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Obliger

Définitions de « obliger »

Trésor de la Langue Française informatisé

OBLIGER, verbe trans.

A. −
1. [Correspond à obligation B, obligatoire C; le suj. est un inanimé] Contraindre (quelqu'un) à, (le) mettre dans la nécessité de.
a) Obliger (qqn) à
α) Obliger (qqn) à + verbe.C'est une nécessité toute semblable qui nous oblige à scinder la linguistique en deux parties ayant chacune son principe propre (Saussure, Ling. gén., 1916, p.115).La stabilité de la direction et la tenue de route de la voiture ont obligé les ingénieurs à définir la position des roues avant de (...) manière rigoureuse (Chapelain, Techn. automob., 1956, p.234).La configuration du pays, son étendue et sa massiveté obligèrent, avec le plus d'évidence, à donner à la route terrestre la supériorité sur la route fluviale (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.152).
Au part. passé. V. obligation A 4, ex. du Code civil.
β) Obliger (qqn) à + subst.Les manipulations que le germe subit en pépinière, où il est d'abord enfoui et puis repiqué avant d'être transplanté en station, le fatiguent, en l'obligeant à une triple reprise, à un triple départ (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.29).Les situations concurrentielles obligent la plupart du temps le chef d'entreprise à une certaine discrétion (Univ. écon. et soc., 1960, p.22-8).
Au part. passé. Elle profite de ce qu'il est temporairement obligé à de longues absences pour se mal conduire (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.103).
b) Obliger (qqn) de + verbe
α) Vieilli ou littér. La dette américaine, dont le ministre du Congrès demandait chaque année l'acquittement, m'obligea d'étudier le travail de mes prédécesseurs (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.205).Ce fut à Paris, après que des intrigues de théâtre l'eurent obligé de quitter Riga en 1839 que Wagner put achever Rienzi (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p.137):
1. Voilà l'idiot que j'étais et que je fusse demeuré peut-être sans l'hémoptysie qui terrifia ma mère et qui, deux mois avant le concours de normale, m'obligea de tout abandonner. Mauriac, Noeud vip., 1932, p.27.
β) Au part. passé. À Oran comme ailleurs, faute de temps et de réflexion, on est bien obligé de s'aimer sans le savoir (Camus, Peste, 1947, p.1218).
2. [Correspond à obligation A, obligatoire A] Assujettir, lier (quelqu'un) par une prescription juridique, administrative (loi, contrat, acte donnant recours en justice). Je ne veux défendre le concordat et rester fidèle à cette politique, que tout autant que le concordat sera interprété comme un contrat bilatéral qui vous oblige et vous tient, comme il m'oblige et comme il me tient! (Gambettads Doc. hist. contemp., 1877, p.43).Le concordat passé entre le souverain pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre que les états concluent entre eux, était un contrat bilatéral qui obligeait les deux côtés (Pie Xds Recueils textes hist., 1906, p.99).
Au part. passé. Les Banques sont obligées: De signaler (...) les ouvertures et les fermetures de comptes (...). De déclarer, en cas de décès d'un client, (...) le solde du compte à la date du décès (Banque1963).
Emploi pronom. réfl. S'obliger par-devant notaire (Ac.).
Emploi abs. Les lois de majorité sont lois de l'état: sans cela, elles n'obligeraient pas (Proudhon, Créat. ordre, 1843, p.45).
3. [Correspond à obligation B, obligatoire B] Lier (quelqu'un) par une prescription morale ou sociale. Comme il [l'homme] est libre, la raison ne le contraint pas, mais elle l'oblige (Cousin, Kant, 1857, p.343).Il n'aimait pas qu'on lui rendît service, parce cela l'obligeait à retourner la politesse, ce qui posait des problèmes qui le mettaient à la torture (Montherl., Célibataires, 1934, p.803).La conscience nous oblige à... (Foulq.-St-Jean1962).
Emploi pronom. réfl. Elle s'obligeait à un effort quotidien pour détourner Jean de ses projets de voyage (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p.180).Plus que tout autre orateur, il [l'avocat] s'oblige à la bienséance (Wicart, Orateur, t.2, 1936, p.307):
2. Alors, elle se taisait, elle s'obligeait à ne plus écrire, dans quelque temps. Christophe ne comprenait pas les raisons de ces silences. Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1551.
Au part. passé
Se croire obligé de. Il se croit toujours obligé de m'attaquer; je suis forcé de lui répondre, ça ennuie tout le monde et moi le premier (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.212).
Rare, vieilli. Se croire obligé à. Coffe, en sachant résister à Leuwen, s'était fait aimer et, par reconnaissance, se croyait obligé à lui répondre (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1836, p.195).Je l'environnerai, elle, de tant de soins et d'amour, qu'elle se croira obligée à faire mon bonheur et à assurer un protecteur à son fils (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.498).
Loc. proverbiale. Noblesse* oblige.
P. anal. et p. plaisant. On n'a pas eu impunément quelques ancêtres [corbeaux] à Montfaucon, noblesse de gibet oblige (Lorrain, Contes chandelle, 1897, p.33):
3. Il incline à la philanthropie. Il fonde des dispensaires. Des crèches. Noblesse obligeait. Bourgeoisie oblige. Il doit faire ce qu'il peut pour les hommes placés au-dessous de lui... Nizan, Chiens garde, 1932, p.95.
[Constr. sur le même modèle] Discrétion, fonction oblige. Et pour vous y conduire, nous vous offrons le sérieux et la gentillesse qui ont fait notre réputation. Tradition hollandaise oblige (Le Monde, 9 déc. 1977, p.5).
Rem. 1. Obliger un apprenti (vx). Engager un apprenti chez un maître, pour lui faire apprendre pendant un certain temps le métier de ce maître (d'apr. Ac. 1798-1878). 2. À l'actif on emploie de préférence obliger à + inf., obliger de + inf. étant plus usuel au passif.
B. − Littér., vieilli. [Correspond à obligation C] Obliger qqn.Rendre service à quelqu'un, lui être utile ou agréable, avoir droit à sa reconnaissance. Je lui demandai (...) quel sentiment l'avait poussé à me faire payer de si énormes intérêts, et par quelle raison, voulant m'obliger, moi son ami, il ne s'était pas permis un bienfait complet (Balzac, Gobseck, 1830, p.420).J'ai cédé, avec le désir de vous obliger personnellement, et pressé également par le consentement de M. Ch. Blanc, votre ami (Delacroix, Journal, 1849, p.252).Si vous pouviez me montrer ça tout de suite [ce que vous emporterez], ça m'obligerait (Maupass., Une Vie, 1883, p.23).
+ compl. prép. de.Monsieur le Chevalier de Saint Louis, obligez-moi de déguster ce vin; ça ne coûte rien (Fongeray, Soir. Neuilly, t.1, 1827, p.165).Puis, pour tout dire, le comte est généreux. Si vous l'obligez de ça, dit le valet en montrant l'ongle d'un de ses doigts, il vous le rend grand comme ça, reprit-il en allongeant le bras (Balzac, Début vie, 1842, p.317).
[Pour assurer qqn à l'avance qu'on lui sera reconnaissant d'un bienfait] En me rendant ce service vous n'obligerez pas un ingrat (Ac.1838-1935).
[Dans des formules de politesse] Vous m'obligerez extrêmement, infiniment (Ac.). À Georges Sand. Paris, mi-février 1872. Chère bon maître, Pouvez-vous, pour le Temps, écrire un article sur Dernières chansons? Cela m'obligerait beaucoup. Voilà (Flaub., Corresp., 1872, p.350).
Prononc. et Orth.: [ɔbliʒe], (il) oblige [ɔbli:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1243 pronom. et trans. dr. «(s')engager, (se) donner comme caution» (Chartes et doc. poit. du XIIIes. en lang. vulg., éd. M. S. La Du, t.2, p.309: en avom obligé nos e totes les noz chou[s]es moubles et non moubles); 1459 part. passé subst. le principal obligé (Coutumes de Bourgogne, chap.V ds Nouv. Coutumier gén., t.2, p.1174); 1468 part. passé subst. obligé «personne liée par une obligation juridique» (Ordonnances des Rois de France, t.17, p.143: tels debteurs et obligez); 1690 obligé «acte passé entre un apprenti et un patron» (Fur.); 2. ca 1245 part. passé adj. ablégie «fortement liée, constante» (Philippe Mousket, Chron., éd. de Reiffenberg, 4976); ca 1265 obligier «lier par une obligation morale» (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, III, 78, p.398); 1260-1311 pronom. «s'engager» (Auberon, éd. J. Subrenat, 1543: A vous servir voel mon cors obligier); 3. a) ca 1485 «contraindre, forcer» (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 3670: Tous obligez sont a cecy [à mourir]); 1530 (Palsgr., p.424a: je suis obligé de le faire); 1540 (N.de Herberay des Essars, Le Premier Livre de Amadis de Gaule, éd. H.Vaganay, t.1, p.87: la raison vous oblige à dire ce que vous dictes); b)1703 mus. (Brossard, Dict. de mus., s.v. obligato: a deux violons obligez [...] Basson obligé); 1705 (ibid., s.v. fugue: fugue [...] obligée); 1757 récitatif obligé (Diderot, Entretiens sur le Fils naturel, p.165); 1768 partie obligée (Rousseau); c) 1797 part. passé adj. «imposé par l'usage, les circonstances; nécessaire, inévitable» (Chateaubr., Essai Révol., t.2, p.402: décrire [...] leur courbe obligée); 1825 en parlant de qqn (Brillat-Sav., Physiol. goût, p.390: l'intermédiaire obligé). II.a)1370-72 passif «être lié (à quelqu'un) par un lien de reconnaissance» (Oresme, Éthiques, éd. A. D. Menut, p.460: il est plus tenu et plus obligié a son bienfaicteur); 1540 part. passé adj. et subst. «(personne) redevable à quelqu'un d'un service, d'un bienfait» (N.de Herberay des Essars, op. cit., t.1, p.7 et p.66); b)av. 1378 part. prés. adj. obligant «empreint de reconnaissance» (Jehan d'Arkel [et non Jehan Le Bel], Li ars d'amour, éd. J. Petit, t.1, p.389: paroles humles et obligans); 1601 obligeant «qui a le caractère de l'obligeance» (Charron, Sagesse, l. III, chap.XI, p.616 ds Gdf.: bienfaicts [...)] plus ou moins obligeans); 1636 en parlant de qqn «qui aime à rendre service, à faire plaisir» (Monet); 1828-29 part. prés. subst. «personne qui aime à rendre service» (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t.1, p.105: le métier d'obligeant). Empr. au lat. obligare «attacher à, contre; fig.: lier, engager, obliger (par un contrat; un voeu; un bienfait, un service)», dér. de ligare «attacher, lier» au moyen du préf. ob- «devant; à cause de, pour; en échange de». Fréq. abs. littér.: 2799. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)4195, b)2516; xxes.: a) 3343, b) 4964.

Wiktionnaire

Verbe - français

obliger \ɔ.bli.ʒe\ ou \o.bli.ʒe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Mettre quelqu’un dans l’obligation de faire ou de dire quelque chose.
    • Les défenseurs, après avoir perdu les faubourgs, manquant d’eau, furent obligés de capituler. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888)
    • – Je suis citoyen britannique ! – continua Bert, obstiné. – Vous n’êtes pas obligés d’écouter, mais rien ne me force à me taire. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 352 de l’édition de 1921)
    • J'écoute encore un peu, politesse et hiérarchie obligent, je m'ennuie, je grognasse quelques onomatopées, je raccroche. — (Lucien Bodard, La chasse à l'ours, Éditions Grasset & Fasquelle, 1985)
    • Mis au point dans les années 1980, le montage virtuel est non linéaire et permet de placer n’importe quel plan dans n’importe quel ordre sans que le monteur soit obligé de revoir chronologiquement toutes les séquences montées. — (André Roy, Dictionnaire général du cinéma: du cinématographe à Internet, Éditions Fides, 2007, page 303)
  2. (Droit) Lier quelqu’un par un contrat, par une promesse, contraindre à exécuter la chose à laquelle on s’est engagé.
    • Son contrat l’oblige à cela.
    • Faire obliger le mari et la femme.
    • Il y a dans le bail une clause qui l’y oblige.
    • S’obliger solidairement.
    • Prêtez-moi cette somme, je m’oblige à vous la rendre dans deux jours.
  3. (Économie) Hypothéquer ou cautionner.
    • Il a obligé tous ses biens.
    • S’obliger pour quelqu’un, lui servir de caution, répondre des pertes ou des dommages qui peuvent arriver par sa faute, des engagements qu’il ne remplirait pas.
  4. Contraindre, forcer ou mettre dans la nécessité de faire quelque chose.
    • Or, nous devons tout essayer pour maintenir peuplés ces plateaux de sol ingrat et non chercher à éloigner la population, l'obligeant à vivre dans des usines malsaines, […]. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • C’est les Jésuites qui ont fait assassiner Henri IV ; c’est encore eux qui ont fait révoquer l’Édit de Nantes, à la suite de quoi tous les protestants ont été obligés de quitter la France; […]. — (Émile Thirion, La Politique au village, p. 120, Fischbacher, 1896)
    • Pour dormir ils étaient obligés de se hisser sur les racines de mangliers qui abondaient dans cette région. — (Washington Irving, Voyages et découvertes des compagnons de Colomb, Paris : librairie Hachette & Cie, 3e éd., 1893, chapitre 10)
    • Le 8 février, il combat contre un triplace, armé de trois mitrailleuses, et l’oblige à descendre dans nos lignes. — (Un héros de la France : Guynemer, Paris : éd. Jean Cussac, anonyme, s.d (1918), non paginé)
  5. Attacher quelqu’un par un service, faire plaisir.
    • Il était généreux ; il ne craignait point d'obliger des ingrats, suivant ce grand précepte de Zoroastre : "Quand tu manges, donne à manger aux chiens, dussent-ils te mordre." — (Voltaire, Zadig ou la Destinée, I. Le borgne, 1748)
    • — Vous m’avez obligé, répondit-il en me donnant une poignée de main, aujourd’hui je vous oblige, chacun son tour. — (Hector Malot, Sans famille, 1878)
    • Vous pouvez donc entrer dans ce petit cabinet comme dans toutes les autres chambres de ce logis ; mais, si vous m’en croyez, vous n’en ferez rien, pour m’obliger et en considération des idées douloureuses que j’y attache et des mauvais présages que ces idées font naître malgré moi dans mon esprit. — (Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux, 1909)
    • Comme le sens critique qu’il croyait exercer sur tout lui faisait complètement défaut, le raffinement de politesse qui consiste à affirmer à quelqu’un qu’on oblige, sans souhaiter d’en être cru, que c’est à lui qu’on a obligation, était peine perdue avec lui, il prenait tout au pied de la lettre. — (Marcel Proust, Un amour de Swann, 1913, réédition Le Livre de Poche, page 21)
    • Il m’a obligé quand j’étais dans le malheur.
    • Vous m’obligerez extrêmement, infiniment.
    • Il oblige tout le monde.
    • Il m’a obligé de son crédit, de sa bourse.
    • Vous m’obligerez beaucoup d’aller lui parler pour moi.
    • En me rendant ce service vous n’obligerez pas un ingrat.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

OBLIGER. v. tr.
Mettre quelqu'un dans l'obligation de faire ou de dire quelque chose. La loi naturelle, la loi divine nous oblige à honorer père et mère. L'équité nous oblige à restituer ce qui ne nous appartient pas. Obliger à restitution. La vérité m'oblige à vous dire que... Prov., Noblesse oblige. Voyez NOBLESSE.

OBLIGER signifie encore, en termes de Jurisprudence, Lier quelqu'un par un acte, en vertu duquel on puisse l'appeler en justice, s'il n'exécute pas la chose à laquelle il s'est engagé. Son contrat l'oblige à cela. Faire obliger le mari et la femme. Il est obligé par le contrat de faire telle chose. Il y a dans le bail une clause qui l'y oblige. S'obliger solidairement. S'obliger par-devant notaire. Il se dit aussi en parlant des Biens. Il a obligé tous ses biens. S'obliger pour quelqu'un, Lui servir de caution, répondre des pertes ou des dommages qui peuvent arriver par sa faute, des engagements qu'il ne remplirait pas. Substantivement, Le principal obligé, Le principal débiteur, pour le distinguer de la caution.

S'OBLIGER signifie encore Se lier par une simple promesse. Prêtez-moi cette somme, je m'oblige à vous la rendre dans deux jours.

OBLIGER signifie aussi Contraindre, forcer, mettre dans la nécessité de faire quelque chose. Son impertinence m'a obligé à le chasser de chez moi. Quelle raison vous oblige à faire ce que vous faites? Cela m'oblige à une grande surveillance. Après un mois de siège, cette place fut obligée de se rendre. La nécessité de le payer m'a obligé à vendre ma maison. La crainte l'oblige à se taire. Je suis obligé de sortir, de vous quitter. Vous m'obligerez à me fâcher. Je serai obligé de vous punir. Il signifie encore Attacher quelqu'un par un service, rendre un bon office, faire plaisir. Il m'a obligé quand j'étais malheureux. Vous m'obligerez extrêmement, infiniment. Il oblige tout le monde. Il m'a obligé de son crédit, de sa bourse. Vous m'obligerez beaucoup d'aller lui parler pour moi. En me rendant ce service vous n'obligerez pas un ingrat. Je vous suis fort obligé de votre attention, de la peine que vous avez prise, Je vous suis fort redevable, je vous sais beaucoup de gré. On dit souvent, par forme de remerciement, Je vous suis bien obligé, ou familièrement, par ellipse, Bien obligé. Substantivement, Je suis votre obligé, votre obligée, se dit à Quelqu'un dont on a reçu un service.

OBLIGÉ, pris adjectivement, signifie Qui est d'usage, dont on ne peut guère se dispenser. C'est le compliment obligé. La formule obligée d'une lettre, d'une pétition.

Littré (1872-1877)

OBLIGER (o-bli-jé. Le g prend un e devant a et o : j'obligeais, obligeons) v. a.
  • 1Imposer comme chose dont on ne peut se dégager. …Garde que ce convoi, Quand je vais chez les dieux, ne t'oblige à des larmes, La Fontaine, Fabl. VIII, 14. Je crois que la charité oblige tout le monde à croire un prêtre et un docteur qui rend raison de ce qui est caché dans son esprit et qui n'est connu que de Dieu, Pascal, Lett. de Nicole au P. Annat. Les confesseurs n'auront plus le pouvoir de se rendre juges de la disposition de leurs pénitents, puisqu'ils sont obligés de les en croire sur leur parole, Pascal, Prov. X. Il assure que Vasquez n'oblige point les riches de donner ce qui est nécessaire à leur condition, Pascal, Réfut. de la réponse à la 12e lett. Si ces honneurs ont quelque chose de solide, c'est qu'ils obligent de donner au monde un grand exemple, Bossuet, la Vallière. La condition des princesses les oblige à se prêter quelquefois au monde, Fléchier, Dauphine. Ils prétendaient obliger le jeune César, qui ne leur était pas moins suspect, de licencier ses légions, Vertot, Rév. rom. XIV, 336. Les riches qu'elle [la foi] obligeait à la pauvreté et au dépouillement, Massillon, Carême, Vérité de la relig. La même loi qui nous oblige de croire de cœur, nous ordonne de confesser de bouche, Massillon, Carême, Culte. Les cœurs que son devoir l'oblige d'éclairer, Voltaire, Irène, V, 1.

    Absolument. Il faut subir la loi de qui peut obliger, Corneille, Toison d'or, IV, 4.

  • 2Porter à, exciter à, engager à. L'envie de parvenir l'a obligé d'étudier. Cela est trop peu de chose pour vous obliger à quelque ressentiment [reconnaissance], Voiture, Lett. 4. À quelques sentiments que son orgueil m'oblige, Corneille, Cid, II, 8. Et si je vous oblige à quelque repartie, Corneille, Sertor. V, 6. Mais enfin, je l'ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je ; Et ne vois rien qui vous oblige D'en douter un moment après ce que je dis, La Fontaine, Fabl. IX, 1. La pitié qu'elle a faite [Mme de Monaco morte d'une maladie cruelle] n'a jamais pu obliger personne de faire son éloge, Sévigné, 20 juin 1678. Vous savez qu'une dame de vos amies vous obligea généreusement de le brûler [le portrait satirique de Mme de Sévigné], Sévigné, à Bussy, 26 juill. 1668. Demandez à Juvénal ce qui l'oblige de prendre la plume, c'est qu'il est las d'entendre et la Théséide de Codrus et…, Boileau, Disc. sur la satire.
  • 3Contraindre, forcer. La nécessité nous oblige à bien faire, Vaugelas, dans BOUHOURS, Nouv. rem. Ces pertes obligèrent Alexandre de séparer ses troupes, Vaugelas, ib. Dieu nous a caché le moment de notre mort pour nous obliger d'avoir attention à tous les moments de notre vie, La Rochefoucauld, Pensées, Mort, 8. L'esprit dit à ses hôtes : On m'oblige de vous quitter, La Fontaine, Fabl. VII, 6. Pour tuer une puce, il voulait obliger Les dieux à lui prêter leur foudre et leur massue, La Fontaine, ib. VIII, 5. Que ces castors ne soient qu'un corps vide d'esprit, Jamais on ne pourra m'obliger à le croire, La Fontaine, ib. X, 1. Et j'avais lieu d'attendre… Que du choix de Lélie où l'on veut m'obliger, Ton adresse et tes soins sauraient me dégager, Molière, l'Ét. I, 10. …le bon père, qui souffre toujours mes visites, et dont je souffre toujours les discours, quoique avec bien de la peine ; mais je suis obligé à me contraindre ; car il ne les continuerait pas, s'il s'apercevait que j'en fusse si choqué, Pascal, Prov. VIII.
  • 4Lier par un devoir, mettre dans une certaine dépendance morale… Qu'il [Quintius] faisait toutes choses de lui-même, et déjà cherchait de s'obliger Philippe en particulier, Malherbe, Tite Live, liv. XXXIII. Envers un ennemi qui peut nous obliger ? Corneille, Hor. I, 3. Mes plus ardents respects n'ont pu vous obliger ; Vous avez voulu rompre ; il n'y faut plus penser, Molière, le Dép. IV, 3.
  • 5Lier, engager par un acte qui donne recours en justice, si la chose convenue n'est pas exécutée. Il est obligé en son contrat à faire telle chose. Faire obliger le mari et la femme.

    Il se dit aussi des valeurs, des biens que l'on engage. Tibère ordonna que ceux qui voudraient de l'argent en auraient du trésor, en obligeant des fonds pour le double, Montesquieu, Esp. XXII, 2. Solon ordonna à Athènes qu'on n'obligerait plus le corps pour dettes civiles ; il tira cette loi d'Égypte, Montesquieu, ib. XX, 15.

    Obliger un apprenti, l'engager chez un maître pour y apprendre pendant un certain temps le métier de ce maître.

  • 6Rendre service, faire plaisir. Le chasser [Pompée] c'est vous faire un puissant ennemi, Sans obliger par là le vainqueur qu'à demi, Corneille, Pomp. I, 1. Si tu veux m'obliger par un dernier service…, Corneille, Rodog. V, 4. Les hommes ne sont pas seulement sujets à perdre le souvenir des bienfaits et des injures ; ils haïssent même ceux qui les ont obligés, La Rochefoucauld, Max. 14. Il faut autant qu'on peut obliger tout le monde ; On a souvent besoin d'un plus petit que soi, La Fontaine, Fabl. II, 11.

    Vous n'obligerez pas un ingrat, se dit quand on demande quelque chose à quelqu'un.

    Absolument. Et comme il y a certains maladroits qui choquent les visages qu'ils veulent baiser, eux de même ne sauraient obliger qu'en désobligeant, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc. J'aime et je suis haï, j'oblige et l'on m'offense, Mairet, Mort d'Asdrubal, III, 3. Vous avez doublé le bienfait de M. de Trudaine, en nous prouvant par les faits que qui oblige vite oblige deux fois, Voltaire, Lett. Morellet, 31 août 1775. Il n'y a que l'intention qui oblige, et celui qui profite d'un bien que je ne veux faire qu'à moi ne me doit aucune reconnaissance, Rousseau, Hél. IV, 10. L'on oblige par l'intention, par un sourire, par des conseils, par des démarches, par des sollicitations, par la condescendance, par la conformité des sentiments, par des bienfaits, par des largesses, par la délicatesse d'ignorer que l'on oblige, Comte de Caylus, Acad. de ces dames et de ces messieurs, Œuv. t. XII, p. 243, dans POUGENS.

    Obliger de, avec un substantif. La vaine faveur dont il fut obligé, Malherbe, VI, 16. Alcidon, cet adieu me prend au dépourvu, Tu ne fais que d'entrer, à peine t'ai-je vu ; C'est m'envier trop tôt le bien de ta présence ; De grâce, oblige-moi d'un peu de complaisance, Corneille, la Veuve, II, 6.

    Obliger de, avec un verbe à l'infinitif. Je ferai mon possible pour vous en tirer au plus tôt ; cependant obligez-moi de vous servir de ces cent pistoles que je vous envoie, Corneille, Suite du Ment. I, 2. Vous m'obligerez fort d'en prendre le souci, Corneille, Théod. II, 1. Sortez d'inquiétude, et m'obligez de croire Que la gloire où j'aspire est tout une autre gloire, Corneille, Théod. II, 4. Obligez-moi de n'en rien dire, La Fontaine, Fabl. III, 6.

  • 7S'obliger, v. réfl. Contracter un engagement authentique. S'obliger par-devant notaire. Il s'obligea en son nom à des négociants pour les affaires publiques, et les soutint tant qu'il eut du bien et du crédit, Fontenelle, Renau.

    S'obliger pour quelqu'un, lui servir de caution. Condamné de payer pour un autre pour qui il s'est obligé, La Bruyère, Théophr. XI.

    Se lier par une simple promesse. Je t'épouserai lors et m'y viens d'obliger, Corneille, Perthar. III, 3. Vous obligerez-vous à faire tous les frais de ces deux mariages ? Molière, l'Avare, V, 6. Il s'obligera, si vous voulez, que son père mourra avant qu'il soit huit mois, Molière, ib. II, 2. Un fort honnête médecin veut s'obliger de me faire vivre encore trente années…, Molière, 3e placet au roi. Je ne lui demandais pas tant, et je serais satisfait de lui, pourvu qu'il s'obligeât de ne me point tuer, Molière, ib. Dieu s'oblige de le protéger, Bossuet, Hist. II, 4.

  • 8S'obliger, se rendre service à soi-même. Je m'oblige encor plus que je ne vous oblige, Corneille, Pulchér. V, 3. Obliger ceux qu'on aime, Qu'on estime surtout, c'est s'obliger soi-même, Collin D'Harleville, Chât. en Espagne, IV, 5.

    PROVERBE

    Noblesse oblige, voy. NOBLESSE.

REMARQUE

1. Des grammairiens ont voulu distinguer entre obliger à et obliger de suivis d'un infinitif. L'usage n'établit aucune distinction : obliger de faire ou obliger à faire ; l'oreille seule en décide.

2. On a dit que s'obliger prenait de préférence à : s'obliger à. On trouve dans les bons auteurs s'obliger de faire.

3. Au passif on préfère de : Ils furent obligés de finir la campagne.

4. Obliger signifiant faire plaisir veut toujours de avec l'infinitif : Obligez-moi de croire.

5. S'obliger peut se dire avec que : Il s'obligera que je payerai cette somme.

SYNONYME

OBLIGER, CONTRAINDRE, FORCER. L'obligation lie, engage. La contrainte serre et ne permet pas qu'on s'échappe. La force nous surmonte et triomphe de nous. De plus dans contraindre et forcer, il y a une idée de nécessité physique qui n'est pas dans obliger.

HISTORIQUE

XIIIe s. Je en oblige à ladite abbaesse e au couvent moi e mes heirs, Bibl. des chartes, 4e série, t. IV, p. 80. Mes ne pot obligier ce qu'il tient en bail, en damace de l'oir ne de celi à qui li bax [le bail] pot venir, Beaumanoir, xv, 28. Le [la] premiere [dette] si est quant on s'est obligiés par letres, Beaumanoir, XXIV, 23. …Voirs est [il est vrai] par coustume que mes heritages est obligiés à mes hoirs, Beaumanoir, XXXIV, 23. Dons donnent loz as donneors, Et empirent les preneors, Quant il lor naturel franchise Obligent à autrui servise, la Rose, 8282.

XVe s. Si en fit le roi sa dette envers monseigneur Jean de Hainaut, et ledit messire Jean s'en obligea envers tous les compagnons [de l'indemnité pour les frais de la guerre], Froissart, I, I, 44. Se ainsi le faites, vous m'obligerez à toujours mais en votre service, Louis XI, Nouv. XLIV. Il voulut recevoir mort pour nous affranchir et rachapter du servage où Adam nostre premier pere nous avoit obligez, Perceforest, t. VI, f° 125.

XVIe s. Ces deux freres qui avoient tant obligé de personnes par leurs bienfaits et prevoyances, Castelnau, 3. Les assiegez furent obligez de porter les clefs, Montaigne, I, 14. Robert mourant obligea son fils, par serment, à ce qu'il feist…, Montaigne, I, 15. Voir un peuple obligé à suivre des loix qu'il n'entendit oncques, Montaigne, I, 118. Le devoir de conscience obligeoit toute personne de servir, à son entier pouvoir, au bien public de son pays, Amyot, Épit. Les hommes sont autant ou plus obligez aux historiens qu'ilz ne sont à nulle autre maniere de lettres, Amyot, Préf. I, 26. Qui bien veut payer, bien se doit obliger, Cotgrave

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Étymologie de « obliger »

Du latin obligare (« lier fortement », « attacher avec un lien », « rendre consistant (un liquide) », « obliger », « engager »), composé de ob et ligare (« lier »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Provenç. et esp. obligar ; port. obrigar ; ital. obbligare ; du lat. obligare, de ob, et ligare, lier.

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Phonétique du mot « obliger »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
obliger ɔbliʒe

Fréquence d'apparition du mot « obliger » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « obliger »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « obliger »

  • Qui oblige s'oblige.
    Nestor Roqueplan — Nouvelles à la main
  • Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde : On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
    Jean de La Fontaine — Fables, le Lion et le Rat
  • C'est obliger deux fois qu'obliger promptement.
    Proverbe français
  • Vous pouvez obliger un âne à traverser l’eau, mais vous ne pouvez pas l’obliger à en boire.
    Proverbe créole
  • Avant d'obliger un homme, assurez-vous bien d'abord que cet homme n'est pas un imbécile.
    Eugène Labiche — Le Voyage de Monsieur Perrichon
  • Vous ne pouvez obliger les soufflés à monter deux fois.
    Alice Roosevelt Longworth
  • Le géant américain des fast-food McDonald's va obliger tous les clients entrant dans ses restaurants aux Etats-Unis à porter un masque à partir du 1er août, imitant ainsi plusieurs grands groupes accueillant du public comme Walmart.
    Bourse Direct — McDonald's impose le port du masque dans tous ses restaurants aux Etats-Unis
  • C'est peine perdue que d'obliger des méchants ; autant vaudrait ensemencer les blanches plaines de la mer.
    Théognis, de Mégare — Élégies, I, 105-106 (traduction J. Carrière)
  • Les acteurs doivent s’obliger à jouer différents personnages et particulièrement à se lancer dans la comédie, ça surprend vraiment !
    Matt Dillon
  • Même pour son bien, je ne veux obliger personne à me considérer comme son auteur favori.
    George Bernard Shaw
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Traductions du mot « obliger »

Langue Traduction
Anglais force
Espagnol obligar
Italien vigore
Allemand macht
Chinois
Arabe فرض
Portugais força
Russe сила
Japonais
Basque indarrean
Corse forza
Source : Google Translate API

Synonymes de « obliger »

Source : synonymes de obliger sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « obliger »

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Obliger

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