« Prodige » ou « prodigue » ?
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Je te prodigue l'avis de l'enfant prodige.
Il y a des expressions françaises qui sont entrées dans l'usage courant de la langue. Cependant, la proximité de prononciation de différents mots crée souvent quelques confusions. C'est le cas de l'expression « enfant prodige » ou « enfant prodigue ». Quelle est la bonne forme ? On vous explique tout dans cet article.
On écrit « prodige » ou « prodigue » ?
« Prodige » et « prodigue » n'ont pas le même sens. Attention à ne pas les confondre !
On écrit « prodige » : selon notre dictionnaire, « prodige » sans -u (p R O d i Z @) vient du latin prodigium (« événement prodigieux, chose merveilleuse »). Ce substantif masculin désigne ainsi un « phénomène extraordinaire auquel on attribue une cause surnaturelle ». Depuis le XVIIe siècle, par extension, le mot « prodige » qualifie également la « personne qui, par ses talents, ses qualités (ou ses défauts) est un individu hors pair ». De là est née la locution « enfant prodige », c'est-à-dire l'enfant qui est très doué, ou précoce. La juxtaposition de « enfant », dont la jeunesse est souvent synonyme d'apprentissage et de naïveté, et de « prodige » fait d'autant plus ressortir le caractère exceptionnel de cet enfant.
Exemples :
Dire que j’espérais, autant du moins que je puis espérer, un grand succès de l’ouvrage, cela va sans dire : nous autres auteurs, petits prodiges d’une ère prodigieuse, nous avons la prétention d’entretenir des intelligences avec les races futures.
Chateaubriand, Mémoires
Elle a près de douze ans; c’est un petit prodige : elle aura je ne sais combien de prix.
Jouy, Hermite, 1811
[...] les Laplace, les Lagrange, les Monge, les Chaptal, les Berthollet, tous ces prodiges, jadis fiers démocrates, devinrent les plus obséquieux serviteurs de Napoléon.
Chateaubriand, Mémoires
Cet enfant prodige qui attirait à son clavecin les gens de France et d’Allemagne.
Adam, Enf. Aust., 1902
Malgré la répugnance de Raymond Radiguet pour toute chose d’ordre monstrueux et pour les enfants prodiges — à quinze ans il s’en prêtait dix-neuf — il convient de rappeler que ses poèmes furent écrits entre quatorze et dix-sept ans.
Le Bal du comte d’Orgel, Préface, Jean Cocteau, 1924
On écrit « prodigue » : « prodigue » avec un -u (p R O d i g @) vient du latin prodigus (« qui gaspille ; qui produit en abondance »), dérivé de prodigere (« pousser devant soi ; dépenser avec profusion »). C'est un adjectif qui signifie « qui dépense à l’excès, sans compter, qui dilapide son patrimoine ». Il dérive du verbe « prodiguer ».
L'expression « enfant prodigue » ou « fils prodigue » est à chercher dans la parabole de l’Évangile (Luc, XV, 11-32) qui relate l'histoire d'un fils qui demande à son père sa part d'héritage. Il dilapide ensuite « sa fortune en menant une vie de désordre ». Condamné à la pauvreté, il décide de se repentir et de retourner chez son père pour le servir. Son père, de manière surprenante, « courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers », si heureux de le voir revenir, malgré ses fautes. Ainsi, l'enfant prodigue désigne aujourd'hui l'enfant qui a quitté le foyer familial et qui est accueilli à bras ouverts à son retour.
Exemples :
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La Descoings, qui voulait faire un jour de fête du retour de l'enfant qu'elle nommait prodigue, mais tout bas, avait préparé le meilleur dîner possible.
Balzac, La Rabouilleuse, 1842
Parcimonieuse et même avare, elle se montrait pour lui follement prodigue.
Anatole France, Pt Pierre, 1918
Les volumes de Massillon qui contenaient les sermons de la Pécheresse et de l’Enfant prodigue ne me quittaient plus.
Chateaubriand, Mémoires
À l'ordinaire, elle était prodigue de son temps mais dès qu'on lui demandait un peu de patience, elle s'empressait de démontrer qu'aucun de ses instants ne devait être gaspillé.
Simone de Beauvoir, Les Mandarins, 1954
« Enfant prodige » ou « enfant prodigue » : lequel est le plus populaire dans les écrits ?
Vous l'avez compris, on peut utiliser les deux formes sans faire de faute d'orthographe, mais leur sens est tout à fait différent ! L'analyse des récurrences des deux formes montre toutefois une plus grande popularité de « enfant prodigue » dans les écrits publiés ces deux derniers siècles :
Vous pouvez désormais sans crainte vous réjouir du retour de votre fils (ou fille) prodige (si votre enfant est prodigieusement génial) ou de « l'enfant prodigue » s'il vient de dilapider votre fortune dans d'obscures activités... Dans tous les cas, vous pouvez lui partager cet article, peut-être sera-t-il un peu plus prodigieux après l'avoir lu !
Petite question
Quelle forme vous semble la plus correcte et pourquoi :
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Les deux formes ne seraient-elles pas envisageables, selon le contexte?
Merci de votre attention.