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Fait

Définitions de « fait »

Trésor de la Langue Française informatisé

FAIT, FAITE, part. passé et adj.

I.− Part. passé de faire*. Cf. notamment faire1III D.
II.− Emploi adj.
A.− [Correspond à faire1I et II]
1. Fabriqué, confectionné, construit, réalisé.
a) Expr. Ce n'est ni fait ni à faire. C'est du travail bâclé (cf. Martin du G., Gonfle, 1928, II, 5, p. 1203). Tout compte* fait. C'est un grand pas de fait. Un grand progrès est accompli. Marché fait (vx). Marché conclu. Marché fait qu'à votre retour nous ne parlerons point politique! (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 237).
b) [Avec un adv. ou une loc. adv. de manière, ou un compl. de comparaison] Du travail bien fait, une besogne mal faite.
Vite fait, bien fait (pour indiquer une exécution rapide).
(Aus)sitôt dit, (aus)sitôt fait. L'exécution suit immédiatement le projet, la parole, la promesse, l'ordre exprimé.
C'est très bien fait à vous de + inf. (vx). C'est très-bien fait à vous de faire des excursions sur des terres étrangères (J. de Maistre, Soirées St-Pétersbourg,t. 1, 1821, p. 21).
Fait à plaisir. Inventé de toutes pièces. Conte fait à plaisir.
c) Loc. adj. Tout fait
α) Tout prêt, préparé d'avance. Travail tout fait. La métaphysique ou la critique que le philosophe se réserve de faire, il va les recevoir toutes faites de la science positive, déjà contenues dans les descriptions et les analyses dont il a abandonné au savant tout le souci (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 196):
1. Ses enfants, bien entendu, il vaut mieux se les faire soi-même; mais quand on attrape la cinquantaine, qu'on n'est pas bien sûr de réussir, et qu'on en trouve un tout fait, eh bien, on se le prend sans avertir les populations. Pagnol, Fanny,1932, II, 6, p. 138.
Spéc., domaine de l'habillement.Costume tout fait. Anton. sur mesure(s); synon. prêt à porter.En veston et en pantalon de fantaisie, achetés tout faits chez Lambourdieur (Zola, Terre,1887, p. 299).Enfin, Joseph consentit à essayer un costume tout fait, pourvu qu'il fût noir (Green, Moïra,1950, p. 71).
β) Au fig. Adopté sans examen; banal, sans originalité. Idée toute faite. Idée reçue, lieu commun. Elle laisse ses amis penser pour elle; elle reçoit leurs idées toutes faites (France, Vie littér.,1888, p. 342).Expression, locution, formule toute faite. Expression figée de la langue, consacrée par l'usage et devenue banale. Phrase toute faite. Formule de politesse conventionnelle et froide. Synon. cliché.N'en pas parler du tout plutôt que d'en parler avec des phrases toutes faites (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1119).
2. [En parlant d'une pers.; gén. modifié par un adv. de manière ou un compl. de comparaison]
a) [En parlant du physique] Conformé, constitué.
Bien fait. Beau, de bel aspect. Bien fait de sa personne; femme bien faite. Jeune homme on ne peut pas mieux fait et on ne peut pas plus agréable (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 50).Je n'étais pas mal fait de ma personne, je me montrais à la fois danseur infatigable et discret érudit (Camus, Chute,1956, p. 1487).Fait au moule, à ravir. C'est un joli garçon, bien tourné, fait à peindre, bel homme en uniforme (Courier, Pamphlets pol.,Lettres partic. 2, 1820, p. 69).Des Cupidons, fraîche couvée, Me montraient son pied fait au tour (Hugo, Chans. rues et bois,1865, p. 109).Jambe bien faite; taille bien faite. Belle bouche, un nez très bien fait (Guéhenno, Jean-Jacques,Roman et vérité, 1950, p. 69).
Homme mal fait. Mal bâti, disgracieux.
b) Vx. [En parlant de l'allure, de l'habillement] Habillé, accoutré, arrangé (d'une manière étrange). Dans des expr. : comme le voilà fait! Il est fait d'étrange manière. Madame Lerat (...) l'aperçut [Nana] à cette heure, faite comme une souillon (Zola, Nana,1880, p. 1321).
c) Au fig. [En parlant du jugement, du caractère] Avoir l'esprit bien fait. Avoir l'esprit juste, qui raisonne bien. [P. allus. littér. à Montaigne, Essais I 25] Tête bien faite vaut mieux que tête bien pleine. Mieux vaut un esprit juste qu'un esprit pédant, bourré de connaissances livresques non assimilées. Être ainsi fait. Avoir tel caractère, tel comportement. Synon. mod. être ainsi, être comme cela (sans y pouvoir changer).Et le monde est ainsi fait que l'on oubliera Falleix (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 337).Mon esprit fut toujours ainsi fait que je ne mettais pas ma perspective devant moi, mais derrière (Barrès, Cahiers,t. 2, 1899-1901, p. 217):
2. Ce Demangeat ne me plaisait guère. Je lui trouvais la voix pâteuse et le débit monotone; j'avais raison, mais, avec un esprit mieux fait, j'aurais compris que les étudiants appréciaient justement l'ordre et la clarté de ses exposés. France, Vie fleur,1922, p. 433.
3. Fait pour + subst. déterminé ou inf.; fait pour que + subordonnée au subj.
a) [En parlant d'une pers.] Particulièrement apte à, prédisposé à. L'homme n'est pas fait pour vivre seul. Il faut du merveilleux, un avenir, des espérances à l'homme, parce qu'il se sent fait pour vivre au-delà de notre univers (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 170).Mal fait pour l'action, plus à l'aise dans l'éternité que dans le temps, son bonheur était de se perdre à loisir dans ses rêves (Guéhenno, Jean-Jacques,Roman et vérité, 1950p. 22).
b) [En parlant d'une chose] Destiné à, qui convient à. Non, non, Victor, cesse de t'abuser; ce bonheur n'est pas fait pour toi (Guilbert de Pixér., Victor,1798, I, 1, p. 4).Le rêve conté hier est bien fait pour tuer à jamais le sommeil (Michelet, Journal,1848, p. 617).Un piano est fait pour qu'on y joue de la musique (Alain, Propos,1913, p. 171):
3. ... la poursuite inlassable dont il n'avait cessé de fatiguer MlleStangerson, (...) la vie désordonnée qu'il menait sous prétexte de « noyer ses chagrins », tout cela n'était point fait pour rendre Arthur Rance sympathique à Rouletabille, et ainsi s'explique la froideur avec laquelle il l'accueillit dans la salle des témoins. G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 154.
P. iron. (pour recommander l'usage d'une chose). Le savon est fait pour qu'on s'en serve. Je passais mon chemin, un chemin est fait pour qu'on y passe (Stendhal, Lamiel,1842, p. 48).
Fam. Cela n'est pas fait pour les chiens*.
Très fam., p. ell. C'est fait pour! C'est destiné à, prévu pour un usage précis.
B.− [Correspond à faire1III A] Domaine des soins de beauté.Yeux faits. Yeux maquillés, fardés. Ongles faits. Ongles limés (et vernis).
C.− [Correspond à se faire2III A]
1. Qui a atteint son complet développement, qui est parvenu à maturité.
a) [En parlant d'une pers., de son corps, de son esprit] Arrivé à l'état pleinement adulte, qui a atteint la maturité d'âge, d'esprit ou de corps.
Homme fait. Homme pleinement adulte, d'âge mûr. C'est vrai, disait un jeune à un homme fait. Tu es père de famille (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 427).Je vis que le burnous n'était plus un burnous d'enfant, mais un ample et solide vêtement d'homme fait (Duhamel, Suzanne,1941, p. 177):
4. Mais maintenant, il lui fallait s'avouer qu'il était un homme fait : les jeunes gens le traitaient en aîné, les adultes comme un des leurs, et certains lui témoignaient même de la considération. Fait, limité, fini, lui et pas un autre. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 137.
Femme faite. Femme pleinement formée, développée. Ces deux bambines qui avaient des gaietés et des regards étranges de femmes faites (Zola, Contes Ninon,1874, p. 95).
b) Parvenu à un certain degré de maturation. Vin fait. Viande faite. Viande mûrie. Fromage fait. Fromage (à pâte molle) qui a atteint un degré de maturation où le cœur est amolli. Fromage pas trop fait, fait à cœur. Pour finir la fête, une armée entière De fruits, de parfaits, de fromages faits (Monselet, Poés.,1880, p. 225).Fromage trop fait. Qui n'est plus propre à la consommation. Un autobus (...) où grouillaient les clients comme asticots dans un fromage trop fait (Queneau, Exerc. style,1947, p. 172).
2. Fait à + subst. déterminé ou inf.Accoutumé, entraîné, exercé à. Fait au climat, aux habitudes, à un genre de vie. Son grand esprit positif et rigoureux, si peu fait à se payer d'abstractions (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 313).Donnez-moi qui vous voudrez, Monsieur le Directeur, mais un homme fait à ce travail et qu'il ne me soit pas nécessaire de reprendre à l'A.B.C. (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 18).
D.− Loc. adv.
1. Tout à fait
a) Entièrement, complètement. Oublier tout à fait. Isabelle, tout à fait remise de son évanouissement, se tenait debout (Gautier, Fracasse,1863, p. 425).Je sais bien que ce sont des idées folles, que je ne puis même pas prendre tout à fait au sérieux, des rêves... (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1032).
[Suivi d'un adj.] Synon. de très.« Vous allez être tout à fait chou, vous allez dédicacer quelques livres... » (Beauvoir, Mandarins,1954p. 266).
b) Exactement. Ce n'est pas tout à fait ça. Non, il n'y a pas moyen de s'y tromper et c'est bien tout à fait comme nous quand nous avons tant de chagrin (Claudel, Visages radieux,1947, p. 789):
5. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. Verlaine, Poèmes saturn.,1866, p. 63.
2. Rare, littér. Si fait! [Loc. interjective, servant à renforcer une réponse ou tenant lieu de réponse à une phrase négative ou interrogative] Mais si! Bien sûr que si!
Prononc. et Orth. : [fε], fém. [fεt]. Grammont Prononc. 1958, p. 38 admet que dans faite l'[ε] ,,peut être long, mais un peu moins [que la durée dite longue]``. Ds Ac. dep. 1694 (écarté de Ac. 1932 par une décision de caractère général affectant les part. passés). Fréq. abs. littér. : 94 120. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 142 160, b) 135 828; xxes. : a) 131 967, b) 126 830. Bbg. Henry (A.). À propos de fait, adj. en anc. fr. Romania. 1953, t. 74, pp. 376-378; 1957, t. 78, p. 97. − Quem. DDL t. 9, 10.

FAIT, subst. masc.

A.− Réalisation d'une chose; manière de faire, façon d'agir.
1. Mod. (dans des expr. ou loc.). Action.
a) Spéc., au plur., avec une nuance fam., parfois iron. ou péj. Les faits et gestes de qqn. Tout ce que fait quelqu'un, le détail de ses activités (actes, déplacements, rencontres...) observé par une ou plusieurs personnes. Paris (...) ne présente par lui-même à peu près rien de saillant à l'annotateur de ses faits et gestes (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 785).Notre onirisme animalisé (...) n'a pas enregistré les faits et gestes des animaux minuscules (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 153).
b) Au sing., expr. et loc.
Être coutumier du fait (cf. coutumier B 1).
Par son fait. Par son action; par sa faute. Sur la 2e, relative aux exempl(aires) de Leber que la maison Baudouin frères garde en ses magasins, elle se trouve résolue par mon fait en sa faveur (Balzac, Corresp.,1826, p. 292).
Prendre qqn sur le fait. Le surprendre en train de faire une (mauvaise) action. Synon. prendre qqn en flagrant délit.
Le fait de + inf. L'action de, l'acte ou le phénomène qui consiste à; p. méton. l'état qui en résulte. Le fait de parler, de vivre, de savoir, etc. Définir le vrai par le fait d'être vérifiable (Marcel, Journal,1914, p. 28).L'idée est l'essentiel, non le fait de jouer physiquement cette idée (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 251).Le seul fait de prendre contact avec ces fractions multiples et dispersées comportait, pour moi, de grandes difficultés (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 74).
2. En partic. (vieilli en emploi abs., mod. dans certains syntagmes; souvent au plur.). Action remarquable (à la guerre). Faits d'armes*. Ensuite un peu de patriotisme, le drapeau de l'Empire, de beaux faits dans la garde nationale (Flaub., Corresp.,1852, p. 424).
a) Fait de guerre. Action militaire remarquable et méritoire. Le duc de Berri rappela inutilement la valeur qu'ils avaient montrée dans les derniers troubles, et leurs beaux faits de guerre (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 64).
b) Haut(s)(-)fait(s). Exploit(s) glorieux, prouesse(s) à la guerre. Une teinte kaki était répandue sur les nouvelles de la guerre et (...) on nous laissait ignorer les hauts faits (Barrès, Cahiers,t. 11, 1914-18, p. 130).
Au fig., fam. Action mémorable, méritoire, prouesse (sans contexte guerrier, dans la vie). On avait pourtant commencé par une belle manœuvre qui reste un des hauts faits de notre Sorbonne (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 424).
Par iron. Mauvaise action notoire, acte blâmable. Des photographies de « héros », des découpures de journaux relatant les hauts faits du fascisme (Gide, Journal,1934, p. 1194):
1. Les juges refusèrent de l'écouter, et je fus remis en liberté sans qu'on eût pris connaissance des explications que j'aurais pu avoir à donner ni des révélations que j'aurais pu être disposé à faire. C'est là ce qu'un ministre a appelé « faire sentir l'action gouvernementale ». Tels sont les hauts faits de nos magistrats. Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 267.
3. DROIT
a) Tout acte matériel d'une personne, tout événement extérieur pouvant avoir un effet juridique. Fait juridique; fait qualifié crime par la loi. J'ai parcouru tout le canton pour recueillir un seul fait qui pût parler en sa faveur (La Martelière, Robert,1793, IV, 1, p. 42).Grouper les faits et les témoignages de manière à porter (...) le doute et l'hésitation dans la conscience des jurés (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 426).
Expressions
Par le fait de (qqn) (rare), du fait de (qqn, qqc.) (usuel). Par l'action de. Responsabilité du fait de l'homme, du fait des choses. Tout tort causé par le fait de l'homme, donne lieu à des dommages-intérêts ou à une action en réparation du tort causé (Boyard, Bourse et spécul.,1853, p. 181).
Voie(s) de fait (souvent au plur.). Actes de violences, sévices corporels (contre quelqu'un). Si les actes prévus dans l'article précédent ont été accompagnés de violence, voies de fait, attroupements, les auteurs et complices seront punis des peines portées au code de police correctionnelle ou au code pénal (Doc. hist. contemp.,1803, p. 115).Le fonctionnaire qui se livre à des voies de fait sur un usager du service est coupable d'une faute personnelle qui entraîne la compétence de la juridiction civile (Encyclop. éduc.,1960, p. 289).
b) Spéc. Infraction, délit, crime résultant d'un acte effectif positif (p. oppos. à ce qui résulte d'une omission ou d'une abstention). L'appréciation de la probabilité du fait, affirmé par l'accusation, nié par la défense (Cournot, Fond. connaiss.,1851p. 423).Cela, c'est un fait de police de la rue qui me regarde, et je retiens la femme Fantine (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 244).
Fait de charge. Action ou omission commise par le titulaire d'une charge dans l'exercice de ses fonctions et pouvant causer du tort à quelqu'un. Je n'ai pas de quittance, il y a des faits de charge qui vont absorber charge et cautionnement (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 232).
c) Cour., loc. verbale. Prendre fait et cause pour qqn (cf. cause1II B locutions).
4. Être le fait de (qqn)
a) Constituer la manière d'agir, la conduite de (quelqu'un) (habituelle ou dans une circonstance donnée). Synon. être le propre de.À cette époque elle [l'activité missionnaire] aussi se trouve être le fait de l'homme blanc (Philos., Relig., 1957, p. 4602).Les performances de valeur internationale sont le fait de nageurs qui s'entraînent jusqu'à cinq et six heures par jour (Jeux et sp.,1968, p. 1572).Le fait du prince. Cf. prince.
b) Vx ou littér., surtout à la forme négative. Convenir à (quelqu'un), faire l'affaire de (quelqu'un). Plutôt que de se battre sur un sujet qui n'était point son fait et divisait ses militants (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 269):
2. ... une diffusion plus large assurée, d'emblée, à des entreprises coûteuses et dont l'État, en France, n'a jamais songé à assumer la charge : Diderot, par avance lui avait annoncé que ce n'était point son fait... Civilis. écr.,1939, p. 2408.
5. Loc. Dire son fait à qqn. Dire franchement et sans ménagement à quelqu'un ce qu'on pense de lui, de sa conduite (répréhensible). Synon. dire ses quatre vérités à qqn.
B.− Ce qui est arrivé, ce qui existe.
1. Ce qui est effectivement arrivé, ce qui existe réellement, événement ou état de choses. La civilisation est un fait qui peut être décrit, raconté, qui a son histoire (Guizot, Hist. civilisation,Leçon 1, 1828, p. 8).Pour ceux-là, la venue du Messie était un fait d'une nouveauté et d'une originalité absolue (P. Leroux, Humanité, t. 2, 1840, p. 783).Or, ces faits se sont passés en 1902 (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1396):
3. Les autres avaient beau lui crier qu'il était ridicule avec leurs porte-voix et leurs drapeaux blancs, la reddition de la France était un fait qui ne le concernait en rien. Anouilh, Répét.,1950, I, p. 21.
SYNT. a) [Souvent au plur.] Exposer, raconter clairement les faits, tels qu'ils se sont passés; succession, déroulement, résumé des faits; faits économiques, historiques. b) [Au sing.] Fait banal, biologique, quotidien, isolé, rare, singulier, unique, courant, constaté, certain; fait divers*, fait exprès*.
Locutions
a) Loc. verb. Mettre, placer qqn devant le fait accompli. Obliger quelqu'un à accepter une chose sans que celui-ci puisse s'y opposer, le placer dans une situation irrévocable, irréversible. Le minoritaire Monmousseau impose la bataille pour la nationalisation contre le secrétaire général des cheminots, Bidegaray. La CGT, mise devant le fait accompli, n'engage les autres corporations que « par paliers » (Reynaud, Syndic. Fr.,1963, p. 70).Une intervention extérieure importante ne doit pas résulter d'un coup de tête d'un gouvernement qui place le pays devant le fait accompli (Service milit. et réf. armée,1963, p. 72).
b) Loc. adv. Par le fait (même), de ce fait, du fait. À cause de cela, en conséquence. La classe des « mammifères » une fois constituée, ne peut plus donner naissance, (...) à la classe « oiseaux », et marque de ce fait un pouvoir d'évolution inférieur à celui du « poisson » (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 235).Méga-synthèse dans le tangentiel. Et donc, par le fait même, bond en avant des énergies radiales (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 271).
c) Loc. prép.
Du (seul) fait de + subst. En raison de, à cause de. La meilleure Gilberte ne pouvant alors, du fait de son absence momentanée, constater cette déchéance (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 566).
Par le fait de + subst. Par suite de, pour la raison de. Dans cette petite ville, ils étaient (...) toujours, − par le fait de la différence de leur race, (...) les esprits les plus avancés, les plus sensibles au ridicule des institutions vermoulues et des pensées décrépites (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 417).
d) Loc. conj.
Le (seul) fait que + ind. (pour insister sur la réalité du fait) ou + subj. Le fait consistant en ce que. Il n'en parle jamais, tant le seul fait qu'on y fasse allusion lui cause de malaise (Du Bos, Journal,1928, p. 176).La mise au point d'un tel système en pleine guerre et le fait qu'il faudrait l'organiser sous toutes les latitudes entraîneraient d'inextricables difficultés (de Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 316):
4. ... il se peut que sur l'affaire Dreyfus nous soyons irrémédiablement divisés, mais tous nous nous accordons à sentir quelque chose ce profondément offensant dans le fait que l'on fera défiler l'armée devant le cercueil de Zola. Barrès, Cahiers,t. 6, 1908, p. 284.
Ce fait que. Et nous voici tous d'accord sur ce fait que rien ne peut nous empêcher d'appliquer librement et justement la loi française dans toute l'étendue de la République (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 458):
5. La Provence n'a pas de musique (si j'en juge par ce fait qu'on a dû mettre les paroles de la Coupo Santo sur l'air d'une romance parisienne)... Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 608.
Du (seul) fait que, du fait même que + ind. Pour la (seule) raison que, puisque. Tout cela, brusquement, ne compterait plus pour rien, du seul fait que l'éclairage aurait été modifié par le grand prêtre... (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1365).Le monde objectif tout entier (...) tel justement qu'il existe pour moi, c'est-à-dire vaut pour moi, du fait même que j'en fais l'expérience (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 9).
Par le (seul) fait que, par le fait même que + ind. Parce que précisément. C'est tout de même curieux, cet éreintement de tout ce que j'écris, (...) et cela par ce seul fait que je mets de la vérité dans ce que j'écris (Goncourt, Journal,1894, p. 607).Les articles qui, souvent par le fait même qu'ils faisaient d'importantes réserves sur telle ou telle de mes intentions, m'ont aidé à mieux saisir (...) ce que j'avais voulu faire (Béguin, Âme romant.,1939, p. vi).
2. Ce qui existe réellement, la chose réelle (p. oppos. à la fiction, au rêve, à l'idée, au principe, au souhait, etc.; souvent au plur.); tout ce qui peut être constaté de façon certaine. C'est un fait acquis.
a) En emploi abs. Le domaine des faits; s'incliner devant les faits; les faits parleront d'eux-mêmes; juger sur/d'après les faits; (au sing.) fait dûment constaté, vérifié. Tout cela est beau et grand dans la pensée; mais dans le fait il faut en rabattre presque tout le grandiose (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 343).Il n'aimait guère donner, le fait paraissait malheureusement certain (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 119):
6. M. Godeau se trouvait seul devant son foyer sans feu. L'idée de suicide s'était présentée à lui. Il avait suffi qu'il l'admît comme possible. Il avait presque atteint cette extrémité. L'intervalle qui séparait la possibilité du fait et le fait accompli, l'intervalle qui était réservé aux moyens ne comptait pas : M. Godeau s'était tué. Jouhandeau, M. Godeau,1926, pp. 89-90.
b) [En compl. déterminatif, dans des expr.] Constatation de fait; question de fait. Car c'est d'une impossibilité de fait qu'il faudrait se prévaloir, pour nier la simple possibilité logique du surnaturel (Blondel, Action,1893, p. 391):
7. Pour n'avoir pas voulu intervenir, dès le début, dans les questions de fait, il se trouve réduit, dans les questions de principe, à formuler purement et simplement en termes plus précis la métaphysique et la critique inconscientes... Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 196.
Erreur, assertion de fait. Erreur matérielle qui porte sur un fait (p. oppos. à erreur de jugement). Selon lui, une assertion de fait pourrait être fausse, en tant qu'historique et vraie en tant que théologique (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 335).
c) [Dans des loc.]
Un fait est un fait. La chose est indiscutable. Un fait est un fait. Les dogmes sont vrais, ou bien ils ne sont rien (Martin du G., J. Barois,1913, p. 242).Je sais que j'ai un tempérament d'interprétante. Mais un fait est un fait (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 414).
C'est un fait. C'est une chose réelle, certaine, incontestable. Cela est certainement fâcheux, mais c'est un fait qu'il faut bien reconnaître (Delécluze, Journal,1826, p. 309).
Il est de fait que..., c'est un fait que..., le fait est que... + ind. Il est vrai, indéniable que, il faut admettre que. Je suis belle, j'ai cet avantage pour lequel Mmede Staël eût tout sacrifié, et pourtant il est de fait que je meurs d'ennui (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 289).Le fait est qu'elle s'y prenait mal : elle mouillait trop le papier, elle ne le comprimait pas assez (Beauvoir, Mandarins,1954p. 58):
8. La théorie aristotélicienne du choix, conçu comme une décision du vouloir consécutive à une délibération rationnelle, était remarquablement élaborée, mais c'est un fait qu'Aristote n'y parle ni de liberté, ni de libre arbitre. Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 102.
Rem. Le fait est que peut avoir une nuance oppositive = en réalité (p. oppos. à l'apparence). Synon. de en fait. Jean Valjean, dans la nuée épaisse du combat, n'avait pas l'air de voir Marius; le fait est qu'il ne le quittait pas des yeux (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 502). Je suis devenu un ami avéré du peuple. C'est un axiome. Le fait est que je méprise souverainement la politique (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 107).
Poser en fait que. Admettre comme chose certaine que.
De fait, en fait, par le fait (loc. adv.). En réalité, effectivement, véritablement. Ainsi Ronsard sent que son alexandrin n'a pas encore le juste poids qui le rendrait apte à fournir un ordre consécutif de pages parfaites. Et de fait c'est chez Corneille que paraissent ces premières pages (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 24):
9. ... la décision finale ne pouvait faire aucun doute. De fait, trois jours après l'incident du porte-feuille, notre père, brusquement et, comme toujours, aussitôt après le bénédicité, lisse ses moustaches et déclare : − Mes enfants, je suis obligé de vous mettre au collège. H. Bazin, Vipère,1948, p. 270.
Rem. De fait et par le fait introduisent une explication, une conséquence, en fait introduit parfois une oppos. (en théorieen fait, « dans les faits », dans la réalité). Il n'y a que par l'entrée dans le transcendant, le surnaturel, le spirituel authentique que l'homme devient supérieur au social. Jusque-là, en fait et quoi qu'il fasse, le social est transcendant par rapport à l'homme (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 162).
3. Spéc. Ce qui existe, ce qui constitue la réalité (p. oppos. au droit, à ce qui est voulu ou reconnu par la loi). En fait et non en droit. Cf. droit3IC 2 b et d.
a) [Dans des expr.]
De fait. Sur le plan de la réalité (sans référence à la loi). Anton. de droit.Cf. droit3ex. 9.
Point, question de fait. Discussion pour établir l'existence, la véracité d'un fait. Anton. point de droit.Les questions de fait ne sont pleinement résolues que par l'expérience (Destutt de Tr., Idéol.,1, 1801, p. 309).
Gouvernement, pouvoir, autorité de fait. Autorité, pouvoir, gouvernement qui n'est pas reconnu par la loi. La République a donc été un gouvernement de fait et de droit (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 61).
État, situation de fait
Situation telle qu'elle existe (sans référence juridique, sans fondement légal) :
10. − C'est ainsi, par le détour des idées et dans le tourbillon de leur mouvement, que le désordre et l'état de fait doivent reparaître et renaître aux dépens de l'ordre. Ce retour à l'état de fait peut s'opérer quelquefois par une voie que l'on n'eût point prévue, et l'homme redevenir un barbare de nouvelle espèce par conséquence inattendue de ses plus fortes pensées. Valéry, Variété II,1929, pp. 59-60.
P. ext., cour. État de chose, situation. La ruse des gouvernés : notre situation de citoyen est une situation de fait, que nous n'avons pas choisie (Alain, Propos,1928, p. 797):
11. Tout ce que nous sommes, nous le sommes sur la base d'une situation de fait que nous faisons nôtre et que nous transformons sans cesse par une sorte d'échappement qui n'est jamais une liberté inconditionnée. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 199.
Fait social. Réalité sociale. L'histoire de l'Église, de Constantin à Léon XIII, traversait les programmes d'un grand courant charrieur de faits sociaux et de passions humaines (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 92).Distinguer plus nettement entre l'institution en tant que fait social et l'institution en tant que pratique vécue (Traité sociol.,1968, p. 400).
b) Spéc., DR. Tout événement matériel qui nécessite un jugement. Énonciation, articulation des faits; interrogatoire sur les faits; reconnaître les faits.
Expr. Faits et articles. Faits articulés par le demandeur et sur lesquels la partie adverse est ensuite interrogée. Articuler un fait. Sur-le-champ, il mit Jean-Jacques en demeure d'articuler un seul fait et de lui nommer son accusateur (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 208).Fait nouveau. Fait non encore soumis à la procédure; fait découvert après un jugement ou une condamnation. P. métaph. Un fait nouveau incite, sinon à en entreprendre la révision, du moins à en atténuer légèrement la rigueur (Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, p. 596).Faits admissibles. Événements qui peuvent être reconnus comme preuves. Faits pertinents. Événements sur lesquels porte le procès.
4. Spéc. [En parlant d'obj. étudiés par une science] Toute donnée de l'expérience, observée ou observable, directement ou indirectement (p. oppos. aux hypothèses, aux théories) :
12. Ce quelque chose, qui constitue l'essence même de la recherche expérimentale, c'est le fait. Établir une expérience, c'est déterminer un ou plusieurs faits, rien de plus. La science a été sur la voie de sa prospérité du jour où les savants ont eu le culte, la passion exclusive du fait et rien que du fait. Bourget, Essais psychol. contemp.,1883, p. 169.
Fait brut. Fait qui relève de l'observation directe, immédiate. Fait scientifique. Phénomène objectivé (car apparaissant régulièrement dans certaines conditions), interprété par l'esprit et rapporté à une loi générale :
13. Peut-être, dit-il [M. le Roy] (je crois bien que c'était là une concession), n'est-ce pas le savant qui crée le fait brut; c'est du moins lui qui crée le fait scientifique. Cette distinction du fait brut et du fait scientifique ne me paraît pas illégitime par elle-même. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 221.
C.− Ce dont il est question ou ce dont on parle (chose, sujet, cas, affaire particulière). Se taire sur le fait, ne rien dire du fait. Hermine demeurait convaincre d'un fait qui paraissait dominer tous les autres : Fernand était chez une femme (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 239).
[Employé surtout dans certaines expr. et loc., (notamment avec au)]
1. (En) venir, revenir, aller au fait. Aborder l'essentiel du sujet, du débat :
14. Après quelques premiers compliments à tour de bras (...) sur le cardinal de Retz, son cousin-germain, le bon archevêque en vint au fait capital, procéda à l'interrogatoire des religieuses... Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 120.
P. ell. Au fait! Allons au fait.
Aller droit au fait(de). Aborder le cœur, le vif du sujet, sans préambule.
2. Mettre qqn au fait. Informer quelqu'un, le mettre au courant (de). Mis au fait de ce qui se passait, il alluma une lanterne, et tous trois se dirigèrent vers la charrette embourbée (Gautier, Fracasse,1863, p. 22).
Être au fait (de la question). Être au courant, informé, renseigné. Il lui échappait (...) quelquefois des mots qui rappelaient ses anciennes amours; mais il fallait être au fait comme moi pour y faire attention (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1787):
15. Il me charge, M. Fauris, de recommander à votre souvenir un sien ouvrage de L'Art de traduire; apparemment vous êtes au fait, et vous saurez ce que cela veut dire. Courier, Lettres Fr. et It.,1812, p. 851.
Au fait de. Au courant de, expert en. Toute personne au fait de l'histoire des cartes géographiques sait (...) que les noms, titres, dates (...) sont plus longs à découvrir sur les cartes anciennes (Jomard, Consid. sur coll. cartes géogr.,1831, p. 58).
3. Être sûr de son fait. Être sûr à l'avance de ce qu'on affirme, être sûr d'avoir raison, ou de réussir dans son entreprise.
4. Au fait (!), loc. adv. ou interj. [En début de phrase, surtout dans la lang. parlée] À propos (de ce qui vient d'être dit), mais j'y pense. Hein! Qu'est-ce que nous allons manger? Qu'est-ce qui va nous rassasier? Les femmes? au fait nous les méprisons; elles nous y ont d'ailleurs joliment aidés (Arland, Ordre,1929, p. 156):
16. « Ton père a une infinité de spéculations, de grands desseins, qu'il ne peut mettre à exécution faute de ressources. Son influence dans le département se trouve brusquement arrêtée dans sa marche... Mais au fait je te parle là de choses qui ne t'intéressent peut-être pas beaucoup. » Duranty, Malh. d'H. Gérard,1860, p. 296.
5. En fait de, loc. prép. En ce qui concerne, en matière de. C'était encore un barbu, mais jeune, (...) tout ce qu'on fait de mieux en fait de col de celluloïd, avec des vêtements miteux et bien tenus (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 326).
Prononc. et Orth. : [fε], [fεt]. Mart. Comment prononce 1913, p. 327, note ,,une tendance très marquée à faire sentir le t du substantif fait, au singulier, surtout quand il est final ou accentué : en fait, au fait, par le fait, voie de fait, voici le fait, il est de fait, (...) je l'ai pris sur le fait, c'est un fait, et même c'est un fait constant, c'est le fait d'un honnête homme, le fait de mentir, le fait du prince; mais on ne doit jamais faire sentir le t au pluriel, ni dans fait divers, singulier identique au pluriel, ni dans en fait de ou tout à fait``. V. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 405 : ,,Suivi d'un silence, fait se prononce [fε] dans un fait, c'est un fait, voie de fait, voici le fait, prendre sur le fait, tout à fait, etc. Mais il se prononce [fεt] dans au fait!, en fait, de fait``. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1160 « ce qui est arrivé, action » (Enéas, éd. S. de Grave, 2102); spéc. 1284 sour le fait trouver (G. d'Amiens, Escanor, 23667 ds T.-L.); 2. ca 1170 « action mémorable, exploit, prouesse, » (Benoit, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 25025); 1306 fait de guerre (G. Guiart, Branche des Royaus Lignages, éd. Wailly et Delisle, 16793); 3. 1ertiers xiiies. « manière d'agir propre à quelqu'un » (Lancelot, éd. H. O. Sommer, II 83 : les oevres de son fait); 4. 1283 terme de dr. (Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. Am. Salmon, VIII, 269). B. 1. Ca 1160 « ce qui existe réellement, réalité » (Enéas, éd. Salverda de Grave, 3984); 2. 1268 « sujet particulier dont il est question, événement » (Brunet Latin, Tresor, éd. F. J. Carmody, III, 15, 3 : Devisemens est lors quant on conte le fait). C. Loc. adv. a) xiies. tot affait (Sermons St Bernard, 34, 1 ds T.-L.); ca 1200 tot a fait (Chevalier au Cygne, 198, ibid.); b) 1268 en fait (Brunet Latin, op. cit., II, 10, 15); c) 1283 de fait (Ph. de Beaumanoir, op. cit., LVI, 1616). Du lat. factum « fait, action » part. passé neutre substantivé de facere « faire ». Fréq. abs. littér. : 22 108. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 32 192, b) 30 722; xxes. : a) 30 731, b) 31 609. Bbg. Allaire (S.). Le Syntagme le fait que. Fr. mod. 1975, t. 43, pp. 308-337. − Ebneter (T.), Gessner (M. P.). La Causalité du fr. parlé. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t. 12, no1, pp. 325-345. − Quem. DDL t. 6.

Wiktionnaire

Adjectif - français

fait \fɛ\ masculin

  1. Réalisé ; construit ; confectionné ; fabriqué ; exécuté.
    • Enfin à la nuit faite, des ombres fantômales, s’avançant hardiment vers l’ennemi, commencent à peupler la paix lacustre et mortuaire. — (Marguerite Baulu, La Bataille de l’Yser, Perrin & Cie, Paris, 1918, page 359)
    • C’est un grand pas de fait.
    • Du travail bien fait, une besogne mal faite.
    • Fait à plaisir : Inventé de toutes pièces.
  2. (Avec un adverbe de manière ou un comparatif) Constitué, conformé.
    • Bien fait : Beau, de bel aspect.
    • Bien fait de sa personne ; femme bien faite.
    • Un instant après entra mon oncle, le frère de ma mère, jeune homme on ne peut pas mieux fait et on ne peut pas plus agréable et vêtu avec la dernière élégance. — (Stendhal, Vie de Henry Brulard, tome 1, 1836, page 50)
    • Je n’étais pas mal fait de ma personne, je me montrais à la fois danseur infatigable et discret érudit. — (Albert Camus, La Chute, 1956, page 1487)
    • Fait au moule, à ravir.
    • C’est un joli garçon, bien tourné, fait à peindre, bel homme en uniforme, jeune ; il est né peu de temps avant l’émigration. — (Paul-Louis Courier, Collection complète des pamphlets politiques et opuscules littéraires, Bruxelles, 1827)
    • Des cupidons, fraîche couvée,
      Me montraient son pied fait au tour ;
      Sa jupe semblait relevée
      Par le petit doigt de l’amour.
      — (Victor Hugo, Les Chansons des rues et des bois, 1865, page 109)
    • Jambe bien faite ; taille bien faite.
    • Homme mal fait : Mal bâti, disgracieux.
    1. Se dit dans le même sens de l’esprit, de la pensée.
      • Tête bien faite vaut mieux que tête bien pleine. — (Montaigne, Essais, I 25)
      • Avoir l’esprit bien fait : Avoir l’esprit juste, qui raisonne bien.
  3. (Vieilli) Accoutré, arrangé.
    • Madame Lerat […] l’aperçut [Nana] à cette heure, faite comme une souillon. — (Émile Zola, Nana, 1880, page 1321)
    • — Comme vous êtes faite, ma chère enfant ! murmura mademoiselle Préfère, avec une douceur maternelle, en lui arrangeant son col. — (Anatole France, Le crime de Sylvestre Bonnard, Calmann-Lévy ; éditions Le Livre de Poche, 1967, page 150)
  4. Achevé, comme ça (et on ne peut le changer).
    • Être ainsi fait : Avoir tel caractère, tel comportement.
    • Oh !… il n’y aura que toi de grand, de noble dans Paris, et le monde est ainsi fait que l’on oubliera Falleix. — (Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1844, p. 337)
    • Au reste, mon esprit fut toujours ainsi fait que je ne mettais pas ma perspective devant moi, mais derrière. — (Maurice Barrès, Mes cahiers, 1896–1923, Plon, 1963)
  5. (Avec pour) Apte à, prédisposé à.
    • L’homme n’est pas fait pour vivre seul.
    • Il faut du merveilleux, un avenir, des espérances à l’homme, parce qu’il se sent fait pour vivre au-delà de notre univers. — (François-René de Chateaubriand, Le Génie du Christianisme, t. 2, 1803, page 170)
    • Mal fait pour l’action, plus à l’aise dans l’éternité que dans le temps, son bonheur était de se perdre à loisir dans ses rêves. — (Jean-Jacques Guéhenno, Roman et vérité, 1950, page 22)
  6. Convenant à, destiné à.
    • Non, non, Victor, cesse de t’abuser ; ce bonheur n’est pas fait pour toi. — (René Charles Guilbert de Pixerécourt, Victor, ou L’Enfant de la forêt, I, 1, 1798, p. 4)
    • Le rêve conté hier est bien fait pour tuer à jamais le sommeil. — (Jules Michelet, Journal, 1848, page 617)
    • Parce qu’un piano est fait pour qu’on y joue de la musique, il serait fou de croire que tous ceux qui y poseront les mains joueront bien. Le langage humain est comme un piano : si vous le faites sonner à coups de poing, il n’en sortira aucune combinaison qui mérite d’être retenue. — (Alain, Propos, 1913)
  7. Recommandé à tel ou tel usage.
    • Le savon est fait pour qu’on s’en serve.
    • Je passais mon chemin, un chemin est fait pour qu’on y passe. — (Stendhal, Concordances de Lamiel, 1842, page 48)
    • Cela n’est pas fait pour les chiens.
    • Mais c’est fait pour ! : C’est prévu pour cet usage précis.
  8. Maquillé, fardé, vernis, soigné.
    • Yeux faits : Yeux maquillés, fardés.
    • Ongles faits : Ongles limés (et vernis).
  9. Adulte, qui est parvenu à maturité.
    • Homme fait : Homme pleinement adulte, d’âge mûr.
    • Mais maintenant, il lui fallait s’avouer qu’il était un homme fait : les jeunes gens le traitaient en aîné, les adultes comme un des leurs, et certains lui témoignaient même de la considération. Fait, limité, fini, lui et pas un autre, rien d’autre que lui : qui ? — (Simone de Beauvoir, Mandarins, 1954, page 137)
    • Femme faite : Femme pleinement formée, développée.
    • Et je m’enfuis, abandonnant la place à ces deux bambines qui avaient des gaietés et des regards étranges de femmes faites. — (Émile Zola, Nouveaux contes à Ninon, 1874, page 95)
  10. Mûr, faisandé, parvenu à un certain degré de maturation.
    • Vin fait.
    • Viande faite : Viande mûrie.
    • Fromage fait : Fromage qui a atteint un degré de maturation où le cœur est amolli.
    • Fromage pas trop fait, fait à cœur.
    • Fromage trop fait : Qui n’est plus propre à la consommation.
    • Après une attente gratinée sous un soleil au beurre noir, je finis par monter dans un autobus pistache où grouillaient les clients comme asticots dans un fromage trop fait. Parmi ce tas de nouilles, je remarquai une grande allumette avec un cou long comme un jour sans pain et une galette sur la tête qu’entourait une sorte de fil à couper le beurre. — (Raymond Queneau, Exercices de style, 1947, page 172)
  11. (Argot) Ivre.
    • Autour de minuit, minuit et demi, continua-t-elle, il est aussi fait qu’un amiral polonais. Alors le vieux machin se grabate et bonne nuit la marine ! — (Tito Topin, Shanghai Skipper, Série noire, Gallimard, 1986, page 45)
    • Mitia, tu es complètement fait, a dit le cousin Ivan d’une voix posée, à croire que sa murge s'était dissipée d’un coup. — (Juan Bas, Vade retro Dimitri, traduction de Karine Louesdon et José-Maria Ruiz-Funes Torres, éditions du Rouergue, 2013)

Nom commun - français

fait \fɛ\ ou \fɛt\ masculin

  1. Ce que quelqu’un fait, a fait ou fera, action.
    • Il nie le fait.
    • On lui impute des faits graves.
    • C’est par des faits que je veux lui prouver mon attachement.
    • Ses faits ne répondent pas à ses promesses.
    • Se vanter ainsi ne peut être que le fait d’un fanfaron.
    • Par le fait d’autrui.
  2. Toute chose qui arrive, qui a lieu, qui a eu lieu.
    • Même alors, son esprit n’en fut pas autrement frappé. Ce n’était qu’un fait de plus au milieu d’une innombrable quantité de faits extraordinaires et inévitables. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 249 de l’édition de 1921)
    • Faute de pouvoir faire toute la lumière désirable sur ce fait énigmatique, nous réunirons ici le faisceau de vraisemblances et de témoignages qui peuvent seuls nous éclairer pour le moment. — (Robert Triomphe, Joseph de Maistre, Droz, 1968, page 67)
    • Fait curieux, la belle-mère ne renchérit pas. Dans la querelle familiale, elle pencherait au contraire pour la gendresse. — (Michel Jeury, Les beaux jours du Docteur Nicolas, Robert Laffont, 2010, chapitre 7)
    • Ces faits ne laissent aucun doute sur sa culpabilité.
    • Les faits seuls réfutent cette calomnie.
  3. Donnée observable de l’expérience, souvent invoquée, en vertu de son objectivité, comme preuve indiscutable. En particulier en droit et dans la jurisprudence.
    • Il procédait par l’observation, analysant et classant des faits (instantiæ Naturæ, comme on les désignait assez pédantesquement), et les transformant en lois générales. — (Edgar Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire, 1864)
    • L’utopie est, au contraire, le produit d’un travail intellec­tuel ; elle est l’œuvre de théoriciens qui, après avoir observé et discuté les faits, cherchent à établir un modèle auquel on puisse comparer les sociétés existantes pour mesurer le bien et le mal qu’elles renferment […] — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, page 39)
    • Ne regardons donc plus comme des principes absolus des faits n’ayant jamais existé que dans l’imagination de ceux qui les ont conçus […] — (Jean Déhès, Essai sur l’amélioration des races chevalines de la France, École impériale vétérinaire de Toulouse, Thèse de médecine vétérinaire, 1868)
    • Dans tous les articles, les auteurs s’attachent scrupuleusement aux faits, aux données brutes et concrètes : pas de bavardage, pas d’interprétations oiseuses, mais des informations précises étayées par des citations sourcées. — (Bulletin critique du livre français, n° 666-669, Association pour la diffusion de la pensée française, 2005, page 5)
    • La capitale de l'Alberta, Edmonton, semble avoir du mal à dépoussiérer son image de marque, […]. Le fait est que les gens persistent à n'y voir qu'une ville champignon pourvue d’un gigantesque centre commercial. — (Ouest Canadien : le plaisir de mieux voyager, Montréal (Québec) : Guides de voyages Ulysse, 2013)
  4. (Journalisme) Information brute dénuée de commentaire.
    • Vous lirez cela dans la rubrique Faits Divers.
  5. (En particulier) (Droit) Événement ou cas d’espèce dont il s’agit. — Note : Il s’emploie surtout dans les discussions, les contestations ou les plaidoiries.
    • Indépendamment de la précision avec laquelle l’hypothèse du fait non infractionnel est prévue et l'absence de faute, exigée, ce Code est également très clair en n’accordant d’indemnité qu'au condamné reconnu innocent. — (Adolphe Berlet, De la réparation des erreurs judiciaires: étude de la loi du 8 juin 1895 avec un tableau comparatif du texte de cette loi et des projets du gouvernement et des commissions parlementaires, Paris : Éditions A. Rousseau, 1896, page 45)
    • D'autres seront déportés pour fait de résistance : Benoît Jean, Bombardier Gabriel, Vouaux Jean. Souvent, dans un état de délabrement physique à leur retour, ils retrouveront leur village meurtri, par l’occupation et les luttes qui y eurent lieu. — (Jean Laurain, Brû, l'histoire de mon village, Remiremont : chez G. Louis, 1997)
  6. (Droit) Qui n’a pas fait l’objet d’un acte juridique ; par opposition au droit.
    • Moyens de fait et de droit.
    • Possession de fait, possession de droit.
    • Un gouvernement de fait : Un pouvoir récent qui n’existe en vertu d’aucun droit reconnu.
  7. (Philosophie) Qui établit l’existence de telle ou telle donnée constatable, contrairement à la question de droit qui en établit la légitimité.
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Littré (1872-1877)

FAIT (fè, fè-t') part. passé de faire
  • 1Formé, exécuté. L'homme fait à l'image de Dieu. Un tertre fait de main d'homme. Ce tailleur vend des habits tout faits.

    Familièrement. Ce n'est ni fait ni à faire, se dit d'un travail mal fait, et, particulièrement, d'un travail littéraire, d'une rédaction, etc.

    Fig. Suivez le roi, seigneur, votre ambassade est faite, Corneille, Nicom. III, 2. Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ; Mais rapportons-nous-en. - Soit fait, dit le reptile, La Fontaine, Fabl. X, 2.

    C'est une nouvelle, une histoire, un conte fait à plaisir, la nouvelle, l'histoire est controuvée, le conte n'a rien de vrai.

    C'est un grand pas de fait, on a beaucoup avancé ce dont il s'agit.

    C'est judicieusement fait à lui, il a agi judicieusement. C'est fort bien fait à vous, Molière, le Fest. I, 2.

    Tout est fait, rien autre n'est nécessaire. Dans toutes les assemblées qui s'étaient tenues jusqu'alors dans le parti, dès que Luther y était et qu'il avait parlé, Mélanchthon nous apprend lui-même que les autres n'avaient qu'à se taire, et tout était fait, Bossuet, Var. IV, § 33. On croit que tout est fait quand on a rempli ce devoir, Massillon, Carême, Culte.

    Voilà qui est fait, la chose est décidée. Voilà qui est fait, votre frère va nous quitter, Sévigné, 63. Oh ! voilà qui est fait ; je renonce à toutes les femmes et à tous les trésors du monde, Marivaux, Surpr. de l'amour, I, 2. Voilà qui est fait, je n'aimerai plus d'impératrice de ma vie, Voltaire, Lett. à Catherine, 138.

    Cela vaut fait, c'est comme si la chose était faite. Il suffit que le mort soit venu m'en instruire ; Cela vaut fait…, Hauteroche, le Deuil, sc. 5.

    On dit de même. Tenez cela pour fait.

    Aussitôt dit, aussitôt fait, se dit pour exprimer que l'action suit aussitôt la parole.

    Familièrement. C'est fait pour moi, cela semble fait pour moi, n'est fait que pour moi, cela n'arrive qu'à moi, en parlant de désagréments, de malheurs.

    On dit de même : C'est un fait exprès, c'est comme un fait exprès. Se pourrait-il… elle aussi… c'est donc un fait exprès, Picard, Trois quartiers, II, 13.

    C'est une affaire faite, exprime que la chose est terminée, et aussi qu'il n'y a plus à revenir là-dessus.

    Est-ce fait ? se dit communément pour demander si une chose est achevée.

    C'est fait, se dit pour avertir que la chose est achevée.

    Est-ce fait ? se dit dans les jeux des enfants pour demander si celui qui doit chercher peut commencer ; en cas d'affirmation, on répond : fait.

  • 2Bien fait, mal fait, ayant le corps bien ou mal proportionné. Si pour toucher son cœur j'étais assez bien faite, Corneille, Agésil. II, 7. Il est noble chez lui, bien fait de sa personne, Molière, Tart. II, 3. Bien fait de corps, La Fontaine, Mandr. Cela serait plaisant que votre fille ne fût pas bien faite, Sévigné, 19.

    Fait à peindre, dont le corps est tellement bien fait qu'il mériterait de servir de modèle à un peintre. C'était une grande fille faite à peindre, qui se mettait bien, qui marchait comme une déesse, Hamilton, Gramm. ch. 9.

    On dit dans le même sens : fait à plaisir, fait à ravir, fait au tour ou au moule.

    Avoir la taille bien faite, mal faite, avoir une belle taille, une vilaine taille. Avoir la jambe bien faite, mal faite, bien, mal conformée.

    Ironiquement. Cela lui rend la jambe bien faite, se dit de quelque chose dont on tire avantage, mais qui ne peut être d'aucune utilité.

  • 3Constitué, disposé. Je ne sais pas comme sont faites vos beautés d'Asie, mais je vous assure que cinq ou six des plus belles personnes de l'Europe sont devenues amoureuses de vous, Voiture, Lett. 121. Des Parthes le mieux fait d'esprit et de courage, Corneille, Suréna, I, 1. Le sort avait raison, tous gens sont ainsi faits ; Notre condition jamais ne nous contente, La Fontaine, Fabl. VI, 11. Dire d'un, puis d'un autre, est-ce ainsi que l'on traite Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ? La Fontaine, ib. IV, 16. On est faite d'un air, je pense, à pouvoir dire Qu'on n'a pas pour un cœur soumis à son empire, Molière, Femmes sav. II, 3. Il ajoute qu'il est fait ainsi et qu'il dit ce qu'il pense, La Bruyère, V. Voyez, mon cher Télémaque, comme les hommes sont faits ! vous voilà tout désolé parce que vous avez vu votre père sans le reconnaître, Fénelon, Tél. XXIV. Les hommes sont faits de façon qu'ils veulent bien commettre le mal, mais ils ne veulent pas qu'on le leur prêche, Voltaire, Dict. phil. Fraude. Les ennuyeux et les pervers Composent ce vaste univers ; Le monde est fait comme la France, Voltaire, Épît. 92. Messieurs les Parisiens s'imaginent toujours que le reste de la terre est fait comme le faubourg Saint-Germain et le quartier du Palais-Royal, Voltaire, Lett. Thibouville, 11 janv. 1776. Mon cher et respectable ami, comment donc sont faits les grands hommes, si celui-là [le roi de Prusse] n'en est pas un ? Voltaire, Lett. d'Argental, 1 sep. 1750. Il faut avouer que, s'il y a eu de la raison dans sa conduite, cette raison n'était pas faite comme celle des autres hommes, Voltaire, Russie, II, 1.

    Esprit bien fait, mal fait, personne dont la raison est, n'est pas saine et droite. C'est aux rois, c'est aux grands, c'est aux esprits bien faits…, Corneille, Hor. v, 3. Les choses les plus simples ne se font pas d'elles-mêmes, et elles se font toujours mal par les esprits mal faits, Fénelon, Éduc. des filles, 13. Je sais que tous les lieux sont égaux pour les esprits bien faits, mais il n'en est pas de même quand les esprits bien faits ont des cœurs sensibles, Voltaire, Lett. Chauvelin, 25 août 1763.

    On dit dans un sens analogue, avoir le cœur bien fait. Consultez-vous, et soyez mes témoins, Ô mes lecteurs ! ou consultez du moins Ces cœurs bien faits, où la vertu sincère Ne fut jamais une plante étrangère, Malfilâtre, Narcisse, ch. I.

    Avoir la tête mal faite, être bizarre, déraisonnable.

  • 4Constitué en une certaine dignité. Les princes à faire ne peuvent se passer de ces gens-là [les bons conseillers], et les princes faits en ont grand besoin, Guez de Balzac, De la cour, 1er disc.
  • 5Habitué. Mais votre bras au crime est plus fait que le mien, Corneille, Rodog. V, 4. Car les femmes y sont faites à coqueter, Molière, Éc. des f. I, 6. Il y a soixante ans que j'y suis accoutumé [à la calomnie], mais je n'y suis pas encore entièrement fait, Voltaire, Lett. à d'Alembert, 108.
  • 6Être fait pour, être propre à, capable de. Cet homme n'est pas fait pour un pareil emploi. Une duchesse de Berry était faite pour lui céder ses dames [à la duchesse de Bourgogne], quand il lui plairait de les vouloir prendre, Saint-Simon, 269, 136. Cette manière d'écrire n'est pas faite pour aller à la postérité, Voltaire, Phil. III, 107. Un homme que la perte trouble… un homme avare ne sont pas plus faits pour jouer, que ceux qui ne peuvent atteindre à l'esprit de combinaison, Vauvenargues, Du jeu.
  • 7Destiné. Qui de l'âne ou du maître est fait pour se lasser, La Fontaine, Fab. III, 1. Ses maximes [du duc de Bourgogne] étaient que les rois sont faits pour les sujets, et non les sujets pour les rois, Duclos, Règne de Louis XIV, Œuvres, t. V, p. 51, dans POUGENS. Non, non le consulat n'est point fait pour son âge, Voltaire, Brutus, II, 4. De ce bonheur qui semblait fait pour tous, Le beau Narcisse, Écho, sa belle amante, Sont privés seuls par un pouvoir jaloux, Malfilâtre, Narcisse, ch. II.

    N'être fait que pour, être destiné seulement à. Ce que je vous dis là au reste n'est fait que pour vous, mademoiselle ; vous le sentez bien, Marivaux, Marianne, IIe part.

  • 8Habillé, arrangé. Suis-je fait en voleur ou bien en assassin ? Corneille, Suite du Ment. 1, 1. Je suis dehors, faite comme un loup-garou, Sévigné, 231. La véritable reine reprenait un teint frais et vermeil ; mais elle était crasseuse, court-vêtue et faite comme un petit torchon qu'on a traîné dans les cendres, Fénelon, t. XIX, p. 5.

    Comme le voilà fait ! se dit de quelqu'un plus mal vêtu, plus mal arrangé que d'ordinaire, et aussi de quelqu'un qui n'a pas aussi bon visage que d'habitude. Dieu, comme êtes-vous fait ! Régnier, Sat. X. Comme le voilà fait ! Débraillé, mal peigné, l'œil hagard…, Regnard, Joueur, I, 7.

    On dit de même : être fait comme un voleur.

    Être fait comme il plaît à Dieu, se dit d'une personne dont les vêtements sont en désordre.

  • 9Accompli. On n'a jamais pris le deuil des enfants de la reine quand ils n'avaient pas sept ans faits, Saint-Simon, 299, 73.

    Homme fait, homme arrivé à la force de l'âge. Il [le peuple] ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus, Montesquieu, Esp. IV, 5. En vérité, je suis presque amoureux Non d'une jeune enfant, mais d'une femme faite, Collin D'Harleville, Vieux célib. IV, 2.

    C'est déjà un homme fait, en parlant d'un jeune garçon qui grandit, qui devient sage, capable. Je me croyais déjà un homme fait, Fénelon, Tél. III.

    Terme de manége. Cheval fait, qui n'est plus jeune et qui est dressé.

    Il se dit aussi des choses qui ont atteint leur plus haut point. Votre style est devenu comme on peut le souhaiter ; il est fait et parfait, Sévigné, 145. Quelques gens de lettres dont la réputation soit faite et dont le témoignage ait du poids, Genlis, Veillées du château t. III, p. 105, dans POUGENS.

  • 10Qui est à point pour être mangé. De la viande faite. Le fromage est fait.
  • 11 Terme de marine. Vent fait, vent qui a déjà soufflé quelque temps dans un certain rumb et qu'on croit devoir durer.

    On dit de même : temps fait. Le flot, le jusant sont faits, lorsque le courant en a atteint sa vitesse moyenne.

  • 12Phrase faite, phrase consacrée dans sa construction et dans laquelle on ne peut rien changer. Les idiotismes sont des phrases faites. Il y a un certain nombre de phrases toutes faites que l'on prend comme dans un magasin et dont l'on se sert pour se féliciter les uns les autres sur les événements, La Bruyère, VIII.

    Mot fait, mot autorisé par l'usage. Ce mot est fait, n'est pas fait.

  • 13À prix fait, à prix convenu. Les impudicités les plus monstrueuses avaient leur prix fait, Voltaire, Mœurs, 127.
  • 14Toutes charges faites, toutes charges payées. La Silésie, laquelle vaut par an à son vainqueur quatre millions sept cent mille écus d'Allemagne, toutes charges faites, Voltaire, Lett. Thiriot, 9 oct. 1742.
  • 15C'en est fait, la chose est accomplie. Mais puisque c'en est fait, le mal est sans remède, Corneille, Cid, II, 1. C'en est fait : on dira que Phèdre trop coupable De son époux trahi fuit l'aspect redoutable, Racine, Phèd. III, 3.

    C'en est fait, se dit aussi pour indiquer une résolution irrévocablement prise. C'en est fait, je m'expatrie.

  • 16C'est fait de moi, je suis perdu. C'est fait de votre vie et je vous le promets, Corneille, Nicom. v, 7. S'il m'échappait un mot, c'est fait de votre vie, Racine, Bajaz. II, 1. Mentor m'abandonne, c'est fait de moi, Fénelon, Tél. VII.

    On trouve aussi : C'en est fait de. Nous sommes tous perdus, c'en est fait d'Israël, Racine, Esth. I, 3. C'en était fait de lui et de son armée, si sa bonne fortune ne lui eût envoyé Varron, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 433, dans POUGENS.

    La locution c'en est fait de… n'est pas grammaticalement explicable ; on oublie le rapport exprimé par en, et on l'exprime de nouveau par de ; il y a pléonasme vicieux ; et, bien que Racine et Rollin s'en soient servis, il ne faut pas les imiter.

  • 17 Terme de beaux-arts. Le bien fait, le mal fait, l'exécution bonne ou mauvaise d'un tableau, d'un dessin, particulièrement en ce qui concerne les détails et leur arrangement.

PROVERBES

Ce qui est fait est fait, quand une chose est accomplie, il faut en prendre son parti.

Ce qui est fait n'est pas à faire, quand on peut faire une chose, il ne faut pas la différer à un autre temps ; et aussi, il ne faut pas revenir sur ce qui est fait. Vous critiquez, vous dites qu'il fallait s'y prendre autrement, mais ce qui est fait n'est pas à faire.

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Étymologie de « fait »

(Adjectif) (Date à préciser) Participe passif adjectivé de faire.
(Nom) (Date à préciser) Du latin factum (« fait, action »), participe passé de facere (« faire »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « fait »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
fait

Fréquence d'apparition du mot « fait » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « fait »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « fait »

  • Un Grand fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal.
    Beaumarchais — Le Barbier de Séville
  • Je dois m’attendre à tout – ayant été l’homme le plus haï et le plus adoré du XVIIIe siècle !… Avec de la gaieté – et même de la bonhomie, j’ai eu des ennemis sans nombre – et n’ai pourtant croisé la route de personne. Or, j’ai trouvé la cause de tant d’inimitiés. Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments, mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens – les musiciens m’ont détesté. J’ai inventé quelques bonnes machines, mais je n’étais pas du corps des mécaniciens – et l’on a dit du mal de moi. Je faisais des vers et des chansons, mais qui m’eût reconnu pour poète ? – j’étais le fils d’un horloger ! N’aimant pas le jeu de loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : “De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires”. Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés. Les avocats se sont écriés : “Peut-on souffrir qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison !” J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin, mais l’on disait encore : “De quoi se mêle-t-il, puisqu’il n’est point financier ?” Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire – mais je n’étais pas imprimeur et j’ai eu tous les marchands pour adversaires. J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde – mais je ne m’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer – mais, n’étant pas un armateur, on m’a dénigré dans nos ports. Un vaisseau de guerre à moi de cinquante-deux canons a eu l’honneur de combattre en ligne avec ceux de Sa Majesté, mais regardé comme un intrus, j’y ai gagné de perdre ma flottille ! De tous les Français, quels qu’ils soient, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique – mais je n’étais point classé parmi les négociateurs…
    Sacha Guitry — Beaumarchais
  • J’ai fait un voyage sur le plus beau bateau qui ait jamais été construit ; particularité étrange, à bord de ce transatlantique, passagers et hommes d’équipage étaient à cheval !Le capitaine, cavalier émérite, montait un pur-sang de courses, il portait un costume de chasse et sonnait du cor pour diriger la manœuvre, quant à moi, ayant horreur de l’équitation, j’avais pu obtenir de passer mes journées sur le cheval de bois de la salle de gymnastique. Nous débarquâmes sur une terre nouvelle où les chevaux étaient inconnus ; les indigènes prirent pour un animal à deux têtes les passagers montés de notre navire, ils n’osèrent s’en approcher en proie à la terreur ; moi seul, reconnu semblable à ces êtres primitifs, je fus fait prisonnier par eux. C’est de la prison ou l’on m’enferma que j’écrivis les lignes qui vont suivre. Cette prison était une île absolument déserte le jour, mais la nuit, les habitants d’une grande ville continentale ou le mariage et l’union libre étaient également défendus, s’y donnaient rendez-vous pour faire d’amour, j’ai pù ainsi rapporter de mon exil la plus splendide collection de peignes de femmes qui soit au monde, depuis le triste celluloïd jusqu’à l’écaille la plus transparente, couverte de pierres précieuses. J’ai offert cette collection à l’un de mes oncles, conchyliologiste distingué, chez lequel elle fait pendant à une vitrine de coquillages indiens.
    Francis Picabia — Jésus-Christ Rastaquouère
  • Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; proteste aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu’à présent par le sexe pudique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : dada ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA ; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA ; abolition de la mémoire : DADA, abolition de l’archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur : DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice, d’une harmonie à l’autre sphère ; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore crie ; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste ; peler son église de tout accessoire inutile et lourd ; cracher comme une cascade lumineuse la pensée désobligeante, ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme.
    Tristan Tzara — Manifeste Dada
  • Et voici elles burent le vin, les éhontées, et bien- tôt elles s’égayèrent, comme si elles n’avaient fait que cela dans leur vie.
    Alexis Tolstoï — Pierre Le Grand
  • Dans la salle d’attente du Centre de Réforme, où ils attendent de passer la visite, deux cents Français moyens, anciens combattants, ni bourgeois, ni peuple, mais de cette classe intermédiaire qui fait la France, avec leur génie français d’être ficelés comme l’as de pique, et leurs visages blêmes, ah, ma foi, pas beaux, de Parisiens.
    Henry de Montherlant — Les jeunes filles
  • Je persiste à penser que le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps. La diction dite expressive à la mode, à la manière du théâtre ou de la rue, est l’anti-poème. Comme si le rythme n’était pas, sous sa variété, monotonie, qui traduit le mouvement substantiel des Forces cosmiques de l’Eternel !… Il est temps d’arrêter le processus de désagrégation du monde moderne, et d’abord de la poésie. Il faut restituer celle-ci à ses origines, au temps qu’elle était chantée – et dansée. Comme en Grèce, en Israël, surtout dans l’Egypte des Pharaons. Comme aujourd’hui en Afrique noire. « Toute maison divisée contre elle-même », tout art ne peut que périr. La poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l’espoir du Monde ?
    Léopold Sédar Senghor — Comment les lamantins vont boire à la source »
  • Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrantD’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la mêmeNi tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.Car elle me comprend, et mon coeur transparentPour elle seule, hélas ! cesse d’être un problèmePour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore.Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,Comme ceux des aimés que la vie exila.Son regard est pareil au regard des statues,Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle aL’inflexion des voix chères qui se sont tues.
    Paul Verlaine —  Poèmes saturniens
  • Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
    Jean Anouilh —  Antigone
  • Je me suis occupé des filatures. Par la suite, ils m’ont fait travailler sérieusement : enquêtes, recherches en tous genres, missions confidentielles. Je disposais d’un bureau pour moi tout seul au siège de l’agence, 177, avenue Niel.
    Patrick Modiano — La ronde de nuit
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Traductions du mot « fait »

Langue Traduction
Anglais do
Espagnol hacer
Italien fare
Allemand tun
Chinois
Arabe يفعل
Portugais fazer
Russe делать
Japonais する
Basque egin
Corse
Source : Google Translate API

Antonymes de « fait »

Combien de points fait le mot fait au Scrabble ?

Nombre de points du mot fait au scrabble : 7 points

Fait

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