit s’accompagner d’un temps de silence.
La précision « d’orgue » émane de l’usage spécifique de cet effet dans la musique pour orgue, où la note doit être tenue pendant ce temps de « silence », créant ainsi un moment de suspension marquant.
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Le glissement sémantique vers le sens figuré provient sans doute de l’Italie, où le point d’orgue était parfois nommé « cadenza » — une sorte de virgule harmonique, destinée à amorcer une transition vers une autre partie du morceau, ou à le conclure. Cette « cadence » était souvent qualifiée de « moment cruel ».
En effet, cette « pause » dans la partition donnait au musicien la liberté de faire preuve de virtuosité, et donc de laisser exprimer son génie, s’il en était pourvu, ou sa faute de goût, si le talent manquait. La « cadenza » s’apparentait alors à une situation de « quitte ou double », appelée à confirmer ou infirmer l’esprit musical du compositeur. C’est ainsi que le « point d’orgue » est devenu une métaphore d’un apogée significatif, aux enjeux dramatiques ou déterminants.
Notons toutefois que les Italiens n’emploient pas eux-mêmes l’expression en ce sens, préférant la formule « il momento clou » (« le moment culminant ») pour exprimer la même idée. En revanche, on retrouve le mot « orgelpunt » en néerlandais, où il se traduit également par « point d’orgue », aux sens propre et figuré.
Exemples de l’usage de l’expression « point d’orgue »
Au milieu de ce point d’orgue qui, dans la grande symphonie du tapage parisien, se rencontre vers une heure du matin, la femme de monsieur César Birotteau, marchand parfumeur établi près de la place Vendôme, fut réveillée en sursaut par un épouvantable rêve.
Honoré de Balzac, César Birotteau
Les symphonies de la nature ne connaissent pas de point d’orgue. Le monde n’est jamais silencieux ; son mutisme même répète éternellement les mêmes notes, selon les vibrations qui nous échappent.
Albert Camus, L’Homme révolté
« On arrive », dit le grand brun. Point d’orgue. Avec le revolver dans les reins, le Commandant von Lüttwitz-Randau descend.
Louis Aragon, Le mentir-vrai
C’est fini. Voici le point d’orgue et la double barre. Les dernières vibrations s’élancent, gagnent le large.
Georges Duhamel, Chronique des Pasquier
(…) ni les condors des Andes qui s’inscrivent comme des coulées de notes noires, rien que des doubles, des quadruples croches, presto, prestissimo, entre les portées parallèles des Cordillères, dont les volcans enneigés sont les blanches en arpège ou les accords d’accompagnement, la basse chiffrée, le point d’orgue (…)
Blaise Cendrars, Le lotissement du ciel
Autrefois les grandes dames aimaient avec affiches, journal à la main et annonces ; aujourd’hui la femme comme il faut à sa petite passion réglée comme du papier à musique, avec ses croches, ses noires, ses blanches, ses soupirs, ses points d’orgue, ses dièzes à la clef.
Honoré de Balzac, Autre étude de femme